Chronique|

Pêche thérapeutique pour des femmes atteintes d’un cancer [PHOTOS]

­Se déplacer dans le courant de la rivière demande un effort physique exigeant.

La fondation Sur la pointe des pieds a réalisé un vieux rêve de Mario Bilodeau, le docteur en plein air et cofondateur de la fondation : organiser une aventure thérapeutique de pêche à la mouche avec des personnes atteintes d’un cancer.


Mario Bilodeau connaît les bienfaits du plein air et de l’aventure sur la santé des gens. Celui qui est aussi cofondateur du baccalauréat en intervention plein air de l’Université du Québec à Chicoutimi (UQAC), avec l’aventurier André-François Bourbeau, en a fait l’objet de ses études doctorales et prononce des conférences à ce sujet.

­Se déplacer dans le courant de la rivière demande un effort physique exigeant.

Le projet pilote de pêche à la mouche a été réalisé grâce au sujet de fin d’études de Marie-Michelle Paradis, inscrite au diplôme d’études supérieures spécialisées (DESS) en intervention par la nature et l’aventure (INA) de l’UQAC. « Nous avons travaillé trois ans sur ce projet, qui a été retardé par la COVID. Nous avons recruté neuf participantes âgées de 30 à 39 ans pour vivre l’expérience du 2 au 9 juillet. On avait tellement hâte de se rencontrer ! Après deux années de contact par Zoom, on avait l’impression de se connaître », souligne Marie-Michelle Paradis, que j’ai rencontrée dans les locaux de la fondation, situés dans l’Auberge du presbytère Sacré-Coeur, près de la Petite Maison Blanche, à Chicoutimi.

Mario Bilodeau, qui agissait à titre de mentor pour cette sortie thérapeutique, en parle avec beaucoup de fierté. « C’est un rêve que je caresse depuis longtemps. J’ai fait des sorties de pêche avec des jeunes en difficulté à l’époque et je savais que ce serait salutaire pour les personnes atteintes de cancer », assure-t-il.

« L’expédition a commencé sur la portion de la rivière des Escoumins, sur la zec Nordique, où nous avons campé quatre jours pour pêcher la truite de rivière. L’expédition thérapeutique avait deux objectifs. Le premier était de permettre aux participantes de parler et d’échanger sur leur maladie avec des gens qui vivent la même situation qu’eux et l’autre objectif visait l’aventure et la nature », explique Mario Bilodeau.

Marie-Michelle Paradis nuance les propos en précisant que « l’expédition était plus nature qu’aventure, même si une activité de randonnée pédestre nécessitait un bon effort de 45 minutes ».

Mario Bilodeau enchaîne : « La nature et l’aventure, quand c’est bien présenté, ça fait ressortir le meilleur des gens. »

Aventure et nature

« La pêche à la mouche offre tout ce que la nature et l’aventure peuvent offrir. L’aventure a commencé dès les premiers contacts avec les participants, en s’intéressant à un projet qui les mènerait loin de chez eux, dans une activité dont ils ignorent les règles et les techniques », fait valoir Marie-Michelle Paradis.

Les participantes ont appris le cycle de vie d’un saumon, les caractéristiques d’une rivière, ce qu’est une fosse, la façon dont on pêche dans une fosse, la manière de lancer la mouche avec une canne à pêche, les mouvements, le transfert de poids, la réalisation des noeuds pour attacher la mouche, le port de longues bottes, les déplacements dans l’eau et la fabrication d’une mouche à pêche.

« Tout ces apprentissages et le contact avec la nature font naître de la confiance en soi et procurent un bien-être, souligne la responsable du projet. Le contact avec l’eau, les deux pieds dans le courant, la lumière qui pénètre sur la rivière à travers les arbres, la couleur des paysages, le bruit de l’eau, le son des oiseaux, l’odeur de la rivière et de la végétation ; tous les sens sont sollicités. »

Bain de forêt

Le directeur général de la fondation Sur la pointe des pieds, Jean-Charles Fortin, s’est invité dans la discussion pour comparer les bienfaits de la pêche à la mouche à un bain de forêt. « Les Japonais appellent ça le shinrin-yoku, un bain de forêt. Un pin, par exemple, sécrète une hormone (les phytoncides, molécules sécrétées par les arbres) dans l’air, que l’on respire, ce qui fait baisser notre taux de cortisol, qui est l’hormone du stress », explique Jean-Charles Fortin.

Les phytoncides réduiraient le stress et augmenteraient la relaxation, selon certains chercheurs.

Marie-Michelle Paradis a d’ailleurs lu plusieurs études sur ce sujet pendant son baccalauréat. « En forêt, tous nos sens sont éveillés et nous sommes attentifs à tout dans notre environnement – le contraste des couleurs, le bleu ciel, le vert forêt, les reflets du soleil, les nuages, etc. Cet état d’être favorise aussi le contact entre les humains », fait valoir la responsable du projet.

Ainsi, cette expédition de pêche au saumon sur la rivière des Escoumins a permis à neuf femmes du Québec de 30 à 39 ans en traitement ou en rémission d’un cancer d’échanger avec d’autres personnes vivant la même situation, en plus d’expérimenter les bienfaits de la nature sur le bien-être.

« On le voit chez les jeunes lors de nos expéditions en plein air. Ils changent de posture et reviennent transformés à la maison, ce qui a un impact positif sur toute la famille. J’ai hâte de voir les résultats, car plusieurs de nos participantes sont des mamans et l’impact sera sûrement bénéfique pour la famille », exprime Mario Bilodeau.

Les gens ont vécu des moments d’euphorie. Seuls les pêcheurs à la mouche peuvent connaître la grande satisfaction de capturer un poisson avec une mouche qu’on a fabriquée soi-même, une sensation que les participantes ont aimé découvrir.

Dès leur arrivée à la maison, plusieurs participantes sont allées dans des boutiques de plein air, chasse et pêche pour s’équiper.

La pêche à la mouche fait maintenant partie de leur vie !