La position exclusiviste des Hurons-Wendats va à l’encontre des pratiques d’usage chez les peuples autochtones, note Denys Delâge, un professeur et chercheur reconnu dans le milieu qui a travaillé avec plusieurs Nations autochtones, dont les Hurons-Wendats et les Innus, au cours de sa carrière. Il a notamment été le directeur d’une vaste recherche du ministère des Affaires indiennes et du Nord Canada et du Conseil de la Nation huronne-wendat.
Les Hurons-Wendats réclament un territoire, qu’ils appellent le Nionwentsïo, entre la rive est du Saint-Maurice et la rive ouest du Saguenay, en passant par l’Estrie, Chaudière-Appalaches, le Bas-Saint-Laurent et débordant dans le Maine et au Nouveau-Brunswick.
À l’époque, les peuples autochtones étaient en majorité nomades et ils circulaient sur de vastes territoires à des fins commerciales et diplomatiques. « Les Hurons pouvaient circuler en dehors de leur territoire, comme tout le monde, mais ils ont tendance à dire que là où ils circulaient, c’était leur territoire exclusif. »
Des frontières naturelles flexibles
Chez les Premières Nations, la notion de frontière est différente de celle des Européens, car elles sont basées davantage sur les frontières naturelles, comme les bassins versants.
Les frontières autochtones étaient principalement les bassins de rivières, car les communautés étaient établies à l’embouchure et les familles remontaient les affluents pour occuper un territoire familial de part et d’autre du bassin versant, notamment pour chasser à l’hiver. Ainsi, les revendications territoriales ne peuvent pas être une moitié de bassin versant, « comme le font les Hurons avec la moitié du Saguenay et la moitié du Saint-Maurice, estime Denys Delâge. Ça n’a juste pas de bon sens ».
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Les frontières fluctuaient aussi au gré des mariages et des alliances, ainsi que de la disponibilité de la nourriture. « Il n’y avait pas de frontière absolue, remarque le professeur émérite. En cas de famine, on pouvait déborder chez le voisin. »
Un territoire partagé
Il n’existe aucun traité qui reconnaît un droit exclusif sur le territoire pour les Hurons-Wendats, souligne Denys Delâge. Les Innus et les Wendats ont tout de même des prétentions sur les mêmes territoires. Les deux Nations revendiquent une présence millénaire sur le territoire couvrant la ville de Québec et la Réserve faunique des Laurentides.
« Les Hurons-Wendats disent qu’ils sont les descendants des Iroquoiens du Saint-Laurent, qu’ils ne sont pas des réfugiés qui sont venus des Grands Lacs. Ça ne convainc pas beaucoup d’archéologues, mais ce n’est pas réglé devant les tribunaux et c’est leur discours », explique l’expert.
Une chose est claire, c’est qu’au moment où Samuel de Champlain arrive à Québec, c’est avec les Innus qu’il négocie, remarque-t-il. Ce n’est que vers 1650, après la destruction de la Huronie, dans la baie Georgienne, que les Hurons-Wendats sont venus s’installer dans la région de Québec.
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En 1760, lorsque les Britanniques prennent le contrôle de la Nouvelle-France, le général Murray signe le Traité Huron-Britannique, avec les Hurons-Wendats, ce qui leur confère des droits sur le territoire. Cette position a été entérinée par un jugement de la Cour suprême.
« Le traité donne la liberté de religion, de coutume et de commercer sur le territoire, mais il ne donne aucune garantie territoriale », note Denys Delâge.
À l’arrivée des Hurons-Wendats à Québec, il y a fort probablement eu une entente pour partager le territoire avec les Innus, une nation alliée, mais il n’y a pas de documents pour le confirmer.
« Une entente à l’amiable serait dans la norme, parce que les Innus-Montagnais étaient des alliés des Hurons de longue date dans le commerce et la diplomatie. L’alliance et le commerce sont toujours liés par des mariages, alors quand les Hurons arrivent ici, ils ont certainement déjà de la parenté parmi les Montagnais (Innus) », explique Denys Delâge.
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Une lutte fratricide improductive?
À l’ère de la réconciliation entre Autochtones et non-Autochtones, cette lutte fratricide entre deux Premières Nations est contre-productive, estime Denys Delâge. « Ça envoie un drôle de message, parce qu’il n’y a pas de réconciliation entre Autochtones, dit-il. C’est honteux. »
Faute d’une entente, le conflit se réglera vraisemblablement devant les tribunaux, conclut-il.