Un réseau de chaleur de 3,9 M$ comme pilier de la bioéconomie à Saint-Félicien

Yanick Baillargeon, Nancy Guillemette, Luc Gibbons et Pascal Turcotte

Après plus de deux décennies d’attente, la Ville de Saint-Félicien officialise la construction d’un réseau de chaleur de près de 30 mégawatts d’énergie résiduelle de la centrale de cogénération. Ce réseau permettra d’alimenter d’autres projets liés à la bioéconomie et de générer des dizaines de millions de dollars d’investissements.


« La chaleur perdue permettra d’alimenter en énergie alternative de chauffage ou de procédé, a soutenu le maire de Saint-Félicien, Luc Gibbons, qui rêvait de ce projet depuis longtemps. Plusieurs projets sont en préparation et cet investissement est le point de départ pour leur réalisation. »

La députée Nancy Guillemette et le maire Luc Gibbons

L’idée de valoriser les rejets thermiques est venue dès les balbutiements de la centrale de cogénération. Dès son ouverture, en 1999, Saint-Félicien a hérité de la chaleur résiduelle, à 40 °C. Cette dernière a toujours voulu valoriser cette chaleur résiduelle, mais elle attendait les fonds et les clients pour lancer un projet de réseau de chaleur.



Avec les investissements de plus de 2,8 millions $ des deux paliers de gouvernement (1,55 M$ d’Ottawa et 1,3 M$ de Québec), le réseau de chaleur peut désormais être construit, avec un investissement complémentaire de 1,04 M$ de la Ville de Saint-Félicien. « C’est un projet porteur et innovant qui mise sur l’économie circulaire », a soutenu Nancy Guillemette, la députée de Roberval, qui a annoncé les investissements gouvernementaux.

Pascal Turcotte, le directeur de l’usine de cogénération de Saint-Félicien

D’emblée, l’usine de cogénération a réglé le problème d’enfouissement des copeaux de bois, qui produisait du méthane et du lixiviat nocif pour l’environnement. Au lieu de pourrir dans le sol, les résidus forestiers sont brûlés pour générer de la vapeur qui actionne une turbine, produisant ainsi de l’électricité. Depuis plusieurs années, la vapeur est valorisée dans les séchoirs de l’usine de sciage de Produits forestiers Résolu. La chaleur résiduelle, à 40 °C, était toutefois perdue dans les tours d’eau.

« On produit 14 000 gallons d’eau chaude à la minute », soutient Pascal Turcotte, le directeur de l’usine de cogénération. Cette chaleur représente près de 40 mégawatts d’énergie, dont un potentiel d’environ 30 mégawatts est utilisable.

Andrew White, président de Chartech, et Dino Mili, gestionnaire d’actifs de Greenleaf Power

Le projet de réseau de chaleur vise à construire un réseau municipal de canalisation qui distribuera cette énergie pour des industries ou des serres à proximité.



Jean-Marie Niget, un agronome consultant sur le projet depuis 1997, souligne que cette quantité d’énergie représente l’équivalent de 14 millions de mètres cubes de gaz naturel. Cette source énergétique évite les émissions de 13 500 tonnes d’équivalents CO2, ce qui équivaut au retrait de plus de 3400 véhicules légers des routes.

Les rejets thermiques produits avec la combustion des copeaux seront désormais valorisés.

« Le réseau de chaleur est une pièce importante qui nous permet de consolider notre positionnement pour devenir un leader dans la bioéconomie au Québec », a pour sa part soutenu Yanick Baillargeon, le préfet de la MRC du Domaine-du-Roy.

Le réseau de chaleur devrait entrer en service à l’automne 2023.

Pascal Turcotte devant le broyeur électrique de l’usine de cogénération qui servira aussi au centre de valorisation de la biomasse.

Créer de la valeur avec la bioéconomie

Le réseau de chaleur est la pièce maîtresse qu’attendaient d’autres promoteurs pour lancer leur projet, générant des investissements de plusieurs millions de dollars à Saint-Félicien. C’est notamment le cas du Centre de valorisation de la biomasse (CVB), lequel projette de valoriser 60 000 tonnes de biomasses forestières résiduelles, en récupérant les cimes des arbres en forêt. La demande énergétique du CVB est d’environ 3 MW, ce qui laisse près de 27 MW d’énergie pour d’autres projets.

Chartech, une entreprise ontarienne qui produit du biocharbon, compte pour sa part sur le CVB comme fournisseur de 35 000 tonnes de copeaux de bois, mentionne son président Andrew White. En plus de produire du biocharbon, le procédé permet de produire de l’hydrogène ou du gaz naturel renouvelable, qui serait intégré dans le réseau d’Énergir. Le projet, qui est maintenant évalué à 17 millions de dollars, bénéficierait aussi de l’énergie provenant du réseau de chaleur pour ses procédés.



Ces deux projets, qui sont très avancés, devraient être confirmés très rapidement.

« Le réseau de chaleur est un modèle particulier et innovateur, qui permet d’intégrer un réseau de chaleur, un centre de valorisation de la biomasse et d’autres entreprises pour créer de la valeur avec des rejets thermiques, a résumé Dino Mili, gestionnaire d’actif pour Greenleaf Power, l’entreprise qui possède l’usine de cogénération. On met en action l’économie circulaire. »