Souvenons-nous de ce turbulent printemps 2020, il y a à peine deux ans. Lorsque les écoles, les commerces et les entreprises de service et de loisir ont fermé leurs portes, le monde communautaire n’a pas baissé les bras. Il est resté ouvert, fier et debout. Nous faisions face à un adversaire de taille, engagés dans un combat titanesque. Dans les premières semaines de la pandémie, une pluie de cartes-cadeaux a inondé les organismes de cuisine collective. La volonté de nourrir les plus vulnérables dans un contexte aussi difficile ne semblait avoir qu’une seule solution. Pourtant, le mouvement des cuisines collectives prône la prise en charge et l’autonomie des personnes et, si la charité peut aider, elle n’est pas une solution à moyen et surtout pas à long terme. Comme tout le monde, nous avancions à tâtons et nous prenions les décisions les mieux adaptées au contexte sanitaire, habités par le naïf espoir d’être, enfin et vraiment, reconnus par le gouvernement.
Cette reconnaissance passe inévitablement par l’accroissement significatif du financement à la mission, la sécurité et l’autonomie alimentaire n’ayant jamais bénéficié d’un investissement adéquat. Nous sommes épuisés de nous battre pour avoir le droit de faire notre boulot. Nous sommes las de nous battre pour démontrer notre caractère essentiel.
Le réseau communautaire au Québec est solide, il fait des miracles avec des miettes de chips. Toutefois, il est grand temps de rétablir l’équilibre et de nous offrir ce que nous demandons depuis bien trop longtemps déjà.
Le monde communautaire n’est pas un joueur mineur, il est l’expert dans son domaine et, au fil des années, il a développé une expertise adaptée aux besoins des milieux dans lesquels il intervient. Que ferait le réseau public si, à bout de souffle et de ressources, nous quittions définitivement l’espace public? Qui soutiendrait les plus vulnérables de notre société? Jamais le réseau public ne pourrait absorber tous ces mandats.
Souvenez-vous, Monsieur le Premier ministre, de comment nous étions essentiels.
Aidez-nous à aider et à remplir notre mission librement. Permettez-nous de soutenir les personnes plutôt que de passer des heures et des heures à trouver des cents pour survivre. Parce que oui, Monsieur le Premier ministre, le monde communautaire cherche de l’argent pour poursuivre et ne pas se noyer, tout en continuant d’accueillir et de soutenir ceux et celles qui n’arrivent plus à répondre à leurs besoins vitaux, comme celui de se nourrir, dans le contexte d’une inflation fulgurante.
Comment un gouvernement respectueux de sa population peut-il donner des sommes colossales à des multinationales de l’ultra-transformation alimentaire? Pense-t-il vraiment que l’industrie est la solution à l’insécurité alimentaire? C’est désolant.
Vous nous avez qualifiés d’anges gardiens, vous nous avez mis en pleine lumière et il est temps de nous prouver que vous y croyez toujours. Nous savons que nous sommes incontournables et qu’il est temps de passer à la caisse. Les cartes-cadeaux se sont taries et elles ne suffisent plus.
Sylvie Sarrasin
Présidente du CA, Regroupement des cuisines collectives du Québec (RCCQ)