Mon grand ami et collègue Julien Renaud et moi avons tenté le coup, dimanche, sur le parcours de la Dupont Auto d’Alma, événement du circuit régional de course à pied de la Coupe Autocar Jeannois. Au programme, 15 kilomètres sur un parcours vallonné près de la Dam-en-Terre.
L’idée m’est venue quand j’ai participé au 15 km des Pichous, en mars, en voyant des intervenants et bénéficiaires de l’Association régionale de loisirs pour personnes adaptées (ARLPH) prendre part au volet à la marche. Et comme je savais que Julien avait déjà pris part au Marathon partagé du Saguenay de la Fondation santé Jonquière, en 2019, je savais qu’il allait sans doute accepter et surtout, être un partenaire de feu.
En raison de sa neuropathie des petites fibres, diagnostiquée en juin 2020, ce jeune homme actif il y a cinq ans à peine est aujourd’hui plus limité dans ses déplacements. Sa joie de vivre et sa résilience, elles, n’ont jamais été touchées et ont cette capacité de déteindre sur les autres. Il était donc un partenaire tout désigné dimanche !
[ 5 ans de maladie, avec le sourire ]
Ce n’était donc pas une surprise quand Julien m’a répondu par l’affirmative au moment où je lui ai proposé de se lancer dans une course partagée. Je savais que le circuit régional offrait cette possibilité à quelques reprises durant la saison. La Dupont Auto d’Alma a donc été ciblée, même si je n’avais aucune idée à quoi ressemblait le parcours. Aussi, elle offre uniquement des parcours de 5 et 15 km. Pas de 10 km, donc, ce qui aurait été raisonnable.
«Partir de Chicoutimi pour courir 5 km? Bof», me suis-je dit. Je nous ai donc inscrits au 15 km, fonçant légèrement vers l’inconnu.
Mettons d’abord en contexte l’accessibilité du fauteuil roulant adapté utilisé dimanche. Fondé par Philip Oligny, Kartus vise à intégrer des gens à mobilité réduite à l’intérieur d’événements organisés. Il y en a pour qui l’euphorie de vivre la ligne de départ, les étapes menant à l’accomplissement de l’objectif et le fil d’arrivée, ils n’ont jamais connu ça.
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On ne peut en dire autant de Julien, qui vivait déjà sa troisième course partagée. Au Saguenay-Lac-Saint-Jean, les Kartus sont relativement accessibles, mais il faut savoir où les trouver. Le Centre de réadaptation en déficience physique Le Parcours de l’hôpital de Jonquière en rend disponibles. Il suffit de contacter France Potvin (418 695-7700 poste 2862) par téléphone ou par courriel (france.potvin.chj@ssss.gouv.qc.ca) pour en savoir davantage sur les modalités.
L’ARLPH du Saguenay-Lac-Saint-Jean (418 545-4132) en compte également au moins un dans son inventaire. On peut en louer un gratuitement et l’association s’occupe même de vous le livrer. Parce qu’on va se le dire, un Kartus, c’est quand même une bonne pièce, assez longue et pouvant supporter une personne adulte sans problème, munie de roues arrière similaires à celles d’un vélo. La roue avant est plus petite et « articulée » pour faciliter la conduite, même si ce n’est pas si simple, surtout à basse vitesse. Ça va à la course, mais il faut marcher à un bon rythme pour que le fauteuil garde une trajectoire stable. C’est du moins ce que j’ai trouvé.
Donc ! Départ dimanche avant-midi près de la Dam-en-Terre à Alma pour le 15 km, mais deux jours plus tôt, Julien et moi avons fait une pratique dans mon quartier, histoire de nous familiariser avec les sensations. J’ai pris mon premier deux minutes... Pas si simple que ça de pousser quelqu’un en courant, car ça devient plus difficile d’utiliser le haut de son corps pour se propulser quand nos mains sont collées sur un guidon. J’ai essayé de le tenir à une main, mais ce n’est pas évident.
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Mais bref, on a quand même fait une distance raisonnable qui nous permettait d’arriver avec une certaine confiance à la ligne de départ, en compagnie que quelque 95 autres coureurs (39 au 15 km, 57 au 5 km). Tout le monde part en même temps, sauf les plus jeunes du 1 (13) et 3 (17) km. Juste le fait de vivre le départ, de se faire amicalement saluer par bon nombre de coureurs et de sentir qu’on fait partie de la gang, c’est déjà une belle victoire.
Puisqu’on n’est pas là juste pour les tapes dans le dos, on part (un peu) le couteau entre les dents. Le premier kilomètre, ça va. Les deux suivants, c’est un peu plus raide avec un léger faux plat montant, mais ça s’endure. À partir du sixième, je commence à prendre mon rythme. Le parcours est conçu de sorte à effectuer deux aller-retour, donc on sait à quoi s’attendre pour la deuxième portion. Pour le meilleur et pour le pire. Et ça permet aussi de croiser régulièrement d’autres coureurs qui prennent le soin de nous encourager et nous disent de « ne pas lâcher ». Lâcher? Impossible. Il faudrait d’ailleurs éviter ce mot. « Allez » ou « continuez » ou « bravo », c’est mieux. C’est plus positif, je trouve. En tout cas.
Arrivent donc le huitième, le neuvième, le dixième kilomètre. Ça brûle dans les cuisses par moments, mais rien de trop intense. Le plus difficile, c’est à la moindre montée.
Le poids du Kartus et celui de mon camarade rentrent dedans dès qu’il y a un peu de dénivelé. C’est là la plus grande difficulté d’une course partagée. Et quand ça descend, il faut faire attention de ne pas prendre trop de vitesse. Je me disais que ça serait un peu niaiseux de me servir des freins, à disque s’il-vous-plaît, du Kartus, que j’allais profiter de chaque petite descente pour gagner en rythme. C’est fort utile, finalement, quand la chaise adaptée décide de dévaler la route.
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Après 12 km, on commence à penser à notre célébration à l’arrivée, mais je commence aussi à m’ennuyer de mon énergie laissée derrière ! Après un peu plus d’une heure et 24 minutes d’efforts, on complète l’épreuve, fiers de notre coup et contents d’avoir pu mettre en vedette le Kartus, un outil d’inclusion méconnu, mais ô combien utile.
Julien et moi n’avons pas encore élaboré notre calendrier de courses, mais il y en aura d’autres, c’est certain. J’encourage tous ceux et celles qui ont les capacités physiques d’en faire autant. Ça en vaut la peine et c’est franchement valorisant.