L’idée d’assister à ce spectacle sans infliger un stress important aux animaux me plaisait. Mais j’hésitais un peu à savoir si, vraiment, il était possible de plaire aux touristes sans perturbations aucunes pour le milieu naturel.
À Ras Al-Jinz, une réserve naturelle fondée en 1996 pour la protection des tortues dans l’est d’Oman, dans la péninsule arabique, la plage est l’un des endroits privilégiés pour voir la nature à l’œuvre. On estime qu’entre 50 000 et 60 000 œufs sont pondus sur les côtes du pays chaque année. La réserve naturelle à elle seule compte 45 kilomètres de côtes et a une superficie de 120 kilomètres carrés. La période d’éclosion idéale est située entre mai et septembre, mais il n’est pas impossible de voir des tortues toute l’année. Il faut donc prendre le risque quand on voyage hors saison, comme je l’ai fait en mars.
De Muscat, la capitale, j’ai donc mis le cap au sud. Dans l’horaire, c’est l’option de soirée qui me séduisait, avec le début des visites vers 21 h. On prévient d’ailleurs qu’il est interdit d’utiliser des lampes de poche individuelles ou de prendre des photos avec un flash pour éviter de stresser les petites tortures. Pour les lève-tôt, il est aussi possible de choisir la visite matinale, à 5 h.
La quête vers Ras Al-Jinz aura été bourrée d’erreurs. Mon enthousiasme à longer la côte a été ponctué de « wow » quand les premières montagnes sont apparues, avec en contrebas les plages de Bandar Jissah et de Yitti.
Mais l’incursion vers ces plages m’aura permis de réaliser que la route sélectionnée ne se frayait pas réellement un chemin vers le sud. Rebrousser chemin, la seule option possible, m’aura coûté deux bonnes heures.
L’arrêt planifié à Bimmah s’est transformé en visite éclair. Lieu de baignade de choix, son « gouffre » rappelle les cénotes du Yucatan, au Mexique. Ce grand trou, entre mer et montagne, donne envie aux casse-cou de tenter le saut de l’ange, même si des panneaux l’interdisent formellement. J’ai vu quelques individus enjamber la clôture de sécurité avant de se raviser. Le choix m’apparaissait judicieux. La piscine naturelle porte aussi le nom de « Maison du Démon » et abrite semble-t-il des poissons aveugles.
:quality(95)/cloudfront-us-east-1.images.arcpublishing.com/lescoopsdelinformation/P6ZIR3XZMRFBPNKU2D4QNR4YF4.jpg)
Oman dans ses plus beaux habits
L’incontournable, c’est néanmoins Wadi Shab. Un wadi, c’est un peu le lit d’une rivière ou d’un fleuve. On y trouve souvent un cours d’eau et de la végétation rappelant une oasis. Wadi Shab est d’ailleurs une gorge entre deux falaises. Il est considéré comme un des plus beaux sites d’Oman. Il faut prévoir au moins 45 minutes pour une randonnée jusqu’à une piscine naturelle. Le trajet, quand les pluies ont été fortes en amont, nécessite de traverser la rivière à plusieurs occasions. Il faut être prêt à se mouiller.
Ce jour-là, l’eau était basse. Pour atteindre la tête du sentier, on monte dans une chaloupe pour un rial omanais (3 $). L’obole couvre l’aller et le retour. Mais attention, il faudra être revenu avant 17 h ou 18 h, selon l’horaire fourni par le « capitaine ».
Bien que de difficulté faible, la marche demande parfois un peu d’agilité. Alors que je me félicitais d’avoir lacé mes bottes de marche, j’ai plongé coudes devant sur une grosse pierre glissante. C’est là le principal danger d’explorer un wadi. Comme quoi les sandales n’auraient pas été appropriées pour un maladroit comme moi.
La magie de Wadi Shab se trouve dans les volutes de fumée émanant d’un petit feu où des locaux grillent des brochettes avant de les offrir aux visiteurs. Elle réside dans les fougères ou les figuiers, qui cachent parfois les indications pour trouver le bon chemin, et dans le falaj, un canal d’irrigation traditionnel qu’on s’amuse à longer. Cette pause nature se doit donc d’être inscrite sur tout itinéraire qui se respecte.
En quittant le wadi en voiture, on traverse le village de Tiwi. Ses rues étroites enlacées par de petites maisons d’où sortent des enfants à l’improviste nous forcent à ralentir. Si on s’y enfonce trop, on finira dans un cul-de-sac d’où il sera difficile de s’extirper. J’ai testé pour vous!
Quelques coups de roue plus loin, alors même que le soleil faiblissait, j’ai immobilisé la voiture sur un bras de mer. En même temps que s’installait la nuit, la chaleur tombait en poussant dehors les villageois qui fuyaient jusque-là la chaleur. Surtout, sur la berge, des pêcheurs s’activaient à l’ombre d’un minaret. C’était Oman dans ses plus beaux habits.
En reprenant le périple, la ville de Sour apparaît comme une halte logique vers le sud. J’ai plutôt choisi de jeter mon campement à Ras Al-Hadd, le point le plus oriental de toute la péninsule arabique. La petite agglomération, à 15 minutes de la réserve naturelle des tortues, compte une piste d’atterrissage de la Deuxième Guerre mondiale.
:quality(95)/cloudfront-us-east-1.images.arcpublishing.com/lescoopsdelinformation/LX2V6SFRRRBCBJILX5MNM4QE4Y.jpg)
Bien qu’abandonnée, elle est bordée de quelques habitations, dont une maison d’hôte. Naviguer l’ancienne piste, ponctuée de trous et de crevasses, relève du défi, surtout qu’elle n’est pas éclairée en soirée. À la lueur du jour, elle paraît figée dans un passé qui survit tant bien que mal à l’usure du temps... et du sable.
De ce petit havre de paix, j’ai emballé mes espoirs d’aller saluer les tortues et me suis remis en route. À 20 h 30, les foules s’étaient déjà agglutinées au pavillon d’accueil.
Dès l’arrivée, il importe d’ailleurs de prendre un numéro, puisqu’on ne laisse que 25 personnes s’aventurer sur la plage à la fois. Quand on appellera notre groupe, nous explique-t-on, il faudra marcher 15 minutes pour arriver à destination. Je faisais partie de la sixième cohorte, étant devancé par une centaine de curieux.
Le coup de 21 h a sonné. Puis de 21 h 30. Personne n’avait bougé. Aucune tortue n’avait été vue sur la plage.
À 22 h, une première bestiole semblait s’être montrée. Le murmure de la foule s’est teinté de joie. Mais les célébrations ont été de courte durée. Fausse alerte! Même si ce n’était pas la saison, il était rare, semble-t-il qu’on doive annuler complètement les visites, faute de tortues à observer. Pas de bol!
« Vous pouvez revenir à 4 h demain pour la visite de 5 h », nous a rappelé le guide.
J’avais compris le message : les tortues ne voulaient pas me voir...