Sébastien Audy raconte la perte de son partenaire d’expédition au Groenland

Sébastien Audy et Dixie Dansercoer lors de leur expédition au Groenland.

Sébastien Audy a dû laisser au Groenland un partenaire d’expédition, mais surtout un « ami ». Le Belge Dixie Dansercoer, tombé dans une crevasse durant les derniers kilomètres de cette grande traversée à ski cerf-volant, n’en est jamais ressorti. Quelques jours plus tard, le Chicoutimien d’origine revient sur ces évènements tragiques.


« Ç’a été un moment assez difficile d’être assis dans l’hélicoptère et de réaliser qu’on partait, que mon partenaire avait été déclaré mort et qu’on n’avait pas été en mesure de récupérer le corps. J’étais profondément attristé, je le suis toujours d’ailleurs. J’ai encore des moments chaque jour où les émotions remontent à la surface », laisse tomber Sébastien Audy au bout du fil.

Au bout de deux heures, le 7 juin dernier, l’équipe de sauvetage basée au Groenland a dû se résoudre à abandonner les recherches dans ce gouffre de quelque 90 mètres, n’y ayant retrouvé que le traîneau du chef d’expédition.



Dixie Dansercoer y avait déjà passé cinq heures avant l’arrivée des secours. Un interminable moment d’« impuissance », au cours duquel Sébastien Audy a tout fait en son pouvoir pour aider son partenaire.

« J’ai orchestré les opérations de sauvetage. Je suis entré en contact avec sa femme, avec une autre personne aussi qui s’occupait de tous les aspects logistiques et qui avait les points d’entrée avec l’équipe de sauvetage. J’ai sécurisé la zone. […] Je me suis affairé à la tâche, je focalisais sur ce que je pouvais contrôler. J’ai fait du mieux que je pouvais. Mais une fois que j’avais terminé d’être dans ce genre d’action là et qu’il fallait que je prenne soin de moi, m’hydrater, manger, disons que ç’a été un moment difficile. Je trouvais ça dur de devoir prendre soin de moi sans être en mesure d’aider davantage mon coéquipier. »

Les évènements

La localité de Qaanaaq, « destination finale » de cette traversée du Groenland en ski cerf-volant, n’a jamais été atteinte. Le groupe en est au jour 31 de son expédition, à laquelle il ne reste que 72 heures, lorsqu’il tombe sur une zone où il y a plusieurs crevasses. Après s’être posés pour consulter la carte et discuter de la suite des choses, Sébastien Audy et ses partenaires reprennent la route.

Dixie Dansercoer

« Je l’ai vu marcher sur un pont de neige qui recouvrait une crevasse. Il est tombé, suivi par son traîneau. […] Il a été en mesure de me répondre la première heure. Après je n’entendais plus rien. J’allais le voir à toutes les 5 à 10 minutes, même si le contact n’était plus possible. Je lui expliquais ce que je faisais, je faisais le relais entre les paroles que j’entendais de sa femme que j’appelais régulièrement au téléphone, avec les autres personnes aussi, un ami proche. Je relayais ces messages-là pour essayer de garder l’espoir en lui, pour qu’il se batte s’il était toujours en vie en attendant les secours. »



Le Chicoutimien d’origine ne connaissait son partenaire que depuis deux ans, mais un tel voyage les avait grandement rapprochés. « Passer autant de temps avec une personne dans un milieu comme celui-là, dans une intimité, ça permet de connaître quelqu’un très rapidement et à un certain niveau de profondeur. À la fin d’une expédition comme ça, c’est quelqu’un que je considère comme un ami, comme un mentor. »

En plus de composer avec son propre deuil, Sébastien Audy a aussi dû annoncer la triste nouvelle à la femme de Dixie Dansercoer, à ses enfants, à l’un de ses amis proches, tout en collaborant avec les autorités locales qui cherchaient à comprendre les circonstances du drame.

Une cause trop importante

L’expédition visait aussi à contribuer à la recherche sur les changements climatiques avec la collecte d’échantillons de neige sur le terrain, malheureusement perdus lors de l’accident. C’est justement cette cause, très chère aux yeux de Sébastien Audy, qui pourrait le pousser à surmonter ces évènements et à repartir à l’aventure, lui qui avait prévu deux autres expéditions, au Pôle Nord en avril 2022, puis une autre au Pôle Sud.

« J’utilise ces expéditions-là pour attirer l’attention sur cette crise climatique. On va aussi faire une collecte de fonds au bénéfice des œuvres de Centraide pour aider les personnes en situation de pauvreté impactées par des situations météorologiques amplifiées par le réchauffement de notre climat. L’autre dimension c’est d’encourager la recherche de solutions pour réduire et même éliminer dans les prochaines décennies les émissions de gaz à effet de serre. C’est quelque chose qui m’anime très profondément et qui fait en sorte que malgré une tragédie comme celle-là, je suis prêt à continuer ce type d’expéditions. »

La navigation sur glacier, la rencontre éventuelle d’ours polaires et l’habileté à manipuler le cerf-volant sont les principaux défis auxquels sera confronté l’explorateur polaire et alpiniste Sébastien Audy, le fils de Denis Audy et Réjane Roy de Chicoutimi, en compagnie de ses compagnons d’aventure, le Belge Dixie Dansercoer, chef d’expédition, et la Hollandaise Johanna Adriana Simone Maria.

Le voyage polaire traditionnel est lent et monotone. Les aventuriers veulent démontrer qu’il est possible de parcourir de grandes distances plus rapidement en modifiant le mode de transport. Cet objectif de 2200 kilomètres de distance en ski cerf-volant implique un départ au nord de Narsarsuaq et un point d’arrivée au sud, à Qaanaaq, afin de traverser l’environnement polaire inhospitalier du Groenland, explique-t-on dans un communiqué.



Contribution à la recherche

L’équipe du département «Physics office, climate and earth» de l’université de Copenhague, au Danemark, mise sur la contribution de cette équipe d’aventuriers explorateurs. Helle Astrid Kjaer, auteure de la recherche, a besoin d’obtenir un échantillonnage de neige sur toute l’étendue polaire du Groenland. Pour ce faire, l’équipe d’aventuriers explorateurs recueillera deux fois par jour, matin et soir, des échantillons de neige tout au long de son parcours.

Les échantillons seront utilisés afin d’étudier la variabilité des ions déposés dans et sur les glaces du Groenland considérées comme ayant le moins d’impuretés parmi les espaces glaciaires.

Cette expédition est subventionnée par la Scientific Exploration Society, la plus ancienne organisation d’exploration scientifique toujours en service. Cette organisation, fondée en 1969, est située en Angleterre.

Fait à noter: cette expédition est certifiée «carboneutre» par l’organisme international de protection de l’environnement We Are Neutral.

Préparatoire

Cette expédition au Groenland sert de prélude aux expéditions polaires Pôle-2-Pôle du défi la Grande Percée projetée pour l’année 2022. Cet exploit extrême consiste à conquérir, au cours d’une même année, le pôle géographique nord (Arctique) et sud (Antarctique), suivi de l’ascension du mont Vinson, le plus haut sommet de ce continent.

Depuis plus de 15 ans, Sébastien Audy a escaladé les plus hauts sommets de la planète et il bouclera la boucle des «7 sommets» à la fin de cet exploit. Celui qui vit à Washington rejoindra ainsi le club select des hommes et des femmes ayant atteint le plus haut sommet de chaque continent. De plus, il pourra ajouter celui des explorateurs qui ont accompli le grand chelem ou « Grand Slam » en atteignant le sommet du mont Everest (22 mai 2008) ainsi que les deux pôles.

Il est possible de suivre son expédition sur sa page Facebook Seb Audy.