Séjour de pêche à la mouche pour huit femmes atteintes d’un cancer incurable

Comment réagiriez-vous si vous appreniez que vous êtes atteint d’un cancer de stade 4? Qu’étant donné que ce cancer s’est répandu à différents endroits dans votre corps, vous devrez adapter votre vie en fonction de la maladie? C’est la réalité à laquelle sont confrontées Anik, Everard, Mariève, Caroline, Émilie, Anna, Geneviève, et Joanie. Au cours des prochains jours, ces huit femmes de 30 à 39 ans, atteintes d’un cancer métastatique, participent à un projet pilote de pêche à la mouche, piloté par la fondation Sur la pointe des pieds, en partenariat avec la Fondation cancer du sein du Québec et la Fondation québécoise du cancer. Le journaliste du Quotidien accompagne le groupe pour vous faire vivre leur aventure thérapeutique sur la rivière Saint-Marguerite.


Un cancer métastatique signifie que les cellules cancéreuses ont migré dans d’autres organes du corps. Ainsi, il n’y a pas de rémission possible ni de guérison. Au mieux, on parle d’une situation stabilisée. Pour les femmes atteintes d’un cancer du sein métastatique, les traitements de chimiothérapie, d’hormonothérapie et autres, font partie du quotidien. Elles doivent adapter leur vie à cette réalité, retrouver une routine la plus normale qui soit, en prenant soin des enfants, en essayant de travailler lorsque leur corps le permet.

C’est ce que Caroline, une femme native de Chicoutimi, tente de faire depuis qu’elle a appris son diagnostic de cancer du sein métastatique. Elle est alors revenue vivre dans la région pour se rapprocher de sa mère et de sa soeur, tout en gérant la séparation avec son conjoint.

Joaillière de métier, Caroline était habituée de fabriquer des bijoux pendant de longues heures et de passer de longues journées à les vendre dans les marchés publics ou dans les événements de métiers d’arts. Depuis deux ans, son quotidien a été complètement bouleversé, car elle doit suivre des traitements de chimiothérapie toutes les trois semaines. « Dès que je commence à me sentir bien, je dois recevoir un nouveau traitement », dit-elle. Pour limiter les effets néfastes, elle doit prendre des médicaments, qui affectent eux aussi son quotidien, en perturbant notamment son appétit. Elle arrive parfois à travailler un peu, mais impossible de le faire très longtemps.

À travers tout ça, elle s’occupe de sa fille de 12 ans et de son garçon de 10 ans.

«Certaines personnes vivent plusieurs années avec un cancer métastatique, parfois plus de 20 ans», dit-elle, pleine d’espoir. Petit à petit, elle s’adapte tant bien que mal à sa nouvelle réalité. Malgré les effets néfastes de la chimiothérapie, elle souhaite continuer les traitements, pour continuer à vivre. Pour voir ses enfants grandir.

C’est pour aider des femmes comme elle que la fondation Sur la pointe des pieds a lancé un projet pilote d’aventure thérapeutique en collaboration avec la Fondation cancer du sein du Québec et la Fondation québécoise du cancer.

«On voulait proposer un projet pour les femmes atteintes d’un cancer métastatique, par ce que c’est un public qui a des besoins spécifiques», souligne Cécilia Peugeot, travailleuse sociale de la Fondation cancer du sein du Québec.

L’objectif d’une telle aventure est d’utiliser le pouvoir du plein air afin de déconnecter du quotidien pour reconnecter avec soi-même, poursuit-elle. «On souhaite leur permettre de vivre le moment présent, dit-elle. C’est aussi une occasion de briser l’isolement et partager ce qu’elles vivent avec d’autres femmes qui les comprennent vraiment.»

«On a créé le projet pilote Lâcher prise parce que les femmes ont mentionné avoir un important besoin de déconnecter et de lâcher prise sur un paquet affaires, notamment pour penser à autre chose que la maladie, remarque Catherine Provost, chargée de projets et facilitatrice d’aventure pour la fondation Sur la pointe des pieds. Ça peut être difficile de se changer les idées et de voir le positif à travers tout ça.»

Du samedi au mercredi, les huit femmes sont accompagnées de 14 autres personnes, pour vivre un séjour de pêche à la mouche sur la rivière Sainte-Marguerite. Sur le groupe d’accompagnateurs, on retrouve quatre guides de pêche, une médecin, une infirmière, deux travailleurs sociaux, deux facilitatrices d’aventure thérapeutique, trois personnes responsables de la logistique (dont la tâche clé est de préparer les repas) et un blogueur-photographe (l’auteur de ces lignes).

«Dès leur arrivée, on leur a enlevé leur montre, leur cellulaire et autres appareils électroniques pour qu’elles déconnectent et qu’elles se laissent guider au rythme de la journée, pour briser le rythme habituel, explique Catherine Provost. On veut leur apprendre de nouvelles activités pour qu’elles arrêtent de penser aux tâches et aux soucis quotidiens.»

Pour la première journée, une activité d’éveil sensoriel a été faite sur le bord de la rivière. Les participantes ont ensuite reçu tout leur équipement et elles ont fait une séance d’essayage de bottes et pantalons étanches pour marcher dans la rivière.

Puis est venu le temps de pratiquer le noeud essentiel pour la pratique de la pêche mouche, le noeud de l’anguille barrée, qu’Yves, un des mentors de pêche, partage avec le groupe. Tour à tour, toutes les participantes s’y mettent pour préparer leur technique en vue du lendemain.

Après un court repos, tout le groupe est de retour autour du feu pour profiter d’un bon repas en plein air. Au menu: potage aux poireaux, sauté de légumes et de poulet sur riz et pain de Jaco.

La soirée s’est terminée avec une discussion sur les objectifs de chacune des participantes au cours des prochains jours.

«Au lieu qu’elles doivent s’adapter aux gens autour d’elles, toute l’aventure est adaptée selon leurs besoins et leur réalité, note Cécila Peugeot. Ça fait toute la différence.»

Après seulement quelques heures dans la nature, la thérapie semble déjà faire effet. Du moins, les sourires et les rires sont au rendez-vous.

Assise sur sa chaise de camping, Caroline est tout sourire. «Ça me fait déjà du bien de décrocher», dit-elle, en finissant sa soupe. «Rien que finir ma soupe me surprend, parce que je n’ai jamais faim ces temps-ci», ajoute-t-elle, heureuse de se retrouver avec des femmes qui vivent la même chose qu’elle.

Pour quelques instants, Caroline a réussi à lâcher prise. En espérant que ce sentiment perdure pour les prochains jours, pour elle et pour toutes les participantes. Elles le méritent pleinement.