« Les médecins dans ma clinique, ils ont travaillé fort. Ils ont eu l’impression de donner, donner et donner, puis là on se ramasse en fin de pandémie et au lieu de se faire dire ‘‘bravo vous avez quand même bien travaillé’’, […] bien on se fait dire qu’il reste vraiment beaucoup de job à faire et de s’arranger avec ça », résume Valérie Bouchard-Trottier, une médecin de famille de Chicoutimi.
L’opinion est partagée par son homologue de Dolbeau-Mistassini, Martin De La Boissière, qui explique que lui et ses collègues doivent aussi travailler en « deuxième ligne », le faible nombre de spécialistes dans le secteur les amenant à faire des accouchements et des suivis en cardiologie, entre autres travaux connexes.
Celui qui est secrétaire-trésorier de l’Association des médecins omnipraticiens du Saguenay–Lac-Saint-Jean (AMOSL) doit en plus s’occuper de quelque 45 patients en CHLSD, ce qui représente pour lui une journée complète de travail. « C’est sûr que si on m’enlevait cette clientèle-là, je pourrais faire plus de bureau et prendre 200, 300, 400 patients de plus. Mais qui va s’occuper de mes patients en CHSLD ? Personne ! Ça n’a pas de bon sens. »
Il n’est pas rare pour des médecins de famille à Dolbeau-Mistassini de compter « 2000 ou 3000 » patients, note-t-il. Et le « drame » annoncé dans les cinq prochaines années, c’est que plus de 30 % des effectifs y prendront leur retraite.
« Ce n’est pas en faisant peur aux jeunes médecins qui sont en formation, en les amenant à aller en spécialité et à ne pas venir en région, que ça va nous aider. Je pense qu’il va falloir que M. Legault comprenne ça aussi », insiste Martin De La Boissière.
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Valérie Bouchard-Trottier, qui revient tout juste d’un congé de maternité, constate que l’ambiance de travail s’est détériorée cette semaine et sent le « découragement » s’installer.
« Le moral des troupes n’était déjà pas si haut que ça, et là se faire dire ‘‘vous n’êtes pas bons et déniaisez-vous’’, alors que ça fait parfois un an et demi que le monde travaille un peu plus que d’habitude, avec le stress que ça implique… »
Elle souligne que le fait de mettre tous les médecins de famille « dans le même panier » avec l’objectif de 1000 patients est un manque de considération envers la réalité sur le terrain, où les patients sont aujourd’hui « plus lourds », « plus malades », et où le travail n’est pas consigné entre les quatre murs du cabinet.
« Je pense que le chiffre de 1000 n’est pas atteignable pour la plupart des médecins s’ils font d’autres activités connexes. Si les médecins ne font que du bureau, ça pourrait être faisable, mais encore là, avec une clientèle pas trop lourde. Parce qu’il y a différents types de clientèles. »
Le président de la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec, Louis Godin, était de passage dans la région, jeudi, à l’occasion de l’assemblée générale annuelle de l’AMOSL qui s’annonçait axée sur la situation des derniers jours.
La ligne dure imposée par le premier ministre François Legault est à ses yeux « la pire des solutions », car elle risque de précipiter certains médecins vers la retraite et de décourager certains étudiants à venir en renfort.
« Ça va créer un climat de confrontation entre les médecins et le gouvernement, alors qu’on vient de traverser une période où on a réussi à faire beaucoup de choses, compte tenu de la situation. […] Les médecins, comme tous les autres professionnels de la santé, ils sont un peu fatigués. Ç’a été difficile. On a été au front tout le temps, et là d’arriver avec ces menaces […], c’est très préoccupant. C’est sûr que ça va faire partie de la discussion ce soir », affirmait Louis Godin avant de participer à l’assemblée générale annuelle régionale.
Celui-ci souhaite en arriver à « une solution réaliste », disant travailler avec les membres sur d’autres pistes pour améliorer la situation, comme celle de donner accès à des « groupes de médecins ».
« Si on vous dit : ‘‘adressez-vous à telle clinique, on sait qu’ils vont vous recevoir’’, ça va vous éviter de courailler à droite et à gauche pour essayer de voir un médecin et souvent vous vous retrouvez à la salle d’urgence finalement. Ce sont ces choses-là qu’on va venir discuter. »
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