Quelques jours après la manifestation organisée par le Syndicat des paramédics du Saguenay-Lac-Saint-Jean (CSN), au début du mois d’avril, le CIUSSS a convoqué la direction d’Ambulance Chicoutimi SLN, afin de faire le point. Depuis le début de l’année 2022, le secteur du Bas-Saguenay cumulait, à cette époque, une cinquantaine d’heures de bris de services. Selon le maire de Petit-Saguenay, Philôme La France, d’autres ruptures de services ont été enregistrées depuis cette rencontre.
Des informations qui circulaient voulant que le CIUSSS ait menacé de retirer les permis pour les secteurs de La Baie et du Bas-Saguenay ont été démenties. Pierre-Alexandre Maltais a ajouté qu’il y avait plusieurs étapes avant d’en arriver là et que, pour l’instant, le CIUSSS continuait de collaborer avec l’entreprise afin de trouver des pistes de solutions durables.
En entrevue, le maire de Petit-Saguenay affirme avoir dit au CIUSSS qu’il lui laissait le mandat d’encadrer Ambulance Chicoutimi SLN pour éliminer les bris de services, à défaut de quoi une demande de retrait de permis serait envisagée, ce qui aurait des conséquences très importantes sur la valeur de l’entreprise.
La main-d’œuvre manque
La propriétaire d’Ambulance Chicoutimi SLN, Shirley Gravel, a confirmé que quelques bris de services s’étaient produits. Elle a cependant précisé que toutes les firmes ambulancières au Québec vivent des difficultés, en citant l’exemple d’Urgence Santé qui, en fin de semaine, était privée d’une grande partie de sa flotte.
Mme Gravel croit que le problème de fond est lié à la pénurie de main-d’œuvre. « On a besoin de 10 ambulanciers. Les étudiants finissants du cégep vont sortir au début de juillet. Le cégep a doublé le nombre de candidats sur trois ans, mais il faut leur laisser le temps de terminer leurs études », a-t-elle affirmé.
Ambulance Chicoutimi SLN compte actuellement 90 techniciens ambulanciers et des demandes ont été formulées par l’ensemble des firmes ambulancières au ministère de la Santé afin que la formation collégiale des ambulanciers soit écourtée à deux années.
Shirley Gravel a reconnu que le maintien de conditions de travail, dont entre autres les horaires de faction (7/14), étaient un frein au recrutement de main-d’œuvre. Selon elle, le Ministère cherche également à modifier ce régime d’horaire de travail.
On essaie d’être inventif. On travaille à des solutions pour trouver de la main-d’œuvre.
Selon des sources syndicales, Ambulance Chicoutimi SLN est tellement en pénurie de personnel qu’elle offre une prime de 130 $ à chaque technicien ambulancier qui accepte de faire un quart de travail supplémentaire déjà rémunéré à temps et demi.
On nous a indiqué que les difficultés de l’entreprise sont liées aux conditions de travail offertes moins avantageuses qui font en sorte que les recrues ou le personnel régulier récemment embauché quittent pour aller œuvrer dans des entreprises concurrentes.
Lors d’un point de presse tenu au poste ambulancier de L’Anse-Saint-Jean, le président du syndicat, Jean-Daniel Tremblay, a expliqué avoir indiqué aux maires de L’Anse-Saint-Jean, Rivière-Éternité et Petit-Saguenay qu’une mesure temporaire adoptée en 1989 est désormais devenue la norme. Il s’agit de l’établissement des horaires de faction 7/14, durant lesquels les paramédics sont de garde 24 heures sur 24 pendant sept jours consécutifs, à l’intérieur d’une période de 14 jours. Lors de ces périodes de garde, ces employés de l’entreprise SLN doivent se trouver à moins de cinq minutes de la station d’ambulance.
Les quatre ambulanciers du Bas-Saguenay doivent souvent faire face à des retards liés à la circulation ou aux conditions météorologiques avant de récupérer l’ambulance. Il y a également le fait qu’un transport aller-retour vers l’hôpital de La Baie ou de Chicoutimi nécessite entre trois et quatre heures. Pendant ce temps, le territoire entre Saint-Félix-d’Otis et Sagard n’est pas couvert par une ambulance du Saguenay.
Le temps de réponse, lors d’un second appel d’urgence, est grandement augmenté s’il provient du Bas-Saguenay.
La gestion dynamique du transport ne permet pas de déplacer une ambulance de La Baie jusqu’au Bas-Saguenay, puisque le secteur de La Baie fait lui-même face à des périodes de découverture, explique M. Tremblay, ajoutant qu’il est vrai qu’il y a pénurie de main-d’oeuvre même si, depuis quelques années, des formations sont dispensées au Cégep de Chicoutimi pour former des techniciens ambulanciers.
Le problème, selon le syndicat, est que les paramédics nouvellement formés ne sont pas attirés par le travail au Bas-Saguenay en raison des conditions de travail, notamment des horaires de faction. Plusieurs déposent leur CV auprès d’autres firmes ambulancières offrant de meilleures conditions ou décident carrément de changer de métier après quelques années de pratique.
Selon l’un des ambulanciers présents, depuis le début de l’année, les citoyens du Bas-Saguenay ont fait face à une quarantaine d’heures de découverture de service, une situation inacceptable. Ce dernier prédit qu’un jour, il arrivera quelque chose de catastrophique sur le territoire qui fera ressortir les lacunes dans le service.
Dans le but d’informer la population de l’état de la situation, les ambulanciers apposeront une affiche devant le poste d’ambulance lorsque le territoire sera à découvert.
Soulignons que depuis juillet 2020, les ambulanciers de la région utilisent des moyens de pression dans le cadre du renouvellement de leur convention collective de travail.