Rentrée en enseignement supérieur : bien agir au lieu de réagir

Caroline Quesnel, Présidente de la FNEEQ

POINT DE VUE / L’été qui s’achève, avec l’espoir d’un recul de la pandémie mondiale et la visite prudente des proches et amis, aura permis à plusieurs d’entre nous de souffler un peu après 18 mois d’angoisse et d’adaptation, voire de souffrance.


En ces moments de rentrée dans nos collèges, nos cégeps et nos universités, l’enthousiasme contagieux de la pause estivale n’a pas su faire disparaître le cauchemar sanitaire qui bouleverse nos campus depuis la mi-mars 2020. Surtout, ce dernier braque les projecteurs sur la difficulté de nos dirigeantes et dirigeants à adopter des mesures claires pour faciliter l’apprentissage et à consulter les enseignantes et les enseignants.

Tantôt, le gouvernement fait miroiter une rentrée sans masque avant de se raviser à «minuit moins une» du retour dans les salles de classe. Tantôt, il avance l’idée d’une vaccination obligatoire du personnel enseignant sans consulter la principale organisation syndicale qui représente l’enseignement supérieur au Québec. Tantôt encore, il se garde de rejeter la pire des solutions en matière de transmission du savoir: l’enseignement comodal. Or, donner des cours à la fois en présence et à distance, c’est comme utiliser un shampooing et un revitalisant «2 en 1». Personne ne se berce d’illusions sur son efficacité: il lave et revitalise à moitié!

Au lieu de tergiverser, de trancher à la hâte pour ensuite revenir en arrière ou de miser sur des stratégies d’enseignement que nous savons déficientes, pourquoi les ministres du gouvernement Legault ne prennent-ils pas la peine d’écouter l’expertise de celles et ceux qui sont au front depuis le début de la crise, soit les enseignantes et les enseignants? Pourquoi plusieurs d’entre nous ont-ils et elles la désagréable impression que les gouvernails de l’éducation et de l’enseignement supérieur sont parfois sans capitaine et que les décisions sont souvent improvisées sur un coin de table, incohérentes et peut-être même contribuent à la dégradation de la situation sanitaire?

Vaccination : encourager sans punir

Sans réserve, nous encourageons la vaccination et toutes les mesures sanitaires susceptibles de protéger le personnel enseignant. D’ailleurs, sur le terrain partout dans la province, la Fédération nationale des enseignantes et des enseignants du Québec (FNEEQ–CSN) incite ses 35 000 membres à se faire vacciner. Par contre, lorsqu’on accole l’adjectif «obligatoire» au vaccin, il est de notre devoir de pointer du doigt les dangers et les dérives possibles. Un appui à une vaccination obligatoire doit d’abord passer le test des experts en santé publique. La décision doit être justifiée par des normes scientifiques et non l’humeur de l’opinion publique mesurée par sondages. Aussi, au nom des droits fondamentaux des travailleuses et des travailleurs, personne ne doit être licencié ou sanctionné injustement pour cause de refus de se faire vacciner. On imagine déjà le casse-tête de la gestion des demandes légitimes d’exception, que ce soit pour des raisons de santé ou pour d’autres motifs, si les mesures entourant la vaccination obligatoire s’avéraient mal définies ou improvisées, le tout dans un contexte criant de pénurie de main-d’œuvre.

Aussi, nous appréhendons les effets pervers d’un vaccin obligatoire. Celui-ci risquerait de provoquer un sentiment de fausse sécurité dans nos établissements et pourrait entraîner un relâchement des mesures de prévention sanitaire déjà en place, mesures qui ont largement démontré leur efficacité lors des trois premières vagues de COVID-19 et qui doivent demeurer en application durant la quatrième vague.

Les dangers à long terme de l’enseignement comodal et à distance

Nous sommes toutes et tous ravis de retrouver nos étudiantes et étudiants en classe plutôt que devant un écran froid. Toutes les professionnelles et tous les professionnels de la pédagogie vanteront les bienfaits d’une relation humaine de personne à personne afin de faciliter la transmission des connaissances. En cette matière, il nous faut saluer la décision du gouvernement du Québec d’opter pour une rentrée en présence, à condition de garantir la santé ainsi que la sécurité de toutes et tous. Or, nous attendons toujours les analyses du ministère de l’Enseignement supérieur (MES) quant à la qualité de la ventilation, qui varie beaucoup d’un établissement à l’autre, sinon d’un local à l’autre, dans les cégeps et les universités.

Malheureusement, ce même gouvernement fait actuellement l’économie d’une réflexion sérieuse et approfondie sur les enjeux relatifs aux transformations technologiques de l’éducation supérieure, de plus en plus populaires au sein des gestionnaires d’établissement. Ce faisant, il laisse la porte grande ouverte à l’enseignement comodal et à distance, trop souvent des raccourcis pour réduire les coûts et convertir au numérique le travail enseignant, bien au-delà de la crise sanitaire. Ce positionnement va à l’encontre des données probantes, qui reconnaissent la valeur inestimable de l’enseignement en présence et ses avantages, notamment sur la santé psychologique des étudiantes et des étudiants de même que du personnel enseignant.

Enthousiaste malgré l’incertitude et porteuse de solutions, la FNEEQ–CSN a à cœur le meilleur déroulement possible de la rentrée ainsi que la santé et la sécurité tant de ses membres que des étudiantes et des étudiants.


Fondée en 1969, la Fédération nationale des enseignantes et des enseignants du Québec-CSN regroupe quelque 35 000 membres dans 46 cégeps, 41 établissements privés et 12 universités. Elle parle au nom de près de 85 % des profs de cégep et de 80 % des chargées et chargés de cours des universités québécoises. Elle est l’organisation syndicale la plus représentative de l’enseignement supérieur au Québec et constitue l’une des huit fédérations affiliées à la Confédération des syndicats nationaux (CSN).