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Une entrée en scène marquée par une succession de «crises» où on a pu prendre la mesure de son leadership.

M. Marchand a montré qu’il était préparé à gérer l’imprévu, sans amplifier les crises par de mauvaises décisions, comme on le voit parfois.

Les 100 premiers jours d’un nouvel élu sont souvent une «lune de miel». Je pense que cela vaut pour M. Marchand.

Malgré quelques critiques, il s’est illustré dans une actualité à haut risque : soirée électorale atypique, vidéos troublantes d’interventions policières, premier déneigement chaotique, manifestation des «camionneurs», débat sur le nickel, tramway, etc.

Sans parler d’une cinquième vague de COVID qui est de loin celle qui a pesé le plus lourd sur le moral collectif.

Une «tradition» inspirée de Napoléon(1) et surtout du «New Deal» de Roosevelt(2) veut que les 100 jours soient l’occasion d’un premier bilan.

Voici le mien, mais d’abord, un rappel du précédent changement de garde.

Minoritaire au conseil, comme l’est aujourd’hui M. Marchand, Régis Labeaume s’était imposé d’abord par son style.

Un ton direct, le tutoiement facile, une tenue souvent décontractée et une spontanéité à l’américaine qui tranchait avec le style «européen» de M. L’Allier et de Mme Boucher.

En 100 jours, il avait multiplié les attaques et coups de gueule (conventions collectives, nombre d’élus au conseil, etc.). Il avait même refusé de rencontrer le président du Réseau de transport qui voulait lui parler de tramway.

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Le chef de l’opposition Jean-Marie Matte, qui l’avait appuyé quelques années plus tôt, avait déchanté avant la fin des 100 jours. «Je suis très déçu. Si on fait selon sa volonté, ça va; mais si ça ne vient pas de lui, ce n’est pas bon, il ne veut rien savoir.»

L’histoire aura cependant retenu de ces 100 jours de M. Labeaume l’embauche de Daniel Gélinas pour redresser des fêtes du 400e mal barrées. Une décision qui a encore des effets positifs sur Québec 14 ans plus tard.

La notoriété de M. Labeaume était à moins de 5 % à son entrée en campagne. Elle avait bondi à 93 % moins de 100 jours après son élection, selon un sondage Unimarketing.

Que retiendra-t-on des 100 jours de Bruno Marchand? Plusieurs choses.

1. Un changement de style et de ton

M. Marchand est plus respectueux des autres, plus conciliant et plus humble dans sa façon de laisser de l’espace et du crédit à d’autres. Il a développé avec l’opposition un mode de collaboration jamais vu.

«Il y a des désaccords, mais j’aime beaucoup travailler avec lui», confie le chef de l’opposition Claude Villeneuve.

La «complicité» et «l’attitude de collaboration» à l’hôtel de ville, c’est une «belle surprise», trouve aussi Jackie Smith, chef de Transition Québec. Elle s’attendait à un climat plus «hostile» quand elle repense à ce qui se passait il y a un an.

2. Une nouvelle «signature graphique»

Les espadrilles de couleurs, un recours accru aux réseaux sociaux, des réparties drôles et impromptues. Le nouveau maire court, fait du vélo, joue dehors. On sent l’énergie d’une nouvelle génération.

À 1 % de notoriété il y a un an, il a vite trouvé sa place dans l’espace public, poussé par l’élan des ratés des médias au soir de l’élection. On l’a vu depuis sur tous les plateaux des médias «nationaux». Pétillant et bienveillant.

Il est «plus difficile à dessiner», déplore notre caricaturiste André-Philippe Côté, qui lui a «étiré les oreilles» pour mieux camper le personnage.

Un physique «moins typé» et moins de déclarations incendiaires que M. Labeaume ou Mme Boucher qui pouvaient commander deux ou trois caricatures par semaine, dit-il.

Mais un «contraste inspirant» pour l’artiste qui sentait qu’il avait fait le tour du jardin Labeaume.

3. Une nouvelle «gestion du temps»

Le maire Labeaume était pressé en tout. M. Marchand prend le temps nécessaire.

Sur le nickel, il a tenu à entendre tous les acteurs avant de dire non à la nouvelle norme du gouvernement.

Son mode collaboratif impose des échanges qui prennent plus de temps et d’énergie que lorsqu’on décide seul.

Claude Villeneuve s’en réjouit, mais y voit aussi un signe que «ce n’est pas spontané chez lui de décider».

M. Marchand parle souvent des générations futures. Il veut gérer pour le long terme. La «chaise du temps» installée dans la salle du comité exécutif en est un rappel et un symbole.

4. Beaucoup de continuité

Certains changements évoqués en campagne ou en début de mandat ne seront pas possibles. Le «déglaçage préventif» par exemple et surtout quelques «améliorations» au tramway.

Québec forte et fière va consulter davantage, mais à ce jour, elle maintient à peu de choses près le projet d’avant.

C’est un «maire en formation», analyse Claude Villeneuve. «Un changement de style et de ton, mais la même politique qu’avant. Il n’y a pas grand-chose qui a changé».

«Tout ça pour ça», jette Jackie Smith, qui est cependant «satisfaite» que le maire appuie résolument le tramway.

5. Un nouveau rapport de force

Les 100 premiers jours ont montré un maire Marchand en parfaite harmonie avec les gouvernements.

Presque trop, pensent les oppositions. «Il ne veut déplaire à personne; il n’est pas prêt à prendre des décisions qui vont déplaire», perçoit Jackie Smith.

Le nickel semblait une «décision facile», croit-elle. La lenteur à décider «n’a pas aidé la cause. Ça ne donne pas confiance pour une prise de position sur le troisième lien».

Claude Villeneuve exprime aussi des «craintes pour le rapport de force de la Ville». «Il veut protéger sa relation avec le gouvernement», mais il vient un «moment pour marquer son territoire».

Reste que la nouvelle approche semble donner des résultats. Le maire n’a pas eu à crier sur la place publique pour que les gouvernements s’offrent à payer les coûts plus élevés du tramway.

6. Des gestes concrets

Crédits de taxes aux commerçants frappés par la COVID.
«État des lieux» sur le tramway
Abolition des frais de retards dans les bibliothèques
Comité plénier sur le nickel suivi d’un vote au conseil
Gratuité dans les parcs et bases de plein air de la ville
Agrandissement du réseau cyclable d’hiver
Soutien accru aux artistes et organismes culturels
Appel à soutenir les restaurateurs locaux
Nomination de Maude Mercier-Larouche à la tête du RTC et des relations avec les citoyens pour le tramway.

Un choix «brillant». Une personne «humaine, charismatique, magnétique», perçoit Jackie Smith qui a pris la peine de me rappeler pour me dire tout le bien qu’elle pense de cette nomination.

C’est en effet un poste clé.

Améliorer le projet de tramway et en augmenter l’acceptabilité sociale en impliquant davantage les citoyens sera le principal défi de l’administration Marchand pour tous les jours qui vont suivre le 100e.

NOTES

(1) Environ 100 jours entre le retour de Napoléon à Paris au printemps 1815 (après son exil) et son abdication à la suite de la défaite de Waterloo. Le temps de modifier la constitution pour y inclure des droits nouveaux : élire un maire dans les petites communes, pouvoirs d’amender la Constitution, etc.

(2) En 1933, Franklin D. Roosevelt fait adopter 76 projets de loi en 100 jours, pour relancer le pays au sortir de la grande dépression. C’est devenu depuis LA référence.

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