Une version de La Bohème bien servie par les interprètes

Matthew Dalen a campé le rôle de Rodolphe au temps de sa jeunesse, dans le cadre de l’opéra <em>La Bohème</em>. Ce spectacle présenté à deux reprises, dimanche, avait pour objet de souligner le 50ème anniversaire des productions d’art lyrique au Saguenay.

Un piano, six voix et Puccini. Beau programme pour clore les festivités entourant le 50e anniversaire des productions d’art lyrique au Saguenay. L’Opéra du Royaume ayant eu la bonne idée de monter une version concert de La Bohème, plusieurs centaines de mélomanes se sont pointés dimanche après-midi, au Théâtre Banque Nationale de Chicoutimi, afin d’assister à la première des deux représentations tenues pendant la journée.


Elles ont pu constater que de solides interprètes arrivent à faire oublier l’absence de décors et de costumes. Appuyés par le directeur général et artistique de la compagnie, le pianiste Dominic Boulianne, Marie-Josée Lord, Gino Quilico, Matthew Dalen, Dominique Côté, Alexandre Sylvestre et Raphaëlle Paquette, de même que le comédien Benoit Lagrandeur, ont fait revivre les amours trop brèves de Mimi et Rodolphe dans le Paris des années 1830.

Le comédien Benoit Lagrandeur avait pour mission de livrer les réminiscences de Rodolphe, l’un des personnages de <em>La Bohème</em>, au début de chaque acte. Les clés données au fil de ses interventions ont permis au public rassemblé dimanche, au Théâtre Banque Nationale de Chicoutimi, de mieux apprécier les interprétations offertes par les chanteurs, de concert avec le pianiste Dominic Boulianne.

Assis l’un à côté de l’autre, face au public, les chanteurs ont livré les principaux airs de La Bohème avec tant de conviction qu’on se demande pourquoi cette formule n’est pas utilisée plus souvent. Dès la première pièce réunissant les quatre amis vivant dans leur modeste logis, leurs joyeuses interactions faisaient plaisir à entendre. On y croyait parce que les voix, les gestes, témoignaient de l’état d’esprit du poète (Rodolphe), du peintre (Marcel), du philosophe (Colline) et du musicien (Schaunard).

Ils étaient pauvres, mais avaient de l’ambition et la vie devant eux, contrairement à l’infortunée Mimi, atteinte de phtisie. Dès son apparition, le personnage campé par la soprano Marie-Josée Lord a émis un toussotement révélateur. Si joli soit-il, le duo qui a suivi sa rencontre avec Rodolphe (Matthew Dalen), à la fin du premier acte, n’a pu faire oublier que le destin allait lui jouer un sale tour.

En écoutant cet air d’une infinie douceur, où filtrait subtilement la fragilité de la jeune femme, il était impossible de ne pas avoir un pincement au coeur, tant l’interprétation était sentie. Les spectateurs l’ont d’ailleurs saluée avec de vigoureux applaudissements et quelques cris. Même si dehors, l’automne québécois brillait de tous ses feux, leur esprit était à Paris. Leur coeur battait au même rythme que celui de Mimi.

Incarner l’espoir

Un des bons flashes de l’Opéra du Royaume fut de demander à Benoit Lagrandeur de présenter chaque acte, grâce aux réminiscences d’un Rodolphe vieillissant. Même les personnes qui ne connaissaient pas La Bohème ont pu apprécier les scènes qui suivaient, à l’aide des clés données par le comédien. Ce fut particulièrement apprécié au deuxième acte, où l’effervescente Musetta a pris beaucoup de place.

Même au coeur d’un drame, on a le droit de sourire, ce qui est arrivé lorsqu’elle a rejoint la bande dans un café, au bras d’un riche vieillard. C’est le moment où Alexandre Sylvestre a réalisé une manière d’exploit en alternant avec agilité entre la voix puissante de Colline et celle, grinçante à souhait, de l’aïeul. Les yeux fermés, on n’y aurait vu que du feu, au même titre que le compagnon de la Musetta. Sitôt que celui-ci a eu le dos tourné, en effet, elle a renoué avec Marcel (Gino Quilico), mettant ainsi fin à leur énième rupture.

Le quatrième acte, par contre, a servi d’écrin à Marie-Josée Lord, familière depuis longtemps avec le rôle de Mimi. La jeune femme voit sa condition de détériorer, sans toutefois perdre espoir de s’en sortir, ce que reflètent les airs livrés par la soprano. Sa voix se moulait si bien aux humeurs du personnage, parfois réduite à un souffle, tantôt portée par un nouvel élan. Elle a su incarner l’espoir envers et contre tout, une force morale mêlée de dignité à laquelle Mimi sera demeurée fidèle jusqu’à la fin de sa courte vie.