Lac-Mégantic sous le prisme de la pièce Les Hardings

Interprétée par Normand D’Amour, Martin Héroux et Patrice Dubois, la pièce <em>Les Hardings</em> sera présentée le 7 avril, à la salle Pierrette-Gaudreault de Jonquière.

Pourquoi revenir sur le drame de Lac-Mégantic, neuf ans après la tragédie qui a abrégé la vie de 47 personnes ? Comme c’est le cas pour tant de choses qui font l’actualité, on a le sentiment que ce dossier est clos, sauf pour la voie de contournement que la communauté réclame depuis qu’un train fou a semé la désolation en son sein. On entretient l’illusion que tout ce qu’on devait savoir sur cette histoire, on l’a assimilé, d’où la pertinence d’une pièce comme Les Hardings, qui ouvre d’autres perspectives.


Présentée le 7 avril, à 19h30, à la salle Pierrette-Gaudreault de Jonquière, cette production du Théâtre d’Aujourd’hui pose un regard différent sur les événements du 6 juillet 2013. Ainsi, l’approche préconisée par la dramaturge et metteure en scène Alexia Bürger fut de juxtaposer trois vies chapeautées par un même nom : Thomas Harding. Il y a le conducteur du train, un chercheur néo-zélandais et un assureur spécialisé dans les questions liées à l’industrie pétrolière, un personnage incarné par Martin Héroux.

« Il y a quelques semaines, la pièce a été jouée pour la première fois à Lac-Mégantic. C’était très particulier, parce que chaque spectateur connaissait de cinq à dix personnes mortes à la suite de la tragédie. Ayant fait un bout de chemin depuis 2013, les gens nous ont dit que ça leur avait fait du bien de voir Les Hardings. Puisqu’on nomme seulement le prénom des victimes, ils ont trouvé que le texte était respectueux », a relaté le comédien au cours d’une entrevue téléphonique accordée au Quotidien.



La mise en scène est assez complexe. Chacun raconte son histoire et parfois, ça se passe à trois, ce qui en fait une pièce chorale. Le texte parle de choses lourdes, mais il y a des bouffées d’air. Ça s’écoute tellement bien que les gens ne voient pas le temps passer.

Son personnage assume deux missions, dont celle qui consiste à livrer du contenu technique. Après tout, c’est un homme de chiffres, ce qui ne l’empêche pas de les tourner à l’avantage de sa compagnie lorsqu’une réclamation est déposée. « Son taux de rejet est très élevé », confirme Martin Héroux.

En même temps, ce type constitue le ressort comique de la pièce. Il en faut un, puisque le chercheur incarné par Patrice Dubois se sent responsable de la mort de sa fille, tandis que le conducteur a le poids du monde sur les épaules. Rappelons que dans la vraie vie, ce personnage épousant les traits de Normand D’Amour n’a pas été reconnu coupable, ce qui signifie que toutes les parties prenantes au dossier ont échappé aux griffes de la Justice. De cela aussi, il est question dans Les Hardings.

« Tout le monde s’en est sorti et à un moment donné, mon personnage évoque le fait que chacun se renvoie la balle, ce qui comprend le gouvernement fédéral et les pétrolières. Le conducteur avait aussi une part de responsabilité, mais on lui a tout mis sur le dos. Or, il ne s’agissait pas d’un Act of God. On pouvait prévoir ce qui est arrivé », fait observer Martin Héroux, avant de décrire la théorie de la tranche de fromage suisse à laquelle souscrit son Thomas Harding.



Elle part du fait qu’il y a des trous dans la matière, lesquels représentent autant de facteurs de risque. S’ils sont alignés, ça signifie que toutes les choses susceptibles de mal aller vont se matérialiser au même moment, une situation semblable à la chaîne d’événements qui a endeuillé Lac-Mégantic.

Pour prêter vie au texte d’Alexia Bürger, les interprètes se tiennent debout, côte à côte, dans un décor évoquant soit un tunnel, soit un wagon. « La mise en scène est assez complexe. Chacun raconte son histoire et parfois, ça se passe à trois, ce qui en fait une pièce chorale. Le texte parle de choses lourdes, mais il y a des bouffées d’air. Ça s’écoute tellement bien que les gens ne voient pas le temps passer », assure Martin Héroux.