Je suis toujours un peu surprise de constater que ça ne fait pas tellement longtemps. Que la génération de mes parents n’a pas pu avoir le choix. À moins de contourner la loi. Comme devront le faire désormais les femmes de certains États américains. En 2022. Un vrai désastre pour la liberté. La Cour suprême des États-Unis a mis K.-O. le droit des femmes.
Bien honnêtement, ça me lève le coeur et j’ai peine à y croire. Les droits des femmes ont bien souvent été menacés, mais d’en arriver à une telle conclusion, c’est complètement irréel. On évalue que l’avortement sera désormais illégal dans la moitié des États des États-Unis. Incroyable. Les Américaines de ces États ne seront plus maîtresses de leur propre corps ni de leur propre futur.
Je ne me suis jamais fait avorter. Mais si c’était le cas, je n’en aurais pas honte. J’aurais pris cette décision en fonction de ma vie. Et le jugement des autres n’a rien à faire là-dedans.
J’ai ri jaune lorsque le sénateur du Texas, Ted Cruz, a qualifié ce jugement de « rien de moins qu’une victoire massive pour la liberté », qui aura pour effet de sauver la vie de « millions de bébés innocents ». C’est plutôt une catastrophe pour la liberté des femmes, dont plusieurs devront désormais devenir mères de force. Ne venez pas me faire croire que ces « millions de bébés » en ressortiront tous gagnants.
C’est d’ailleurs ça, le problème. Les juges de la Cour suprême ne semblent pas avoir vu plus loin que le bout de leur nez. Plus loin que les neuf mois de grossesse. Les conséquences d’une grossesse non désirée vont bien au-delà de l’accouchement.
« Si j’aide les femmes à avoir des enfants au moment de leur vie où elles peuvent donner de l’amour et de l’affection, ils ne deviendront pas des violeurs ou des assassins. Et ils ne construiront pas des camps de concentration », avait d’ailleurs dit le médecin canadien Henry Morgentaler en 2003.
L’homme, qui reste à mes yeux l’un des plus grands féministes du Canada, a fait du droit à l’avortement son cheval de bataille, au détriment de sa propre sécurité et de sa liberté. Il a été arrêté, emprisonné. Il a été la cible d’actes de violence. Une bombe a explosé à sa clinique.
Et pourtant, il a aidé 100 000 femmes à mettre un terme à une grossesse non désirée de façon sécuritaire et encadrée, afin de leur éviter d’avoir recours à des solutions mettant leur santé en péril. Parce que c’est ce qui arrivera dans les États où l’avortement médical ne sera plus permis. Un retour aux pratiques dangereuses et dégueulasses dignes du Moyen-Âge.
Je n’aurais jamais pensé écrire ça un jour, mais je souhaite maintenant aux Américaines qu’elles aient leur Morgentaler.