Chronique|

Sept ans, c’est la moitié de sa vie

<em></em>François et Sylvie se battent depuis sept ans pour récupérer leurs enfants. Ils étaient devant le parlement mercredi matin dans l’espoir de porter leur cause à l’attention des élus. 

CHRONIQUE / Chaque fois que François* va voir sa fille, elle lui dit qu’elle s’ennuie, qu’elle veut revenir à la maison.


Ça dure depuis sept ans.

Sa petite vient juste d’avoir 14 ans, elle a passé la moitié de sa vie dans un centre de réadaptation, là où on héberge habituellement des jeunes qui présentent de graves troubles de comportement. Elle et sa grande sœur, d’un an et demi son aînée, y ont été placées en juin 2015 par la DPJ, qui s’acharne depuis à les laisser là.

L’histoire est rocambolesque, je vous en ai parlé à quelques reprises. Un premier signalement fait par la commission scolaire par rapport à la scolarisation à la maison n’a pas été retenu, un deuxième l’a été. Il n’est alors pas question de placement, seulement d’un suivi de leurs apprentissages. Mais le 19 juin, alors que François se présente seul devant le tribunal, l’intervenante convainc le juge d’envoyer la police pour aller chercher les enfants, elle dit craindre que lui et Sylvie se sauvent. 

Les filles, qui n’ont jamais dormi ailleurs que chez elles depuis qu’elles sont nées, sont envoyées d’urgence dans une famille d’accueil. Elles sont en choc, se désorganisent, au point où elles sont envoyées dans un centre de réadaptation.

Celui où elles sont encore.

La DPJ fera alors évaluer les enfants par une clinique avec laquelle elle fait très souvent affaire, des diagnostics d’autisme sont posés. Jamais n’a-t-on tenu compte des conséquences possibles du placement d’urgence sur les comportements de ces enfants, jamais n’a-t-on non plus cherché à gagner la confiance des parents.

L’affrontement dure depuis le jour 1.

Sept années plus tard, François et Sylvie continuent à se battre pour récupérer leurs enfants, ils étaient devant le parlement mercredi matin dans l’espoir de porter leur cause à l’attention des élus. Ils ont passé des heures à écrire leur histoire sur de grands cartons de couleurs, ont fait des montages de photos du temps où les filles étaient avec eux, d’autres depuis qu’elles sont en centre de réadaptation.

Le contraste est frappant.

Dans les jugements rendus à Saint-Jérôme depuis juin 2015 - le premier par Jean Larue, les suivants par Ginette Maillet-, on rappelle qu’ils sont «des parents aimants» et qu’«ils ne représentent nullement un danger pour leurs enfants». Cela n’a pas empêché la DPJ d’obtenir le retrait de leurs droits parentaux ni que leurs filles soient placées jusqu’à leurs 18 ans.

On n’a même jamais cherché à confier les filles à des membres de la famille proches qui s’étaient offerts, c’est une entorse à la loi.

François a droit à 45 minutes de visite supervisée aux deux semaines avec la cadette, tous les contacts avec Sylvie ont été coupés. Avant, ils avaient droit à une heure et demie chaque semaine, ils pouvaient apporter le repas. «Ma fille n’a même pas le droit de prononcer le nom de sa sœur ni de sa mère, sinon la visite est arrêtée.»

Plus François et Sylvie ruent dans les brancards, plus la DPJ se braque. Pour dénouer l’impasse, les parents ont approché des professionnels en qui ils ont confiance, notamment le Dr Gilles Julien qui s’est engagé par écrit à leur fournir les services dont ils ont besoin. Mais, depuis au moins janvier 2019, la DPJ a rejeté cette option, comme en fait foi le résumé d’une «discussion clinique» à laquelle ont assisté huit personnes, dont l’avocate de la DPJ. «Il n’est pas approprié d’ajouter un autre professionnel de santé tel que le Dr Julien comme demandé par les parents.»

Même si cela aurait peut-être pu permettre à ces filles de retrouver leurs parents.

La DPJ ne devrait pas avoir d’orgueil.

Puis en avril 2021, François et Sylvie ont appris qu’une de leurs filles a été victime d’une agression sexuelle à la ressource par un des jeunes qui y étaient hébergés et qui y avait déjà sévi. Aucune accusation n’a été portée, la DPJ a simplement déplacé l’agresseur et fermé le dossier. «On a interpellé le Protecteur du citoyen, m’explique François. Il devait y avoir une enquête et puis, plus rien, on n’a plus de nouvelles.»

Ils sont dans le néant.

Le mystère plane aussi sur un coup à la bouche qu’aurait reçu une des filles. «Il y a eu deux fractures jusqu’à la racine et quatre couronnes brisées. Il a fallu payer 700 $ pour essayer de réparer ça. Elle pleurait tout le long.»

François et Sylvie ont porté en 2017 leur dossier à l’attention de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse et du Protecteur du citoyen, en vain. Ils ont multiplié les démarches pour faire réviser leur dossier, ont interpellé les tribunaux, tentent maintenant de porter le dernier jugement en appel.

Ils se tournent maintenant vers «le politique». 

La députée libérale Kathleen Weil, qui est porte-parole de l’opposition en matière de protection de la jeunesse, a été mise au courant du dossier tout comme le ministre Lionel Carmant, qui ne semble pas avoir l’intention de s’y pencher. Les cas sont rares, mais il est déjà arrivé par le passé qu’un ministre s’implique directement dans un dossier et fasse réviser une décision. 

Même avec la nouvelle loi sur la Protection de la jeunesse adoptée le mois dernier, les interventions de la DPJ doivent viser un retour des enfants avec leurs parents lorsque ceux-ci, évidemment, sont aptes à en prendre soin. C’est le cas ici. Ce n’est pas parce que des parents sont en désaccord avec la DPJ qu’ils doivent être balayés du revers de la main, exclus de la vie de leurs enfants.

La nouvelle loi est claire, l’intérêt de l’enfant doit être au centre des décisions qui sont prises, pas l’intérêt de la DPJ.

Après sept ans, l’acharnement doit cesser.

* Prénoms fictifs