Par Samuel Tremblay et Maxime Pearson, cofondateurs de Nouveaux pères
Nous voilà donc quatre ans plus tard, pères de deux enfants chacun, à l’aube de célébrer notre quatrième fête des Pères. Somme toute, nous avons respecté notre promesse : nous sommes d’éternels optimistes, qui s’efforcent toujours de voir la paternité du meilleur angle. Sauf que sur le fond, on doit leur donner en partie raison : la conciliation famille-travail est devenue notre défi de tous les instants. Nous vivons un équilibre fragile, tiraillés entre la volonté d’être des pères et des conjoints engagés et présents, l’aspiration de s’accomplir professionnellement et le désir de poursuivre des projets personnels qui nous stimulent.
Comme bien des parents, nous sommes des funambules. Impressionnants à voir jongler dans les airs… jusqu’à ce que l’on trébuche. Chaque nouvelle étude sur la santé mentale des Québécois le confirme : nous vivons une épidémie d’épuisement professionnel et les parents n’y échappent pas. Ils marchent tous sur un fil de fer. Et malheureusement, ils sont de plus en plus nombreux à perdre pied.
Sous pression
Plusieurs se plaisent à croire que les parents d’aujourd’hui sont simplement « faits moins forts » que ceux d’avant. Après tout, nos parents, grands-parents et arrière-grands-parents sont tous passés par là avant nous et ils ont survécu, n’est-ce pas?
Il y a quand même des paramètres qui ont changé. En octobre 2021, près de 87 % des Québécois âgés de 25 à 54 ans occupaient un emploi. En janvier 1993, il y a une génération, cette proportion n’était que de 68 %. C’est un bond majestueux.
Cette progression fulgurante s’explique en majeure partie, sinon en presque totalité, par l’intégration massive des femmes sur le marché du travail, dans la foulée de la création du réseau des CPE. Ce changement aura transformé notre société pour le mieux à bien des égards, notamment sur le plan de l’égalité entre les hommes et les femmes. Il aura également contribué grandement à la croissance économique du Québec. En contrepartie, la pression sur les familles n’a cessé d’augmenter depuis. Parce que si les mères québécoises travaillent plus que jamais, les pères n’ont pas ralenti pour autant.
En parallèle, la technologie a eu pour effet de connecter les parents en permanence avec leur boulot. Le télétravail a l’avantage de vous permettre de faire votre lavage entre deux réunions, nous vante-t-on. Il a souvent l’inconvénient de vous forcer à répondre à vos courriels après l’heure du bain, aussi. Ajoutez à cela le manque de places en services de garde et les retraits de l’école ou de la garderie qui se font de plus en plus fréquents depuis la pandémie et vous avez un bon cocktail d’explications à l’épuisement grandissant des parents.
Résultat : jamais les parents québécois n’ont eu autant de travail à concilier avec famille. Et force est de constater qu’ils y arrivent de moins en moins bien. Il n’y a qu’à regarder les funambules qui chutent autour de vous pour vous en convaincre.
Ralentir le rythme
Quand la conciliation famille-travail devient impossible, ce sont encore les mères qui prennent la décision, dans la forte majorité des cas, de réduire leur charge de travail. C’est un choix on ne peut plus noble, souvent le seul possible. Malheureusement, lorsqu’il devient généralisé, ce choix a le défaut de nous faire reculer de 25 ans.
De leur côté, même si les mentalités évoluent, les pères vivent encore dans une société où l’on valorise davantage ceux qui se défoncent à l’ouvrage que ceux qui, chaque soir, se font un devoir d’arriver le plus tôt possible à la garderie.
En cette Semaine québécoise de la paternité, nous tenons donc à saluer tous ces pères qui choisissent eux aussi de ralentir le rythme, un tant soit peu, pour préserver leur équilibre et celui de leur famille. Ces pionniers qui étirent leur congé parental. Ces précurseurs qui osent demander la semaine de quatre jours. Ces héros qui ont les couilles de refuser une promotion ou l’offre de leurs rêves parce qu’ils préfèrent passer plus de temps avec les enfants. Ces pères qui, au quotidien, mettent la famille au premier rang de leurs priorités.
Le modèle d’avant était profondément inégalitaire. Celui d’aujourd’hui apparaît de plus en plus insoutenable. À nous d’en bâtir un nouveau qui nous permette de retrouver l’équilibre. Un modèle dans lequel nous serons plus nombreux à garder les deux pieds sur terre.