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Le gouvernement Legault continue de surprendre dans sa gestion du projet de tramway de Québec.

Après avoir multiplié ces dernières semaines les conditions, critiques et sous-entendus sur le tramway, voici qu’il donne carte blanche au maire de Québec.

Avec ce virage, c’est toute la grille des analyses politiques locales qui vient de changer.

","type":"paragraph","contents":[],"photos":[]},{"contents":[{"accessibility":"METERED","authors":[{"description":{},"email":"obosse@lesoleil.com","imageUrl":"https://images.omerlocdn.com/resize?url=https%3A%2F%2Fgcm-v2.omerlocdn.com%2Fproduction%2Fglobal%2Ffiles%2Fimage%2Fc3d69d98-66f6-4a77-8043-acea914dc721.jpg&width=1024&type=jpeg&stripmeta=true","location":"Québec","name":"Olivier Bossé","source":"Le Soleil","twitter":"obosse"}],"channel":"La Capitale","chapters":[{"position":0,"text":{"fr":"

En fin d’après-midi, le ministre des Transports, François Bonnardel, et la ministre responsable de la région de Québec, Geneviève Guilbault, sont sortis en point de presse dans le hall du parlement pour expliquer la décision. Un peu plus tôt, ils étaient au cœur du Conseil des ministres, tenu en mode virtuel, qui a tranché et finalement signé les fameux décrets.

«On est une vingtaine, ici, chacun d’entre nous peut avoir une définition de l’acceptabilité sociale. J’ai la mienne, je vais la garder pour moi», a expliqué M. Bonnardel, à propos de l’absence d’une condition écrite mentionnant la nécessité pour le projet d’atteindre une certaine acceptabilité sociale.

«Ce qui a de clair, c’est que dès le début, quand on a rencontré le maire de Québec, Geneviève et moi, on voyait un déficit communicationnel [à propos du tramway]. Le maire [de Québec] lui-même l’a mentionné : je dois améliorer cette communication avec les citoyens de Québec. [...] On dit aujourd’hui, au maire de Québec : c’est dans votre cour. De mieux communiquer ce projet, qu’il soit mieux accepté», a déclaré le ministre des Transports. «On fait confiance au maire.»

Peut-être la preuve que les souhaits des partisans du tramway ont pour ainsi dire été exaucés, le point de presse de réaction de Québec solidaire, qui devait se tenir juste après celui des ministres au même endroit, a été annulé. Les gens heureux n’ont pas d’histoire, chantait Chantal Pary.

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Certains membres du caucus caquiste de Québec, que M^me Guilbault préside, essuient néanmoins une défaite. Pour un, le député de la Peltrie et ministre Éric Caire avait accusé le maire Bruno Marchand de «polluer l’existence des conducteurs [d’automobile] avec des projets comme ça». Avant de s’en excuser.

«L’important, ce n’est pas nos petites personnes, nos égos des députés, des élus. L’important, c’est nos citoyens!» a fait valoir la ministre Guilbault, mercredi.

«Sur 11 circonscriptions dans la Capitale-Nationale, il y en a neuf avec des députés de la CAQ. Il y a des gens qui ont des préoccupations. Il y a des gens qui n’en veulent pas de tramway. Ils nous appellent, nous écrivent. Il y a des gens qui veulent un tramway. On essaie de naviguer dans tout ça, de tenir compte de tous les points de vue.

«La clé, la solution à cette dynamique, c’est d’augmenter l’acceptabilité, d’augmenter les appuis au tramway. Et pour ça, le maire est déjà au travail et personne ne peut contester l’énergie qu’il met là-dedans. Donc moi, j’ai confiance qu’on va réussir», a résumé M^me Guilbault, aussi députée de la circonscription de Louis-Hébert, où sera érigé le terminal ouest de la ligne de tramway.

Pas de «50 % + 1»

Ces décrets gouvernementaux sont nécessaires pour aller de l’avant dans les appels d’offres et éviter de nouveaux retards en vue de la construction. Un nouveau délai aurait provoqué des retards encore plus importants, puisque la fenêtre de réalisation de cette étape se déroule sur une période limitée.

La Ville lancera donc deux appels de propositions dans les prochaines semaines. Un dans le but de choisir les fournisseurs de matériel roulant et l’autre, des fournisseurs d’infrastructures.

Depuis quelques semaines, le maire de Québec, Bruno Marchand, et le gouvernement Legault se livrent un bras de fer pour savoir si des conditions seraient imposées ou non avec ces décrets. Et si oui, lesquelles.

Le gouvernement du Québec avait jeté du lest sur le concept de rue partagée sur un tronçon de 500 mètres du boulevard René-Lévesque, retournant cela à la notion d’acceptabilité sociale.

En période de questions et de réponses orales au Salon bleu, mercredi matin, le premier ministre François Legault avait réitéré que «c’est à la Ville et au maire Marchand de s’assurer que ses citoyens sont d’accord avec ce projet-là». Il avait déjà ouvert la porte sur cette question mardi, comme quoi cette responsabilité reviendrait aux autorités municipales.

Pas de critère de «50 % + 1», donc. Comme l’avait pourtant évoqué un ministre de la région de Québec mardi, Jonatan Julien, aussi député de Charlesbourg et lui-même un ancien conseiller municipal à Québec.

Les 40 % du fédéral

L’engagement financier du gouvernement fédéral d’éponger les dépassements de coûts à hauteur de 40 % fait toujours partie des exigences du palier provincial, pour le tramway de Québec.

Le ministre Bonnardel a insisté sur le besoin de l’appui de la Ville et du maire dans ses démarches auprès de son homologue canadien ministre des Affaires intergouvernementales, de l’Infrastructure et des Collectivités, Dominic LeBlanc. Les deux ministres devaient se rencontrer la semaine dernière, mais M. Bonnardel avait la COVID-19 et M. LeBlanc, une pneumonie. Cela devrait se faire cette semaine.

«La part du fédéral reste extrêmement importante, extrêmement importante pour la suite des choses, pour les coûts, les surcoûts qui pourraient apparaître d’ici le dépôt du dossier d’affaires. Je l’ai mentionné maintes et maintes fois, le 40 % que le fédéral doit débourser, bien, je souhaite qu’il puisse nous le confirmer dans les prochains jours», a insisté M. Bonnardel.

Le ministre Bonnardel tient à obtenir un engagement écrit de la part d’Ottawa pour payer 40 % des coûts du projet de tramway, sans plafond.

Le budget dédié à l’ensemble du projet d’abord fixé à un peu plus de 3,3 milliards $ s’approche dorénavant plus de 4 milliards $.

La mise en service du tramway reste prévue pour dans six ans, en 2028.

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Loin du ton sévère qu'il avait pris face au gouvernement du Québec alors qu'il tentait de s'«ingérer» dans le projet de tramway, le maire de Québec affichait plutôt un large sourire mercredi, lors de l'adoption par le gouvernement Legault des décrets nécessaires à l'avancement.

"},"type":"paragraph"},{"position":2,"text":{"fr":"

Plus de peur que de mal, l'heure était au soulagement à l'hôtel de ville. Après un bras de fer de quelques semaines ce dernier a finalement obtenu ce qu'il réclamait : des décrets pour aller de l'avant avec le projet, et ce, sans condition.

«Le bonheur que j'ai de recevoir cette nouvelle. On est très, très heureux. Pour tous les citoyens de Québec, c'est une extraordinaire nouvelle», a-t-il lancé, à peine quelques minutes après la prise de parole officielle des ministres Geneviève Guilbault et François Bonnardel, non loin de là, à l'Assemblée nationale.

Un «tournant»

L'étape des décrets franchie, la Ville de Québec pourra lancer rapidement, dès la semaine prochaine, les premiers appels d'offres pour la réalisation du tramway. Le tout, sans «effet» sur les délais ou les coûts du mégaprojet déjà évalué à près de 4 milliards $, assure M. Marchand.

"},"type":"paragraph"},{"author":{"fr":"Bruno Marchand"},"position":3,"text":{"fr":"

Je ne pense pas qu'on pouvait souffrir d'attendre et de reporter ce projet-là et de risquer de noyer le poisson

"},"type":"quote"},{"position":4,"text":{"fr":"

Demeure que la Coalition avenir Québec attend toujours de lui qu'il fasse augmenter l'adhésion de la population dans le dossier du tramway. La pente à remonter est abrupte, alors que seuls 41 % des citoyens de Québec l'appuient encore. Le maire s'y engage, promet-il.

«Ce que j'ai garanti au gouvernement, c'est que mon engagement serait indéfectible, de tous les instants».

Face à une mobilisation à Québec, il se dit confiant de pouvoir le faire, après avoir observé un «tournant». «La communauté s'est réveillée et a dit : ''il est minuit moins une, il est temps qu'on agisse''. Il y a vraiment eu cette coalition d'adhérents qui a fait une différence. C'est de très bon augure pour la suite».

Celui qui se surnomme le «capitaine tramway» impute l'absence de conditions dans les décrets à sa sortie d'il y a deux semaines, quand il avait dénoncé une «attaque directe et en règle» contre la ville de Québec. Des ministres caquistes avaient alors laissé entendre que l'administration Marchand devrait renoncer à son tronçon de 500 mètres de rue partagée sur le boulevard René-Lévesque, ce qui avait provoqué l'ire du maire Marchand.

S'agirait-il de sa première «victoire» contre le gouvernement provincial? «L'importance de si j'ai gagné une bataille ou pas, honnêtement je m'en fous. Ce qui est important, c'est le projet», répond le maire.

«Tout ce que le gouvernement va pouvoir faire pour nous aider à améliorer la capacité de réaliser ce projet, à rallier des citoyens, va être positif», invite-t-il plutôt, sur le ton conciliant qu'on lui connaît.

En attendant un prochain sondage que la Ville de Québec devrait mener au cours des prochains mois pour prendre le pouls de la population, les travaux préparatoires du tramway prévus au calendrier pourront être lancés dès cet été, avec une enveloppe de 124 millions $ débloquée par le gouvernement du Québec.

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1- On avait perçu que le gouvernement de la CAQ faisait la vie dure au tramway en réaction à la montée du Parti conservateur de Éric Duhaime. Elle ne voulait pas perdre le marché des électeurs anti-tramway.

On comprend que la stratégie vient de changer du tout au tout. La CAQ fera campagne en misant sur le tramway plutôt qu’en le combattant.

La sortie du député de Chauveau Sylvain Lévesque en faveur du tramway n’est pas un hasard. M. Lévesque affrontera Éric Duhaime l’automne prochain. Plutôt que de se battre pour les mêmes électeurs anti-tramway, il a choisi de courtiser les «pour», c’est à dire, ceux qui auraient voté pour le Parti Libéral, le PQ ou Québec Solidaire.

Un beau pari.

Et un choix courageux que le maire de Québec Bruno Marchand a pris soin de saluer, deux fois plutôt qu’une, dans son point de presse de mercredi.

Le virage est d’autant plus significatif que le député Lévesque est de ceux qui avaient exprimé des réserves sur le tramway.

2- Second constat, le maire de Québec a réussi à construire un rapport de force que n’avaient sans doute pas soupçonné les élus de la CAQ.

M. Marchand refuse d’en faire un triomphe personnel, mais les faits parlent d’eux-mêmes. Il a gagné son bras de fer avec le gouvernement. Non seulement pour le tramway, mais pour l’autonomie des villes.

Sa sortie audacieuse, vigoureuse et non négociable a mobilisé les élus des grandes villes et tout le monde municipal. Cela a certainement pesé dans la balance.

Cela aura donné un retentissement inattendu à la bataille du maire de Québec pour «son» tramway et confère à sa «victoire» une aura symbolique.

Imaginez la tête de la nouvelle candidate de la CAQ dans Verchères, Suzanne Roy, si le gouvernement s’était entêté à intervenir dans les «affaires» de la Ville de Québec.

M^meRoy a été mairesse de Sainte-Julie jusqu’à l’automne dernier et a été pendant quatre ans présidente de l’Union des municipalités du Québec. À ce titre, elle fut une militante active de l’autonomie des villes.

Comment aurait-elle expliqué à ses électeurs que son nouveau parti écrase cette autonomie le lendemain même de l’annonce de sa candidature?

3- Je ne sais pas comment se sont passées les discussions sur le tramway de Québec au conseil des ministres de mercredi.

Mais sur la base du résultat, les ministres de la région de Québec en sortent affaiblis et contus (dans le sens de contusionnés).

Depuis leur élection, des élus locaux de la CAQ ont multiplié les critiques et les doutes sur le projet de tramway. Ou, à défaut, les ont nourri par leur silence.

Ils avaient raison de se préoccuper du manque d’acceptabilité sociale du projet. Mais pour d’autres, comme Éric Caire, le jupon du «no way tramway» de l’ancienne ADQ a toujours dépassé.

Ceux-là viennent de perdre leur bataille. Pas tant contre le maire de Québec que contre leurs collègues du conseil des ministres.

On peut reprocher à la CAQ d’avoir trop longtemps soufflé le chaud et le froid sur le projet : changement de tracé forcé, délais d’approbation, plafond budgétaire intenable, menace de nouvelles conditions, etc.

On peut cependant saluer le résultat.

À un moment décisif, le premier ministre Legault s’est élevé au-dessus des considérations partisanes. Il a osé changer d’idée, au risque d’y perdre la face et de froisser des égos, le sien au premier chef.

***

Le gouvernement souhaite une meilleure «acceptabilité sociale» du tramway, mais renonce à y assortir des conditions et des cibles à atteindre. Ou pire, à l’assujettir à un référendum.

Sage décision.

À quoi aurait-on mesuré cette acceptabilité sociale?

À des résultats de sondages?

Aux résultats de la dernière élection municipale où 75 % des citoyens ont voté pour un parti favorable au tramway? Aux résultats de la prochaine provinciale où tous les partis (sauf un maintenant) sont favorables au projet?

Faudrait-il 50 % +1, comme l’a évoqué cette semaine le ministre Jonatan Julien? Cela voudrait dire plus que les pourcentages avec lesquels tous nos gouvernements sont élus.

Sur quel territoire tiendrait-on le vote?

Celui de la ville de Québec seulement ou aussi celui de la rive sud et des MRC voisines que le gouvernement dit vouloir servir avec le Réseau express de la Capitale dont fait partie le tramway?

Ferait-on voter seulement les citoyens qui habitent le corridor du tramway et dont la vie sera le plus directement touchée par le projet, pour le mieux ou pas?

Faudrait-il faire voter les citoyens de tout le Québec et du Canada qui vont payer l’essentiel de la facture? On ne nous demande pas de voter pour les projets de transport en commun de Montréal, Ottawa, Edmonton ou Calgary, et pourtant, nous contribuons à les payer.

Un référendum?

Sur quoi irait-on voter? Sur le principe général d’un tramway? Ou sur le projet sur la table, avec tous ses diables dans les détails? Si on est pour un tramway en général, mais contre l’abattage de l’arbre devant sa maison, on ira voter pour ou contre?

La démocratie serait-elle nécessairement mieux servie par la somme de toutes les petites oppositions locales qui empêcheraient un projet

Qui vise à définir la ville et la planète de demain?

Et puis quand faudrait-il voter? Maintenant, alors que les coûts et beaucoup de détails sont encore imprécis? Ou faudrait-il attendre de les connaître tous, ce qui voudrait dire dans plusieurs années.

Et si des changements s’annoncent après le vote, faudrait-il retourner chaque fois aux urnes? Ou renoncer aux améliorations selon le principe que ce n’est pas là-dessus que les citoyens ont voté?

Il est connu que le projet va continuer à changer. Dans ses détails, s’entend. Les consortiums arriveront en outre avec leurs suggestions et solutions techniques.

***

Un référendum est en soi un bon outil démocratique, mais l’exercice a aussi ses limites.

Il force la collision des points de vue plutôt que la recherche commune de solutions qui pourraient améliorer le projet et en améliorer l’acceptabilité sociale.

Essayer de figer des conditions précises d’acceptabilité sociale ou forcer un référendum nous aurait plongés dans d’interminables et inextricables débats.

Sage décision.

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