Ils étaient les invités du Festival de la chanson de Tadoussac et c’est au sous-sol de l’église, le refuge des grands faiseurs de bruit, que des dizaines et des dizaines de fans, souvent très jeunes, ont entrepris avec eux un étrange voyage dans l’espace. Vêtus de combinaisons blanches, évoluant sous des ballons censés représenter les planètes, leurs hôtes sont vite entrés dans le vif du sujet.
«Bienvenue à cette célébration de l’astronomie, de la science-fiction et des créatures monstrueuses telles Darth Vader et Julie Payette», a proclamé l’Oncle. Il a ensuite révélé une information que la NASA gardait cachée depuis 1969, le fait que les astronautes de la mission Apollo 11 qui se sont posés sur la Lune ont été déçus de ne pas y trouver de bière. C’était le prétexte idéal pour étrenner Vendeur de bière, l’un des titres provenant du plus récent album intitulé L’an 8000.
«Je fais vendre de la bière à profusion», a révélé le chanteur sur un fond de gros rock lourd, une affirmation qu’il était facile de vérifier en jetant un œil vers le bar où étaient servies des bières de microbrasseries de la Côte-Nord. La file était longue, tellement que ces gens n’ont pas eu le temps de se rapprocher de la scène pour apprécier les titres qui ont suivi: Les punks et son torrent de mots, de même que Ma niche, dont les relents new wave avaient quelque chose de lyrique.
Déjà, ça dansait doucement devant la scène, une manière de réchauffement avant d’entrer dans le feu de l’action, plus tard dans la nuit. Très en verve, Mononc’ Serge s’est alors mis à fredonner Il y a de l’amour dans l’air, un hommage à Martine St-Clair on ne peut plus équivoque. Il l’a en effet dénoncée en arguant que dans l’espace, il n’y a pas d’air, mais que ça n’empêche pas les Crosmonautes de s’aimer. Sa montée de lait a mis la table pour Dire du mal des autres, qui compte également parmi ses nouveautés.
L’éthique du bodysurfing
Il n’aura fallu qu’une trentaine de minutes pour que débute la séance de slam, sur l’air de La maladie du préjugé. Pendant que le groupe tricotait une sorte de polka punk, le poussaillage se faisait plus joyeux qu’agressif. Après cette interprétation, cependant, un jeune homme qui a voulu s’adonner à une séance de bodysurfing a été remis à l’ordre. «Tu vas pas faire ça pendant que je parle», a lancé le chanteur, ce qui a déclenché des huées complices. Même pour ce genre de pratique, il faut respecter une éthique.
Le programme est devenu plus corsé à mesure que le spectacle progressait, avec des pièces comme Requiem pour la marde, dont le titre a été repris une dizaine de fois par l’assistance, ainsi que Marijuana et Hitler. Le slam aussi a gagné en intensité, comme l’a confirmé le retrait de quelques jeunes femmes au profit de garçons plutôt costauds. Il fallait aussi que ces corps exultent, puisqu’on sentait la fin approcher.
Au plan musical, le premier rappel a permis à ceux qui le pouvaient encore d’apprécier le talent du trio. Oui, ces gars-là bûchent fort, mais pas bêtement, comme l’a démontré Les patates. Le solo de Peter Paul fleurant bon le rockabilly, autant que le refrain chanté à trois, en a fait l’un des beaux moments de la soirée.
Un titre plus carré à suivi, offrant une ultime opportunité d’abus physique aux slameurs, avant que le groupe entonne Ce n’est qu’un au revoir. Le moment était venu de retourner dans le monde réel, celui d’un village assoupi, où la pluie faisait plus de bruit que les notes.
Quant aux fans du Saguenay-Lac-Saint-Jean qui souhaitent vivre une expérience similaire à celle des festivaliers de Tadoussac, ils peuvent entourer la date du 22 juillet. Ce jour-là, le grand escogriffe et ses Crosmonautes feront escale à l’Agora du Village portuaire de La Baie. Comme d’habitude en ce lieu, l’admission sera gratuite.