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Le jeu vidéo au service du cinéma

La taille du StageCraft offre des possibilités jusqu’ici inédites pour les équipes de tournage.

CHRONIQUE / Disponible pour le grand public depuis le 5 avril, l’Unreal Engine 5 constitue une véritable révolution pour l’industrie du jeu vidéo, puisque le moteur graphique de nouvelle génération offre aux créateurs une plateforme de développement photo dynamique et performante. Le monde cinématographique en bénéficie également, avec un impact marqué sur les plateaux de tournage.


Qu’est-ce qu’un moteur graphique ?

Depuis près de 20 ans, une majorité de jeux vidéo utilisent un moteur graphique générique, afin de réduire le temps et les coûts de développement. Un moteur graphique est en quelque sorte une boîte à outils qui sert de base aux créateurs de jeux. Depuis sa première mouture, parue en 1999, l’Unreal Engine a beaucoup évolué, avec différentes fonctionnalités, tout en améliorant le réalisme du graphisme. C’est la quatrième version du moteur graphique qui a capté l’attention du milieu cinématographique, qui y voit alors l’occasion de créer des scènes réalistes et dynamiques en temps réel.

Les décors de la série Le Mandalorien sont générés en temps réel sur un immense écran DEL et le résultat est tout simplement incroyable.

L’Unreal Engine 5 est désormais disponible pour ceux qui voudraient tester les capacités incroyables de ce nouvel outil de développement, mais pour pouvoir profiter d’un rendu en temps réel fluide, vous devez avoir un ordinateur performant, muni d’une carte graphique de haut niveau. Sinon, l’expérience risque d’être pénible.

L’arrière-plan et une partie de ce vaisseau ont été générés en temps réel via l’Unreal Engine 4.

Le réalisme photo et l’éclairage dynamique sont au coeur de ce nouveau moteur graphique, qui sera certes populaire auprès des développeurs de jeux vidéo, mais aussi dans l’industrie cinématographique, qui a trop longtemps souffert d’effets spéciaux numériques douteux.

Le Jurassique des effets spéciaux numériques

En 1993, le film Jurassic Park, de Steven Spielberg, marque un moment décisif pour l’univers cinématographique, en proposant des dinosaures entièrement créés par ordinateur. Conçus par Industrial Light & Magic (ILM), de Georges Lucas, les dinosaures de Jurassic Park sont d’un réalisme inédit à une époque où les marionnettes animatroniques et l’animation pas-à-pas (stop motion) sont rois.

Les changements de décor se font plus rapidement et permettent de tourner plusieurs scènes par jour.

Le succès monstre rencontré par le film provoque une escalade des effets spéciaux numériques dans les années subséquentes. Plusieurs mégaproductions enchaînent les effets d’un réalisme aujourd’hui risible.

En 1997, George Lucas tombe dans le panneau en ajoutant des effets numériques à la trilogie originale de Star Wars, ce qui est, selon moi, un sacrilège, d’autant plus que les ajouts détonnent horriblement.

Le réalisme photo d’Unreal Engine permet aux acteurs de jouer devant un environnement plus inspirant qu’un écran vert.

Quelques années plus tard, le réalisateur semble être tombé dans le plat de bonbons, lorsqu’il tourne la prélogie Star Wars presque entièrement sur écran bleu. Le personnage de Jar Jar Binks est un bel exemple de technologie mal utilisée, à mon avis !

Plusieurs films de cette époque ont d’ailleurs très mal vieilli, en raison de l’abus d’une technologie manquant de réalisme et de subtilités.

Le jeu vidéo à la rescousse

La méthode classique d’effets spéciaux par ordinateur consiste à tourner les séquences réelles devant un écran bleu ou vert, puis de les modifier en postproduction par des images de synthèse. Cette technique représente un véritable défi pour les acteurs, qui ne peuvent visualiser les décors ou les effets spéciaux, ceux-ci étant créés plusieurs mois plus tard.

L’éclairage des acteurs constitue un autre défi, car les sources de lumière des décors de synthèse ne peuvent être fidèlement reproduites en studio, ce qui donne parfois l’impression que l’avant-plan est trop net par rapport aux décors.

Avec l’Unreal Engine 5, le réalisme photo des paysages est incroyable. Pour réaliser l’exploit, les développeurs ont numérisé des milliers d’objets, de rochers et de végétation partout dans le monde.

La qualité des jeux vidéo de nouvelle génération permet de générer en temps réel des environnements dynamiques réalistes plus vrais que nature. Pour cela, Unreal Engine 4 est utilisé par l’industrie cinématographique pour donner vie aux écrans verts en temps réel, ce qui permet aux créateurs de visionner directement sur le plateau de tournage le rendu d’une scène. Pour y arriver, l’environnement numérique est créé en préproduction, à l’aide du moteur Unreal, pour ensuite être juxtaposé avec l’environnement réel, directement sur le plateau.

En utilisant un moteur de jeu vidéo, il est alors possible d’ajuster les angles de caméra et l’éclairage, de même que d’apporter des modifications en temps réel, une avancée majeure pour les productions cinématographiques et télévisuelles.

Il est possible de changer la météo, l’heure de la journée ou le moment de l’année en temps réel.

Le Mandalorien: retour au sommet d’ILM

La série Le Mandalorien, diffusée sur Disney+, marque le début d’une nouvelle ère dans l’univers cinématographique. Qui de mieux placé que Industrial Light and Magic pour lancer le bal ?

Afin de réduire au maximum l’utilisation d’écran vert, ILM a conçu un immense mur-écran panoramique, lequel permet d’afficher directement les décors, en temps réel. L’utilisation du moteur graphique Unreal 4 permet à l’équipe d’ILM de modifier en temps réel le décor, en fonction des mouvements de caméra. L’éclairage des acteurs provient majoritairement de l’énorme écran, qui recouvre également une partie du plafond.

Le résultat est d’un réalisme tout simplement incroyable et nous n’en sommes qu’au début de cette technologie, qui s’améliore constamment.

Décidément, l’Unreal Engine 5 va permettre aux créateurs de faire des environnements réalistes et dynamiques, et ce, plus facilement que jamais.