Chronique|

La meilleure scène de Shadowhunters que vous ne verrez jamais

On me voit ici, à la droite de l’écran, jouant mon rôle dans la série <em>Shadowhunters</em>.

CHRONIQUE / Dans un ciel orange vif, on aperçoit un trou dans les nuages. Les personnages principaux de la série Shadowhunters s’en approchent tranquillement. On devine que quelque chose de grave se prépare. Heureusement, ils ne sont pas seuls. Je suis devant eux, avec mon meilleur look de guerrier, pour combattre.


Sans tambour ni trompette, le studio de FOLKS VFX s’établit à Saguenay. Les bureaux de l’entreprise spécialisée dans les effets visuels, situés sur la rue Racine à Chicoutimi, ne sont pas encore totalement prêts, mais plusieurs personnes y travaillent déjà.

Les premiers employés régionaux de FOLKS VFX participent à la naissance d’un nouveau créneau au Saguenay–Lac-Saint-Jean. L’entreprise fondée à Montréal, qui a des tentacules un peu partout dans le monde, fait sa place à Saguenay et, espère-t-on, ouvre des portes pour des jeunes et des moins jeunes qui désirent exercer un métier ancré dans l’univers numérique.



Mario Morissette, le directeur régional des opérations de FOLKS VFX, avait convié quelques personnes dans les locaux de l’École supérieure en Art et technologie des médias du Cégep de Jonquière, mardi, pour une activité de compositing.

Le studio de Chicoutimi sera d’ailleurs spécialisé dans la composition, domaine qui consiste à joindre deux images ou plus pour créer l’illusion parfaite d’une seule.

J’ai donc eu la chance d’expérimenter, en une heure, ce qui se passera dans les bureaux de FOLKS VFX.

Une plaque tournante

Mario Morissette n’a pas perdu une once d’enthousiasme depuis qu’il a fait visiter les locaux du studio de FOLKS VFX au Progrès, en janvier dernier. Petit à petit, raconte-t-il durant cette rencontre informelle qui a eu lieu un peu plus tôt cette semaine, Saguenay prend sa place dans l’écosystème des effets visuels au Québec, endroit qui est une plaque tournante en Amérique du Nord pour la postproduction cinématographique et télévisuelle.



Notre après-midi commence devant un grand écran vert. Deux enseignants d’ATM, Jaky Fortin et Georges Vézina, nous expliquent ce qu’il faudra faire.

Les deux pédagogues font jouer la scène de Shadowhunters une première fois. Ils nous présentent comment interagir avec des personnages qui ont fait leur part il y a quelques années déjà.

La série <em>Shadowhunters</em> s’est étalée sur trois saisons, entre 2016 et 2019.

Les acteurs en herbe que nous sommes se trouveront devant les héros de la série. D’une manière ou d’une autre, il faut regarder derrière pour établir un lien avec les « vrais » personnages.

Pour conclure la séquence, qui ne dure qu’une dizaine de secondes, nous devons prendre un bâton noir, notre accessoire commun, et nous préparer pour la bataille qui arrive à grands pas.

J’ai puisé dans toutes les heures que j’ai passées à jouer à Assassin’s Creed pour m’inspirer, dans ce qui devient mon premier grand rôle de composition. Il y avait quelque chose des héros de cette saga de jeux vidéo dans mon interprétation.

C’est le moment de vérité. D’un subtil mouvement de tête, j’attire l’attention des acteurs de la série vers ce qui se trame. Voyant que ça commence à chauffer, je sors mon bâton, prêt pour la guerre.



J’aurais bien aimé vous montrer la séquence. Ce n’est malheureusement pas possible.

Selon ce qu’on m’a expliqué, le travail de FOLKS VFX ne peut être utilisé à des fins promotionnelles, même s’il est fait dans un contexte d’éducation.

Encore la main-d’oeuvre...

Vous dire que je maîtrise maintenant le compositing serait mentir. Une fois le tournage fait, j’ai modifié quelques paramètres de la scène en étant bien encadré par les professionnels de FOLKS et du Cégep de Jonquière, qui ont collé les deux bouts de tournage ensemble.

La prétention de ceux qui gagnent leur vie en travaillant sur des productions comme The Umbrella Academy et The Mysterious Benedict Society est que cet art est cependant plus facile qu’il n’y paraît.

À l’intérieur de six mois, une personne qui a le moindrement d’aptitudes avec les outils informatiques pourra posséder un niveau de connaissances suffisant pour être engagée dans les différentes entreprises qui se spécialisent dans le domaine.

C’est d’ailleurs pourquoi l’établissement jonquiérois a mis sur pied une attestation d’études collégiales intitulée Artiste de composition en effets visuels. À l’intérieur des deux semestres de cette formation en ligne, les étudiants obtiennent un diplôme qui leur permet de vivre de leur art.

Le défi, m’a expliqué Mario Morissette, est d’attirer des « artistes seniors » qui encadreront les finissants, qu’on trouve relativement facilement sur le marché du travail.

Le directeur des opérations de FOLKS VFX à Saguenay, Mario Morissette, a convié quelques personnes à une activité de compositing, mardi dernier.

« On est en train de penser à toutes sortes d’avantages sociaux pour répondre aux besoins de personnes qui ont quelques années d’expérience et pour les attirer chez nous », a-t-il dit.



D’ici là, j’espère que ma performance aura convaincu les grands studios américains de tourner la quatrième saison de Shadowhunters.

Le local situé au-dessus de la Banque RBC est vide. Cependant, le directeur des opérations de la deuxième entreprise d’envergure à s’installer dans le quartier numérique de Chicoutimi, Mario Morissette, a déjà une vision claire de ce qui s’y trouvera d’ici six mois.

« La gang de FOLKS veut avoir une expérience de travail. Ils savent que ce sont des jeunes qui s’en viennent. Ils m’ont dit : “Tu laisses ça le plus industriel possible.” », lance-t-il en faisant faire le tour du propriétaire au Progrès, pointant au passage l’endroit où se trouvera le cinéma maison de l’entreprise.

À l’autre bout de l’étage, Mario Morissette insiste sur la cuisine et la salle à manger du studio, pièces souvent secondaires dans les milieux de travail.

« Quand j’ai parlé avec Sébastien [Bergeron, le président et cofondateur de l’entreprise], ce qui lui importait, c’était la cuisine avec l’îlot central, pour le 5 à 7 du vendredi. »

Cette vision décontractée et conviviale du travail, qui insiste sur l’esprit de groupe, est plutôt rare au Saguenay–Lac-Saint-Jean. Mais elle ne veut surtout pas dire que FOLKS VFX ne brassera pas de grosses affaires.

Elle compte parmi ses clients des productions de Disney, d’Apple TV+, de Marvel et de Netflix. Le studio a notamment travaillé sur le dernier film de Spiderman, intitulé Sans retour en français.

Son segment de marché, c’est de « créer du merveilleux », soutient M. Morissette, et d’être au service de l’histoire racontée dans les films et les séries télévisées.

Pour reprendre les mots de Mario Morissette, la portée des effets visuels se limite à ce que les artistes sont capables d’imaginer.

Les prochains mois seront donc consacrés à la construction du studio. Si l’idée est de garder l’aspect brut des lieux, les bureaux saguenéens de FOLKS VFX devront répondre aux critères des productions américaines.

FOLKS VFX occupera le premier étage de cet édifice de la rue Racine.

Mario Morissette estime qu’environ 1,5 million de dollars seront investis seulement pour assurer la confidentialité, la surveillance et la sécurité de l’endroit.

Une rangée de fenêtres ornant un mur latéral de l’édifice sera d’ailleurs condamnée, les voisins ne devant pas voir ce qui se passe dans le bureau des créateurs d’effets visuels. Le reste des budgets de construction, encore quelques millions, sera investi dans des entreprises régionales.

Le directeur régional des opérations et l’équipe de gestion montréalaise de l’entreprise croient au potentiel du projet. Les travaux ne sont pas commencés que déjà Mario Morissette rêve à une deuxième phase d’agrandissement.

Un nouveau créneau régional

FOLKS VFX, fondée à Montréal en 2012, a des bureaux dans la métropole, à Toronto, en Colombie et aux États-Unis. Elle emploiera environ 75 personnes à Saguenay, dont une soixantaine pourrait provenir de l’École supérieure en Art et technologie des médias (ATM) du Cégep de Jonquière.

« On vient ouvrir un nouveau créneau pour les jeunes. Ils ne sont plus nécessairement des gars d’usine. La région est un berceau incroyable de créativité », note Mario Morissette, avec un enthousiasme facile à constater.

La région est un berceau incroyable de créativité.

L’entreprise engage présentement et espère avoir une équipe complète et fonctionnelle en juin. Quelques personnes travaillant pour FOLKS VFX à Montréal ont d’ailleurs signifié leur intention de venir travailler dans la région.

La première embauche, celle de Mario Morissette, a été faite en décembre. Ce sont les gens de FOLKS VFX qui l’ont approché pour diriger leur studio de Saguenay.

« Tout s’est fait vraiment rapidement », raconte l’ancien directeur général de la municipalité de Saint-Henri-de-Taillon, qui était rendu à tourner la page du monde municipal dans sa carrière.

Mario Morissette apprend un peu sur le tas les rudiments de l’art des effets visuels. En entrevue, il se décrit comme un gestionnaire, capable d’être « un couteau suisse » et de mener à terme des projets difficiles.

Il saute à pieds joints dans ce « monde de passionnés et de défis ».

Main-d’oeuvre

Comme plusieurs domaines, la croissance de l’entreprise est liée à sa capacité d’attirer de la main-d’oeuvre qualifiée. La proximité d’ATM est d’ailleurs un atout pour FOLKS VFX. Des annonces pour des formations qui s’étaleront sur quelques mois et qui répondront à des besoins spécifiques devraient d’ailleurs être faites en février.

Environ 75 personnes travailleront en juin dans ces bureaux, qui garderont leur look industriel.

Dans la structure de l’entreprise, le studio de Chicoutimi sera un incubateur de talents pour les autres bureaux de FOLKS VFX.

Les jeunes finissants qui voudront saisir les occasions offertes seront appelés à devenir des « seniors ».

Voit-il Ubisoft comme un compétiteur dans un monde où la pénurie de main-d’oeuvre touche tous les secteurs ? « Ce n’est pas impossible qu’il y ait des mouvements de personnel entre les deux entreprises, mais le travail que l’on va faire est différent », résume Mario Morissette.