Malgré le fait que la soirée devait être à plus petite échelle en raison de la pandémie, l’équipe tenait à souligner cette initiative provinciale. Un rallye a été organisé dans le centre-ville de Chicoutimi, afin d’en apprendre sur la situation des sans-abri et de comprendre que ça peut arriver à n’importe qui.
Le comité de la Nuit des sans-abri au Saguenay regroupe des gens de La Baie, Chicoutimi et Jonquière. L’événement, qui se déroule chaque troisième vendredi du mois d’octobre, est une action de solidarité envers les personnes itinérantes ou à risque de l’être.
À ce temps-ci de l’année, les températures sont plus froides, ce qui permet de se mettre un peu dans la peau des personnes qui passent la nuit dehors et de connaître une petite partie de leur réalité.
Intervenante sociale au Café-Jeunesse de Chicoutimi, Lucie Tremblay explique que l’année 2021 a été marquée par une forte crise du logement, qui a amené son lot de problématiques. Plus de personnes se sont retrouvées sans logement et ont dû se tourner vers la rue. « C’est le plus grand enjeu dans la région en ce moment pour les personnes en situation d’itinérance. Les logements ne sont pas abordables. Aussi, le taux d’inoccupation n’est pas élevé au Saguenay. »
Elle note que cette crise a apporté des personnes plus jeunes à être dans la rue, car il y a une précarité des appartements chez les jeunes. Aussi, elle raconte que ce n’est pas facile pour les étudiants internationaux.
Mme Tremblay trouve dommage que le sujet de l’itinérance ne soit pas assez discuté et estime que la population doit se mobiliser. « Les gens doivent apprendre à s’intéresser et à développer des connaissances par rapport à l’itinérance, pour diminuer les préjugés, car on est en train de créer une division entre les classes. D’ailleurs, le thème de cette année est de voir derrière les apparences. Ça peut arriver à tout le monde; on l’a vu avec la crise qu’on a eue. »
Il est souvent question des sans-abri lorsqu’on parle d’itinérance, mais il y a aussi plusieurs personnes qui sont à risque d’itinérance, donc qui sont proches de tomber dans la rue. Cet aspect est souvent moins abordé.
Vendredi soir avait aussi lieu à Chicoutimi La Grande marche Pierre Lavoie, et Mme Tremblay a fait un parallèle avec les sans-abri. « Le Défi Pierre Lavoie est là pour prôner les saines habitudes de vie, mais nous, les gens avec qui on travaille, on ne peut pas en parler, car ils doivent survivre tout d’abord. La base est de se loger, de se nourrir et de se vêtir. On n’est pas rendus à faire la promotion de la santé. Si on n’a pas cette base, c’est dur de travailler ailleurs, de se dire qu’on va s’améliorer. »
:quality(95)/cloudfront-us-east-1.images.arcpublishing.com/lescoopsdelinformation/B5IVITP2VVHYFPTG2EFHJYEPCM.jpg)
«Just»
Ghislain, surnommé «Just», a fait 31 ans de prison avant d’être libéré, il y a quatre ans. Il a dû se réhabiliter seul, puisqu’il n’avait pas d’aide et il est devenu sans-abri.
Son enfance n’a pas été facile. Il a été maltraité par sa mère, qui le brûlait avec des cigarettes et qui l’empoisonnait. À l’âge de 8 ans, il a été placé et séquestré pendant trois jours dans une cage, où il a été abusé. Il a grandi une violence et une cruauté inimaginables. Aujourd’hui, malgré tout ce qu’il a vécu, il dit aimer la vie. Il essaie de s’en sortir lui-même. Il a d’ailleurs réussi à se trouver un emploi. « Plus jamais, je ne vais perdre ma liberté comme je l’ai perdu. »
Il souhaite partager son histoire afin que d’autres enfants ne subissent pas ce qu’il a vécu. Il ne comprend pas comment une mère peut faire endurer autant de souffrances à son enfant.
Il est libéré depuis quatre ans et est dans la rue depuis aussi longtemps. Il n’arrive toujours pas à dormir dans un lit, puisque c’est trop confortable pour lui. Il préfère le sol. Lors de sa libération, il ne voulait pas partir de la prison, car c’était toute sa vie, estimait-il.
«Just» se trouve chanceux que la Maison d'accueil pour sans-abri lui ait donné un bon coup de main moral et physique. Il est reconnaissant des différents organismes qu’il y a en région, mais il voudrait qu’il y ait plus de soutien.
Il trouve déplorable que la société ait beaucoup de préjugés envers les personnes itinérantes. « On a de la misère à se trouver un emploi. Certains sont vraiment cruels. Ils laissent le monde souffrir. On est reconnus pour être du monde qui s’entraide, mais je ne trouve pas que c’est vraiment le casé Les gens se laissent aller et pensent à leurs besoins et ne regardent pas autour d’eux. »
«Just» est comblé de plaisir lorsqu'il peut offrir une cigarette ou de l’argent à quelqu’un qui le lui demande, car il aime faire du bien. Selon lui, un simple sourire ou demander «Comment ça va?» apporte beaucoup.