L’éloignement géographique ne représente pas un frein dans ce domaine, des services informatiques et d’ingénierie, par exemple, n’ayant pas besoin d’être transportés à bord de camions vers de grands centres et ne risquant pas d’être abîmés en route, image-t-il.
Au contraire, il devient un avantage sur des villes comme Montréal et Québec. Car ce même éloignement s’accompagne d’une proximité avec la nature, d’un faible coût de la vie, de prix avantageux pour l’installation de bureaux et d’une perspective de vie familiale intéressante.
Il faut que tous les politiciens se rassemblent autour de l’idée: Saguenay, ville numérique, Silicon Valley du Nord. On s’en va faire du démarchage. […] Il faut aller chercher d’autres studios de jeux vidéo comme ça et leur donner des facilités. Qu’on leur donne des terrains, des exemptions de taxes.
« Admettons que je veux faire des canettes d’aluminium, si je les fais ici, il faut que je les transporte partout sans les bosser. […] Ce n’est pas pratique d’être loin quand il y a des éléments physiques, quand il faut que je transporte des composants. Mais pour ce type d’emplois là, en technologie notamment, si on a les cerveaux et une bonne connexion Internet, c’est réglé ! », soulève Bruno Bouchard.
Les Ubisoft et FOLKS VFX, qui offrent leur savoir-faire un peu partout dans le monde, amènent ainsi de l’argent de l’extérieur qui se transforme en « salaire » et en « investissement » pour la région, plutôt que de simplement « brasser » l’économie locale.
C’est pourquoi le professeur à l’UQAC croit que la Ville et les divers acteurs régionaux doivent rattraper le retard des dernières années et mener une « grande séduction », à l’image de celle qui avait été menée à l’endroit d’Ubisoft, pour convaincre d’autres gros joueurs de s’installer à Saguenay.
L’arrivée de ces entreprises ferait ensuite des petits, croit Bruno Bouchard, les petits studios étant plus souvent qu’autrement fondés par d’anciens employés de grandes boîtes.
« Si on arrive à avoir deux ou trois gros ici en région, l’expertise va être sur place, le bassin de talents va être là et l’écosystème va être assez gros qu’il va s’autoalimenter et générer des entreprises à côté. »
Le Saguenay est encore « sur un fil » en ce qui a trait au numérique, estime celui qui est aussi chercheur au Laboratoire d’intelligence ambiante pour la reconnaissance d’activités (LIARA) de l’UQAC. La petite grappe qui s’y est développée est encore « fragile », n’étant pas encore devenue un « catalyseur » servant à attirer d’autres entreprises.
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Bruno Bouchard a encore fraîchement en mémoire le sommet économique régional de 2015, au cours duquel le bois et l’aluminium avaient pris presque toute la place, ne laissant que « 20 minutes » pour parler de numérique. Il y voit le signe d’une « économie mono-orientée », que la région doit repenser, l’aluminium y générant de moins en moins d’emplois directs. Le Rendez-vous économique de la Chambre de commerce et d’industrie Saguenay-Le Fjord de cette semaine était déjà plus encourageant à ses yeux, le développement des technologies numériques ayant été au centre des discussions.
« Je pense que la venue d’Ubisoft a mis la puce à l’oreille de plusieurs personnes. Les gens ne voient pas le numérique de la même façon avant et après. Mais c’est encore timide. »
Ce qu’il faudrait à Saguenay, c’est un « plan de développement concerté du numérique sur 5-10 ans ». La ville n’a rien à envier aux grands centres, insiste Bruno Bouchard, notant au passage que l’UQAC compte de nombreux spécialistes en intelligence artificielle et qu’elle diplôme plus d’étudiants en technologie de l’information que l’Université Laval et l’Université de Sherbrooke.
« L’intelligence artificielle, ça ne se fait pas juste à Montréal, les jeux vidéo, ça ne se fait pas juste à Montréal. On a de l’expertise ici. […] Ça se fait ici, on a tout ce qu’il faut. Et il faut que nos politiciens régionaux soient très agressifs là-dedans, parce que la pensée naturelle de quelqu’un à Montréal, c’est de dire : voyons donc, on ne va pas faire des jeux vidéo au fin fond de la forêt. Eh bien oui, on fait des jeux vidéo au fin fond de la forêt ! »