Le mois d’avril est particulièrement douloureux pour les proches de Guylaine Potvin. « C’était son anniversaire de naissance le 3 et sa mort le 28. C’est un mois qui est très dur, au complet », souligne la mère de la jeune femme, Jeannine Caouette, lors d’un entretien accordé au Quotidien. Malgré cette douleur qui reste bien ancrée, chaque année, depuis 22 ans, les proches se recueillent pour honorer la mémoire de la jeune femme, assassinée sauvagement.
Le 28 avril 2000, Guylaine Potvin, étudiante au Cégep de Jonquière, était retrouvée sans vie dans un logement de la rue Panet qu’elle partageait avec deux colocataires. Ces dernières n’étaient pas présentes la nuit du drame. C’est une amie de l’étudiante qui, n’ayant pas de ses nouvelles en matinée, avait fait la macabre découverte.
Originaire de Saint-Eugène-d’Argentenay, au nord du Lac-Saint-Jean, Guylaine Potvin venait à peine de célébrer ses 19 ans.
L’enquête a démontré qu’elle avait été battue et agressée sexuellement, puis étranglée. Des photos d’elle et de ses amies, ainsi qu’une bague de finissant, avaient également été dérobées sur place, vraisemblablement par le meurtrier.
Le crime avait évidemment secoué la population et semé la peur dans le secteur du cégep.
Une deuxième agression
Quelques mois après le drame, le 3 juillet 2000, le prédateur frappait de nouveau, cette fois, à Québec. Une étudiante de 19 ans avait été agressée et laissée pour morte par le même individu, dans son appartement de Saint-Foy. Elle a heureusement survécu.
Les enquêteurs ont pu confirmer qu’il s’agissait du même prédateur, puisque l’ADN retrouvé sur les lieux des deux crimes était le même. Un bijou avait également été volé dans l’appartement de la deuxième victime, soit une petite chaîne.
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Selon les articles de presse publiés ces dernières années, pas moins d’un millier de personnes ont été rencontrées en lien avec le meurtre de Guylaine Potvin et l’agression de la deuxième jeune femme. Une trentaine d’hommes ont passé un test d’ADN, mais sans succès.
En 2018, un enquêteur ayant travaillé sur le dossier avait émis deux hypothèses, dans une entrevue accordée au Quotidien. Il avait affirmé que le meurtrier était peut-être mort ou qu’il avait quitté le pays, ce qui expliquerait cette absence de réponse. Ces hypothèses n’ont toutefois pas encore été confirmées.
Et bien que l’enquête reste ouverte à la Sûreté du Québec, il n’y a pas eu de développement, au cours des dernières années.
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« Il n’y a rien de nouveau, c’est le silence de ce côté-là. On nous dit simplement que le dossier est encore ouvert, mais c’est certain que les enquêteurs ne peuvent pas travailler là-dessus tout le temps. On ne sait même pas si [le meurtrier] est encore sur cette Terre », souligne la mère de Guylaine Potvin, au bout du fil.
L’espoir reste-t-il présent, bien que les années passent?
Oui, on garde toujours espoir, mais on ne vit pas pour ça, on doit vivre pour nous, sinon ce serait trop dur. On ne peut pas dépenser nos énergies à espérer.
Toute information pouvant aider à résoudre ce crime peut être communiquée à la Centrale de l’information criminelle de la Sûreté du Québec, au 1 800 659-4264.
Aujourd’hui, l’enquête est sous la responsabilité de la Division des dossiers non résolus de la Sûreté du Québec (SQ). Même si les enquêteurs ont l’ADN de l’individu, celui qui est responsable de l’agression d’Isabeau et du meurtre de Guylaine Potvin n’a jamais pu être identifié. Plusieurs vérifications ont été faites avec les années, mais jamais elles n’ont concordé.
Malgré les 21 années qui se sont écoulées, Isabeau est catégorique, quand on lui demande si elle a perdu espoir. « Perdre espoir ? Non. Impossible. Pas aux côtés de Bruno Cormier. Un jour, l’enquêteur de Québec, Bruno et Pierre [Lévesque] m’annonceront une arrestation. Je les attends encore, 21 ans plus tard. »
Et ce, même si, aujourd’hui, ils sont tous les trois retraités ou à quelques jours de l’être.
C’est d’ailleurs en raison des articles qui ont été publiés récemment sur la retraite de Bruno Cormier, porte-parole du Service de police de Saguenay depuis 20 ans, qu’elle a pris contact avec Le Progrès.
« Bruno a été impliqué dans le dossier dès les débuts. En 2000, c’est lui et son collègue Pierre qui m’ont annoncé que mon dossier était lié à celui de Guylaine. À l’époque, en 2000, l’enquêteur de Québec m’avait simplement dit que des collègues policiers voulaient me parler. J’ai pensé que Bruno et Pierre venaient m’annoncer une arrestation. Je me souviendrai toujours de l’atmosphère avant, pendant et après la rencontre… et de l’enveloppe sur la table. Une enveloppe de laquelle, après l’annonce, on m’a sorti lentement et avec respect des photos de Guylaine. Ses yeux, son sourire, son gâteau d’anniversaire ; tout est gravé dans ma mémoire », écrit-elle, car pour des raisons de sécurité et de confidentialité, l’entrevue avec Le Progrès s’est faite par échange de courriels.
« Quelques années plus tard, je suis montée à Jonquière pour rencontrer l’enquêteur Pierre. Il avait des questions pour moi. Il y a eu une urgence et Pierre a dû s’absenter. Bruno, déjà relationniste pour les médias, m’attendait à l’accueil. Il m’a annoncé que Pierre était absent, mais que je n’avais pas fait la route pour rien. Il m’a amenée prendre un café et manger une pointe de tarte. Ni lui ni moi n’avions le droit de discuter du dossier d’enquête. Nous avons discuté de longues minutes de tout et de rien, comme le font de vieux amis. Bruno m’a parlé de sa famille et de son collègue Pierre. Je lui ai parlé de mes études et de mon travail. C’est le plus beau souvenir que je garde de Bruno. »
Aujourd’hui, elle avoue que chaque fois que quelqu’un cogne ou frappe à la porte, elle espère que ce soit l’un d’eux. Même 21 ans plus tard.
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Dans l’anonymat
Très peu de personnes sont au courant de ce qu’Isabeau a vécu. Au départ, c’était une question de sécurité, car l’agresseur était activement recherché dans son entourage. Par la suite, « il était hors de question que je lui montre qu’il avait gagné. Pour moi, c’était la meilleure défense ».
Je sais que la mère de Guylaine aurait aimé me rencontrer. C’est impossible. [...] J’espère un jour pouvoir les rencontrer et pouvoir leur dire merci.
C’est pour cette raison qu’ensuite, la vie a repris son cours. Deux mois après l’agression, elle était en classe à la première journée de la session, et ce, même si elle était au coeur d’une enquête policière majeure. Elle a dû rencontrer les enquêteurs à de nombreuses reprises et faire des suivis médicaux, entre autres.
« Le jour où on m’a annoncé le lien avec le meurtre de Guylaine Potvin, j’étais en stage final de ma formation de baccalauréat. J’ai menti à mon responsable de stage pour avoir congé en après-midi. J’ai passé l’après-midi avec les enquêteurs. Le lendemain, de retour en stage, personne n’a rien su. Ainsi de suite, sur 21 ans... »
Malgré l’épreuve, Isabeau a fait preuve d’une grande force de caractère, car sans mesures d’accommodement, elle a fini ses études sans délai.
Mais quand on lui demande si elle a pu reprendre une vie « normale », on sent l’amertume dans sa réponse. « Une vie si ‘‘normale’’ qu’en 2004, l’IVAC (Indemnisation des victimes d’actes criminels) a fermé mon dossier puisque j’étais fonctionnelle. J’avais complété un bac et une maîtrise, obtenu un bon travail. Oui, ça se faisait à l’époque. En 2004, l’IVAC m’a déclarée inapte à 4 % et m’a envoyé un chèque d’un peu plus de 7000 $. Vingt et un ans d’impacts d’une enquête policière non résolue ont bien plus que 4 % d’impact sur ma vie, aussi ‘‘normale’’ qu’elle puisse paraître de l’extérieur. Et ce n’est même pas une question d’argent, de remboursement ou de rente. C’est une simple question d’humanité, de reconnaissance… d’avoir du coeur », se désole-t-elle.
Et l’ironie de la chose ne s’arrête pas là, puisqu’en 2006, elle a été convoquée comme jury dans un procès... pour meurtre.
« Au Québec, il est possible d’être victime dans un dossier de tentative de meurtre et, en cours d’enquête, d’être convoquée comme membre de jury pour un procès pour meurtre », écrit-elle.
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Solidaire de la famille de Guylaine Potvin
Aujourd’hui, Isabeau avoue penser souvent aux parents de Guylaine Potvin. Mais en raison de l’enquête – c’est une contrainte légale –, elle n’a jamais pu leur parler « pour ne pas modifier les témoignages pendant l’enquête et en cas d’un éventuel procès. Je sais que la mère de Guylaine aurait aimé me rencontrer. C’est impossible. Je ne peux pas. Je sais que ça ne lui ramènera jamais sa fille, mais j’ai souvent pensé à chacun d’eux. Savoir qu’ils sont là donne du courage dans les moments difficiles. Je le sais que toute la famille et les proches de Guylaine ont donné beaucoup dans l’enquête et ont fait plusieurs diffusions médiatiques pour aider l’enquête. J’espère un jour pouvoir les rencontrer et pouvoir leur dire merci ».
Toute information pouvant aider à résoudre ce crime peut être communiquée à la Centrale de l’information criminelle de la Sûreté du Québec, au 1 800 659-4264.