Un concert dans une cathédrale de métal

La compositrice de la pièce Ode au métal, Sonia Paço-Rocchia, est aussi heureuse que Marie-Chantal Leclair, de la formation Quasar, à l’idée de faire revivre cette oeuvre au Saguenay.

Elle est toute jeune, la salle de spectacles du Centre d’expérimentation musicale (CEM), mais même dans cinq ans, dans dix ans, on se souviendra du concert Ode au Métal présenté par la formation Quasar, le 18 décembre à 20 h. Juste la façon dont elle aura habité les lieux, avec son immense ruban de métal suspendu à deux ou trois pieds du plancher, les longues pièces rectangulaires descendant à la verticale, les petites structures abritant des microphones, frappera durablement les esprits.


On dirait une sculpture environnementale, sauf qu’elle se trouve entre quatre murs et que samedi soir, le public qui se rendra au 37 rue Rhainds, à Chicoutimi-Nord, pourra marcher autour, à l’intérieur, pendant que les saxophonistes Marie-Chantal Leclair, André Leroux, Mathieu Leclair et Jean-Marc Bouchard se mouleront autant que faire se peut à la partition imaginée par Sonia Paço-Rocchia. Ils l’ont créée ensemble en 2019. Deux prix Opus ont couronné leurs efforts. Puis, plus rien.

À lui seul, le travail qu’il faut déployer pour préparer la salle pourrait expliquer ce délai. On parle de plusieurs jours et la tâche ne se résume pas à accrocher des bouts de métal. Les appareils fixés dans la structure pour capter les sons, puis les acheminer dans l’ordinateur que la compositrice manipulera loin des regards du public, font aussi partie du chantier. Ajoutons les éclairages sophistiqués, ainsi que la présence d’une équipe de tournage, et ça fait beaucoup d’informations à gérer.



Marie-Chantal Leclair paraît bien petite, devant le ruban de métal que fait vibrer son saxophone soprano.

« Nous aimons les choses qui ne sont pas standard. Ce spectacle met en relief l’aspect multi de notre salle », a souligné le directeur général et artistique du CEM, Guillaume Thibert, au cours d’une entrevue accordée au Progrès. De son côté, Sonia Paço-Rocchia se réjouit à l’idée de voir revivre une œuvre aussi ambitieuse, surtout en ces temps incertains. « C’est une surprise, puisqu’avec le confinement, on se demandait où s’en allait notre carrière. Faire un gros projet comme ça, c’est rassurant », confie-t-elle.

Pour décrire la pièce de 40 minutes qui sera jouée à Chicoutimi-Nord, la musicienne parle d’un théâtre musical. « Il n’y a pas de mots, mais les spectateurs peuvent se faire leur propre histoire. Quant aux saxophonistes, ils doivent s’adapter à ce que donne le métal et justement, la partition laisse de la marge pour ça », fait-elle observer. Présente à ses côtés, Marie-Chantal Leclair note que la première fois, le public était séparé des interprètes. Dans la salle du CEM, il vivra une expérience immersive.

« Cet événement, c’est quelque chose de spécial. On ne fait pas ça tous les trois mois. C’est pour cette raison que nous tenions à garder l’oeuvre vivante, même si ça prend du temps pour s’installer », raconte la saxophoniste. À une échelle réduite, elle venait de faire la démonstration du pouvoir que génère Ode au métal. Quand son saxophone soprano a résonné directement sur le ruban de métal, celui-ci a produit une vibration qui s’est fondue aux sons émis par l’instrument. De quoi donner le frisson.

Il y a quelque chose de poétique dans cette photographie montrant Jean-Marc Bouchard, alors qu’il joue du saxophone baryton devant une jolie structure de métal.

Maintenant, essayez d’imaginer l’effet produit par le saxophone baryton de Jean-Marc Bouchard, dans la salle transformée en cathédrale de métal. Un son qui semble provenir des entrailles de la Terre, tout en évoquant le barrissement des éléphants. Additionnez l’alto et le ténor, puis les interventions de Sonia Paço-Rocchia, et vous obtenez un méchant trip auditif où l’oeil est également sollicité.

« La première fois, des gens ont cru que ça avait duré 15 minutes, relate la compositrice. Comme on est toujours attiré par des choses, on ne sent pas le temps passer. »