Chronique|

Ils sont de retour...

La majorité des gens en fauteuil roulant évitent d’aller se promener dans la gadoue lorsqu’elle recouvre les trottoirs. Avec l’arrivée du beau temps, vous risquez fort de rencontrer l’un de ces spécimens sur quatre roues.

CHRONIQUE / Ça fait quelques mois qu’ils hibernent. On ne les a presque pas vus de tout l’hiver. Quelques-uns ont pourtant été aperçus dans les centres commerciaux ou dans les magasins à grande surface. Bien sûr, les plus téméraires ont continué de sortir pour s’acheter des provisions ou même pour se rendre au travail. Reste que la majorité des gens en fauteuil roulant évitent d’aller se promener dans la gadoue lorsqu’elle recouvre les trottoirs. Avec l’arrivée du beau temps, vous risquez fort de rencontrer l’un de ces spécimens sur quatre roues. Peut-être éprouverez-vous une certaine gêne. Peut-être est-ce parce que vous ne savez pas quoi faire ou ne pas faire en présence d’une personne handicapée. J’ai assurément de petits conseils à partager avec vous.


L’an dernier, je me présente à ma clinique médicale avec un énorme mal de tête qui persiste depuis quelques jours. Le médecin prend ma pression à l’aide de son tensiomètre électronique et à la lecture des chiffres indiqués, il décide de reprendre la mesure plusieurs autres fois.

– Est-ce possible que les amputations altèrent les chiffres? me demande-t-il.

Négatif. En réadaptation, ma pression était toujours autour de 120 sur 80, un score parfait.

Le médecin réinstalle le brassard et recommence. Les données étant toujours les mêmes, il se met à douter du bon fonctionnement de sa machine. Au moment où il quitte son cabinet pour aller chercher un tensiomètre manuel, je réalise que ma migraine n’est pas à prendre à la légère.

À son retour, il utilise son stéthoscope et avec un brassard qu’il gonfle lui-même en refermant la main sur une poire en caoutchouc, il entend un déclic et repère les chiffres correspondant à la pression artérielle systolique et diastolique sur le manomètre.

Résultat: 225/180

Ma pression dans le tapis, il n’a d’autre choix que de m’envoyer directement à l’urgence. De la clinique à l’hôpital, j’essaie de ne pas trop paniquer. Ça fait déjà quelques jours que je survis malgré l’hypertension qui m’afflige. Je ne vais sûrement pas faire un AVC maintenant que je suis en route pour être traitée! J’ai tout de même la peur au ventre. Faut dire que la dernière fois que je me suis pointée à l’urgence, j’ai failli mourir et je suis ressortie quatre mois plus tard avec quatre membres en moins.

Chat échaudé craint l’eau froide!

C’est dans cet état d’esprit et avec la sensation que ma tête veut éclater en mille morceaux que j’arrive au poste de contrôle sanitaire de l’urgence. Mon amoureux, tout aussi affolé que moi, pousse mon fauteuil roulant devant le jeune homme qui distribue les masques et fait laver les mains. Une fois ses consignes machinalement transmises à mon conjoint, il pointe un espace vacant et ajoute:

– Tu peux la parker là.

Trop préoccupée par ma santé, je n’ai pas relevé l’offense sur le coup. Mais la phrase est quand même restée gravée dans ma mémoire. C’est d’ailleurs la pire fois où quelqu’un a jugé bon de s’adresser qu’à celui qui pousse au lieu de m’inclure, moi qui suis entièrement là, mais qui prends place dans un fauteuil roulant.

Cette expérience désagréable m’amène donc à partager ici mes quelques conseils de base pour interagir avec quelqu’un en situation de handicap.

Conseil no. 1

Vous pouvez dire bonjour et discuter avec une personne en fauteuil roulant, même si elle a besoin qu’on la pousse.

Conseil no. 2

Échanger un sourire avec une personne handicapée est toujours sympathique. C’est beaucoup plus cordial que de croiser un regard qui fuit immédiatement de peur d’avoir été pris en flagrant délit d’observation. Mieux vaut poser respectueusement une question si votre curiosité sur le handicap de la personne devant vous l’emporte. Évitez simplement d’afficher un air affligé ou dégoûté si la réponse est dure à entendre.

Conseil no. 3

Une personne avec un handicap physique n’a pas nécessairement un handicap intellectuel. Vous pouvez lui parler normalement comme à n’importe quelle autre personne que vous croisez. À noter qu’une personne avec un handicap intellectuel apprécie aussi de se faire aborder normalement. Même chose dans le cas où le déficit intellectuel est très profond. En saluant normalement la personne handicapée, c’est à la personne qui pousse le fauteuil à qui vous faites plaisir.

Conseil no. 4

Même si le geste part d’une bonne intention, la personne adulte en fauteuil roulant n’aime pas lorsque vous vous accroupissez pour lui parler. Ça lui donne l’impression d’être infantilisé. De toute façon, personne ne monte sur une marche pour s’adresser aux gens très grands, alors il n’y a aucun souci à adapter son regard à la position spatiale de l’autre. Ça vaut évidemment pour les personnes de petite taille.

Conseil no. 5

Tenir une porte ouverte pour laisser passer une personne en situation de handicap est un geste très apprécié. L’aide en toute situation est généralement la bienvenue. Il suffit de l’offrir et d’être à l’écoute. Si une personne handicapée refuse votre aide, n’insistez pas, ça fait probablement longtemps qu’elle s’exerce et sait très bien qu’elle peut réussir.

Voilà, c’est tout simple en fait. Juste considérer celui ou celle qui vit avec des limitations comme un être à part entière et toujours avoir en tête que tout le monde est différent. Chaque personne est différente. Chaque personne handicapée aussi. Et comme chaque contexte précédant votre rencontre avec elle l’est également, ne généralisez surtout pas si votre sourire ne vous est pas retourné cette fois-là!