À la même période l’an dernier, du 19 avril au 20 mai 2021, l’équipe de chercheurs avait capturé 23 brochets dans le lac Otis. Ces prises ont fait l’objet d’analyses, dont l’observation de la chimie des otolithes, dans les laboratoires de l’Université du Québec à Chicoutimi (UQAC), sous la férule du chercheur Pascal Sirois. Les résultats publiés récemment ont permis d’affirmer que le Brochet-09, âgé de 15 ans, avait été introduit dans le lac Otis à sa neuvième année de vie, soit en 2015. Les autres brochets analysés portaient la signature du lac Otis dans leurs otolithes, de la naissance jusqu’à leur capture, soit de 2017 à 2019.
Preuves sans équivoque
Le rapport de recherche publié récemment par les biologistes Amélie Bérubé, du bureau régional du MFFP, et Olivier Morissette, chef de la division des espèces aquatiques envahissantes du MFFP, prouve hors de tout doute que les brochets du lac Otis ont été introduits par des humains.
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« Ça fait longtemps qu’on entend des rumeurs sur la présence de brochets dans le lac Otis, mais nous n’avions pas de preuves avant les captures de 2019. Les analyses démontrent sans équivoque qu’un brochet âgé de 15 ans a été introduit dans le lac Otis en 2015 », affirme la responsable du dossier, Amélie Bérubé.
« Il y a peut-être déjà eu d’autres populations de brochets qui n’ont pas survécu dans le passé, mais nous n’avons pas de preuves scientifiques pour le démontrer », fait valoir la biologiste.
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Les analyses démontrent sans équivoque qu’un brochet âgé de 15 ans a été introduit dans le lac Otis en 2015.
Plusieurs personnes autour du lac Otis racontent des histoires de brochet, comme l’ancien gérant du terrain de camping, qui observait de gros brochets sur le bord de l’eau, il y a 20 ans.
Les interventions se poursuivent
« Nous allons continuer à tendre des filets dans les zones herbeuses au moment de la reproduction pour capturer le plus de spécimens possible, afin de contrôler ou d’éliminer cette population. Comme il n’y a pas beaucoup de sites de reproduction dans le lac Otis, il est plus facile pour nous de pratiquer des interventions de capture pour au moins prélever les plus gros spécimens, indique la spécialiste, précisant qu’il faut intervenir dès que l’accès aux zones herbeuses est possible, même s’il y a encore de la glace sur le lac. Le brochet fraye très tôt au printemps. »
Si les interventions du MFFP ne permettent pas d’éliminer complètement la population de brochets, il est possible, selon Amélie Bérubé, de contrôler la population en capturant les gros brochets qui peuvent être une menace pour les autres espèces, comme l’omble de fontaine et la population d’ombles chevalier oquassa.
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« Normalement, quand on fait la découverte d’une nouvelle espèce dans un lac, il est trop tard pour intervenir si l’espèce est implantée. La structure du lac Otis, qui comporte peu de sites de reproduction, va permettre des interventions plus efficaces », met en relief la biologiste.
Même en 2022, il faut encore rappeler qu’il est interdit d’introduire une espèce de poisson dans un plan d’eau où elle n’est pas présente. Une population de prédateurs comme le brochet dans un lac va finir par dominer le plan d’eau au détriment des autres espèces.
Cette histoire a piqué la curiosité des biologistes du ministère qui se sont rendus sur le lac pour valider cette information. Le Quotidien a appris que les biologistes ont tendu des filets dans des zones herbeuses et qu’au moins cinq spécimens auraient été pris en moins de deux heures de pêche. À la première occasion, il y aurait eu trois femelles capturées, remplies d’oeufs, et un mâle de 42 pouces.
L’origine de la présence dans le lac Otis demeure cependant un mystère.
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La présence du brochet inquiète les amateurs de pêche, car il s’agit d’une espèce piscivore, donc qui se nourrit de poissons. Dans une étude réalisée par Josiane Vachon, Brigitte F. Lavallée et François Chapleau en 2005, nommée Caractéristiques d’une population introduite du Grand brochet, Esox lucius, dans le lac Ramsay, dans le Parc de la Gatineau, et impact sur l’ichtyofaune (populations de poissons), on peut y lire que « l’introduction d’une espèce piscivore dans un lac sans piscivore entraîne inexorablement la disparition de plusieurs petites espèces » (Chapleau et al. 1997 ; Whittier et al. 1997 ; Whittier et Kincaid 1999 ; Findlay et al. 2000).
Pour Rémi Aubin, de l’organisme Promotion pêche, c’est une information qui inquiète. « Le lac Otis compte une population unique d’ombles chevaliers oquassa et la présence de brochets pourrait être néfaste pour cette espèce », dit-il.
Dans le rapport sur la situation de l’omble chevalier oquassa (Salvelinus alpinus oquassa) au Québec, publié en 2018 par le ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs du Québec, il est écrit que « la répartition de l’omble chevalier vivant en eau douce est limitée à une petite zone au nord-est de l’Amérique du Nord, où les populations sont isolées en lacs depuis le retrait de la calotte glaciaire il y a environ 11 900 ans » (Dumont, 1982).
« Principalement situées à l’intérieur d’une bande de 100 km au nord du fleuve Saint-Laurent entre l’Ontario et le Labrador, elles constituent un vestige des populations anadromes vivant autrefois dans la mer de Champlain et l’océan Atlantique. De ce fait, la sous-espèce oquassa revêt un intérêt particulier, car chaque population d’un lac pourrait être morphologiquement, génétiquement et écologiquement différente des populations des autres lacs. »
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« L’ensemencement d’espèces prédatrices ou compétitrices fait partie des plus grandes menaces au maintien des populations d’ombles chevaliers oquassa », indique-t-on dans ce rapport. Le Quotidien a formulé une demande d’entrevue avec les biologistes régionaux du MFFP, mais il faudra attendre quelques jours avant de leur parler, car les demandes d‘entrevue doivent être autorisées par le bureau de Québec.