Avant de Craquer: outiller les jeunes qui côtoient des problèmes de santé mentale

La directrice générale du Centre Nelligan remarque que les jeunes qui vivent avec un proche aux prises avec des problèmes de santé mentale ont de la difficulté à aller chercher de l’aide. ­

Le nom de ce réseau d’entraide dit tout : Avant de Craquer. La campagne d’information actuelle touche principalement les jeunes qui vivent avec un proche aux prises avec un problème de santé mentale. Ils peuvent tout simplement composer le 1855-CRAQUER ou se rendre sur le site Internet du réseau qui regroupe près de cinquante organismes.


On dénombre trois membres dans la région : le Renfort à Alma, l’Arrimage à Dolbeau-Mistassini et le Centre Nelligan de Roberval. La directrice générale, Nancy Rainville, précise que depuis deux ans, une intervenante a été engagée à temps plein pour aider spécifiquement les jeunes.

Vivre avec un parent qui a un problème de santé mentale peut devenir lourd et l’enfant ne sait généralement pas vers qui se tourner. Plusieurs vivent une certaine honte parce que leur milieu familial n’est pas le même que chez leurs amis. « Il faut dire que très souvent, les parents n’en parlent pas à la maison pour protéger leurs enfants, alors ça devient tabou », explique Mme Rainville.

Elle remarque tout de même qu’il y a de plus en plus d’ouverture de la part des parents. « Ils voient le stress et l’anxiété que ça génère chez leur enfant. Alors, au centre, nous accueillons la famille et par la suite l’intervenante va rencontrer le jeune seul. Souvent, après une ou deux rencontres, il se sent déjà mieux. Il comprend ce qu’il vit chez lui et il a pu parler de ses émotions. »

Nancy Rainville est directrice du Centre Nelligan de Roberval depuis 12 ans.

La campagne, lancée dans les écoles au cours des dernières semaines, se veut un outil supplémentaire pour ces adolescents. « Il faut vraiment aller vers eux », indique Nancy Rainville, qui explique que c’est une clientèle qui communique difficilement avec un organisme pour recevoir de l’aide.

Au Centre Nelligan, plusieurs outils ont été déployés, au fil des années, dont les ateliers d’Émile, qui s’adressent aux 7 à 17 ans. Ils peuvent aussi discuter par texto ou sur le compte Instagram (Nelli.G) avec l’intervenante. Les demandes d’aide ont triplé, depuis le début de la pandémie, remarque la direction.

« Nous avons également un projet plutôt novateur. Ce sont des avatars grandeur nature qui permettent d’aborder les émotions vécues par l’enfant. On travaille avec des émoti-cartes et ça lui permet de verbaliser ce qu’il ressent par rapport à son proche. » Nancy Rainville spécifie par ailleurs que le réseau s’adresse aussi au jeune dont le frère ou la soeur, un ami proche ou son amoureux conjugue avec une problématique.

La Semaine de la santé mentale prend fin dimanche. Cette année, le thème tourne autour de l’empathie. C’est quoi l’empathie ? « C’est la capacité que nous avons en tant qu’êtres humains qui nous permet de nous mettre à la place des autres. De comprendre d’où ils viennent et ce qu’ils ressentent », selon l’explication de l’Association canadienne pour la santé mentale.

La campagne de sensibilisation #desprejuges, j’en ai pas a été lancée pour rejoindre les jeunes. L’intervenante jeunesse Valérie Vigneault s’est rendue à la Cité Étudiante de Roberval.

Pour mettre en pratique cette théorie, il est suggéré d’écouter sincèrement l’autre et de mettre de côté son jugement. Il faut aussi être attentif au non verbal et développer la connaissance des émotions. Finalement, être empathique permet de tisser des liens avec les autres et de briser l’isolement.

LE CENTRE NELLIGAN, UNE DEUXIÈME FAMILLE

Il y a une douzaine d’années, Denise Lalancette est venue cogner à la porte du Centre Nelligan de Roberval. À bout de ressources pour tenter de se sortir la tête de l’eau et d’aider son fils, elle a noté l’adresse sur un dépliant déniché au département de psychiatrie de l’hôpital de Roberval.

La mère monoparentale a commencé à voir les premiers symptômes d’une problématique de santé mentale chez son fils lorsqu’il était âgé de 16 ans. C’est trois ans plus tard qu’il recevra son diagnostic. « On ne guérit pas d’un problème de santé mentale. On apprend à vivre avec, nous dit-elle au bout du fil. Au début, j’étais complètement perdue et désorientée. »

Avant de craquer, elle s’est rendue au Centre Nelligan pour trouver un réconfort et du support. « J’y ai trouvé un havre de paix, une bouée de sauvetage. » Elle continuera de s’y rendre et de participer aux différentes activités de soutien qu’on lui propose.

Aujourd’hui, elle termine sa formation pour devenir la première paire aidante famille dans la région. « Je reste très humble là-dedans. C’est un cadeau que la vie me fait de pouvoir m’impliquer de cette façon », souligne la femme qui travaillera deux jours par semaine.

Après avoir été chercher de l’aide au Centre Nelligan puisque son fils souffre d’un problème de santé mentale, Denise Lalancette fera maintenant partie de l’équipe de soutien.

Aider à partir de son vécu

Au fil du temps, l’idée d’un projet pilote a germé pour ajouter une ressource dans l’équipe. « On en voit à Québec ou Montréal, mais pas encore ici, explique l’intervenante Mélanie Boutin. Elle va donc défricher et apprivoiser ce poste avec nous. »

Son mandat sera d’établir un premier contact avec les proches de la personne aux prises avec un problème de santé mentale. « Elle va sortir des bureaux. Elle pourra se rendre au département à l’hôpital. Prendre un café avec les gens », explique Mme Boutin.

« Les proches vivent aussi beaucoup de stigmatisation dans ces moments-là. Je serai là pour eux », renchérit Mme Lalancette qui restera toujours cette mère touchée de près. « La pandémie a été difficile pour mon fils qui a aussi vécu une rupture amoureuse. Il a craqué », souligne celle qui a dû le faire hospitaliser contre son gré. « Aujourd’hui, il récupère doucement et il va bien. Il est entouré d’une belle équipe. »

Elle s’arrête un moment et y va d’un conseil. « Il faut y aller à sa vitesse à lui et c’est un apprentissage. Nous, on veut que ça aille vite, mais ça ne fonctionne pas comme ça. »