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L’écoconception, une clé pour l’économie circulaire

Les projets industriels doivent faire l’objet d’études d’impact sur l’environnement avant d’obtenir une autorisation formelle d’aller de l’avant.

CHRONIQUE / Dans le domaine de la santé, on réfère souvent à l’adage «mieux vaut prévenir que guérir». La même approche peut aussi s’appliquer dans le domaine de l’environnement et de la consommation. Il est bien sûr préférable d’éviter la dégradation de l’environnement plutôt que d’essayer de reconstruire des écosystèmes. C’est pour cela qu’on oblige les projets industriels à faire des études d’impact sur l’environnement et qu’on sollicite la participation des citoyens dans des processus d’audiences publiques avant de les autoriser. Mais cette approche préventive est beaucoup plus difficile à appliquer dans le domaine de la consommation de masse.


Avec la mondialisation de l’économie, les entreprises transnationales ont délocalisé et morcelé leurs unités de production, d’assemblage et de distribution en recherchant les avantages comparatifs comme le coût de la main-d’oeuvre et le laxisme des réglementations. Dans une logique d’économie linéaire, où chaque étape du processus passe la responsabilité de la gestion des impacts à la suivante, c’est une façon de maximiser les profits et de collectiviser les problèmes. Ce système se traduit par une production de déchets à chaque étape du processus et ces déchets représentent un gaspillage de ressources et une accumulation de problèmes environnementaux locaux et globaux. La solution qu’on préconise de plus en plus pour satisfaire les besoins d’une population mondiale croissante, avide de biens de consommation, est de circulariser l’économie.

L’économie circulaire est une approche basée sur l’analyse de cycle de vie qui prend en considération la réduction à la source, le réemploi, le recyclage et la valorisation, les fameux 3RV. Mais cette approche est difficile à appliquer sans une démarche d’écoconception. En effet, pour réduire à la source, il faut aller vers une économie de services plutôt que de consommation individuelle, par exemple l’autopartage. Pour faire du réemploi, il faut pouvoir réparer les objets, ce qui nécessite un approvisionnement en pièces de rechange. Pour recycler, il faut pouvoir trier et obtenir des matières qui ont des débouchés pour la production de nouveaux biens d’une qualité équivalente. Enfin, pour valoriser, il faut avoir des filières efficaces qui répondent à des besoins en substituant des procédés plus polluants, par exemple en récupérant la chaleur de la combustion pour substituer des carburants fossiles. Sans l’écoconception, ces beaux principes s’avèrent rapidement économiquement inefficaces.



La norme ISO 14062 définit l’écoconception comme «un processus d’intégration des aspects environnementaux dans la conception et le développement de produits qui a pour objectif la réduction des impacts environnementaux des produits tout au long de leur cycle de vie. La notion de produit inclut les biens, les services et les procédés». L’écoconception est donc un outil préventif nécessaire à l’économie circulaire. Un produit ou un service éco-conçu sera facile à réintégrer dans la chaîne de valeur, entraînant ainsi des gains économiques et une réduction des déchets tout en assurant de manière égale ou meilleure la satisfaction des besoins humains pour lesquels il a été produit.

Dans le plus récent rapport sur l’indice de circularité de l’économie du Québec, on peut constater qu’il y a beaucoup de chemin à faire pour y arriver. En effet, on évalue l’indice de circularité de l’économie du Québec à 3,5 % seulement. Parmi les stratégies recommandées pour améliorer ce score, le gouvernement du Québec mise sur l’écoconception dans sa stratégie d’approvisionnement. Mais cela doit aller bien plus loin, le gouvernement n’étant qu’un des acteurs de l’empreinte matérielle de notre économie.

L’écoconception doit prendre en considération non seulement les choix de matériaux, les modes de production, la logistique de distribution, les usages et la fin de vie des produits, mais aussi les aspects sociaux : l’impact sur les communautés locales, la santé et la sécurité des consommateurs et des travailleurs, etc.; elle rejoint donc un grand nombre des cibles des Objectifs de développement durable des Nations Unies.

Les besoins de consommation de l’humanité ne vont pas cesser d’augmenter dans les prochaines décennies. Pour préserver la capacité de la biosphère à répondre à ces besoins et à maintenir les équilibres écologiques, le climat et la biodiversité, il est impératif de réduire l’intensité matérielle et énergétique et la quantité de déchets générés par les procédés, produits et services qui assurent notre qualité de vie et celle de nos enfants. L’écoconception est l’une des clés pour y parvenir.