Je travaille sur ce sujet depuis l’été dernier et j’ai pu expérimenter la manière dont les réseaux sociaux propagent de la désinformation. Les réseaux sociaux ne sont toutefois pas les uniques responsables, mais ils accélèrent grandement la propagation de phénomènes sociaux, aussi mauvais soient-ils. La mouvance Qanon, Donald Trump et la pandémie ont créé une tempête parfaite pour la naissance des mouvements complotistes chez nos voisins du sud. Au Canada, l’influence américaine engendrée par le Trumpisme est très grande auprès des mouvements anti-mesures sanitaires et anti-vaccins, car la base même de la doctrine de Trump est cette haine viscérale envers les médias traditionnels. Réussir à convaincre le plus de gens possible que les médias traditionnels font partie d’un vaste complot ouvre le champ à la désinformation. C’est alors que les réseaux sociaux deviennent la source d’information principale de plusieurs.
La chambre d’écho algorithmique
À force d’être exposés à la désinformation sur les réseaux sociaux, les utilisateurs se retrouvent dans une chambre d’écho où se crée une réalité alternative alors que les véritables faits deviennent une mise en scène orchestrée de toute pièce. Le phénomène de la chambre d’écho fait en sorte que la minorité rébarbative se croit beaucoup plus nombreuse qu’elle ne l’est en réalité. Vous avez probablement remarqué que sur les réseaux sociaux, chaque publication relative à la COVID-19 engendre son lot de commentaires provenant d’enragés qui utilisent tous un vocabulaire similaire. En utilisant presque tous les mêmes termes, ils démontrent à quel point la désinformation fait des ravages.
Facebook la genèse
Au début de la pandémie, Facebook est pour plusieurs le point de départ de cet univers de désinformation. Avec ses 2,9 milliards d’utilisateurs mensuels, il est le réseau social le plus populaire au monde. Son immense succès réside en partie dans son algorithme qui propose aux utilisateurs du contenu intéressant pour eux, dans un fil d’actualité sans fin. Comme le temps c’est de l’argent, plus les utilisateurs sont actifs, et par le fait même captifs, plus ils sont exposés à des publicités ciblées, le pain et le beurre de Facebook. Son algorithme est si efficace qu’un utilisateur qui partage ou like du contenu conspirationniste ou des fausses informations voit rapidement son fil de nouvelles inondé de contenu similaire. Un utilisateur qui partage de la fausse information l’expose sur le mur de ses amis Facebook, ce qui fait en sorte que cette fausse information a de fortes chances d’être partagée à nouveau et ainsi de suite. Même si, depuis deux ans, Facebook a mis en place certaines mesures afin de contrer la désinformation, le volume d’utilisateurs fait en sorte qu’il est très difficile d’éradiquer le phénomène.
TikTok, la désinformation rapide
Le réseau chinois TikTok est actuellement l’une des plateformes de désinformation de prédilection des adeptes des théories du complot. En effet, après quelques minutes seulement sur le réseau, nous sommes exposés à plusieurs vidéos de désinformation. J’ai communiqué avec les relations médias de TikTok et voici leur réponse : « La désinformation est définie comme un contenu inexact ou faux. Bien que nous encourageons notre communauté à avoir des conversations respectueuses sur des sujets qui les intéressent, nous n’autorisons pas la désinformation qui cause du tort aux individus, à notre communauté ou au grand public, quelle que soit l’intention. »
Malgré ces belles paroles, il est extrêmement difficile de modérer le contenu créé sur TikTok, qui est composé de brèves vidéos. Par contre, même si la désinformation n’est pas dans vos champs d’intérêt, l’algorithme de TikTok ne perd pas de temps pour vous exposer à des vidéos à caractère complotiste.
« Nous adoptons plusieurs approches pour rendre la désinformation anti-vaccin et COVID-19 plus difficile à trouver. En plus de supprimer du contenu, nous redirigeons les recherches associées à la désinformation sur les vaccins ou le COVID-19 vers nos directives communautaires et ne complétons pas automatiquement les hashtags anti-vaccins dans la recherche », affirme la porte-parole de TikTok. C’est à se demander si la désinformation francophone circule plus aisément, passant sous le radar des modérateurs en raison de la barrière linguistique.
YouTube, un terreau fertile en désinformation
Propriété d’Alphabet (Google), YouTube est encore la source par excellence de la désinformation. D’ailleurs, le 12 janvier dernier, plus de 80 organismes de vérification des faits ont invité YouTube à adopter des mesures plus efficaces pour combattre les fausses informations. Comme c’est le cas avec Facebook, l’algorithme de YouTube alimente les utilisateurs de manière à les garder captifs le plus longtemps possible, pour ainsi visionner le plus de publicités. L’engagement des utilisateurs captifs est payant pour les réseaux sociaux.
Twitter, le royaume des trolls
Le réseau Twitter est peut-être le moins achalandé du lot, mais il est tout de même un repaire pour les publications haineuses. D’ailleurs, plusieurs personnalités connues et journalistes très actifs sur Twitter sont harcelés par une horde de faux comptes. Le laxisme démontré par Twitter permet à certaines personnes de se créer rapidement un compte afin de pouvoir vomir des insanités avec « tout le courage » que permet l’anonymat.
Les réseaux sociaux ont une grande part de responsabilité dans le clivage social actuel. Le capitalisme sans vergogne de ces géants de l’Internet brime l’équilibre démocratique partout sur la planète. Il n’y a pas de ségrégation algorithmique, celui-ci s’adaptant au gré des utilisateurs se foutant éperdument des répercussions sur les familles brisées. On dit qu’il y a juste les fous qui ne changent pas d’idée. Dans ce cas-ci, les algorithmes en ont décidé autrement.