Qu’est-ce donc que ce fameux engin? Du point de vue du nom et de son actuelle prolifération sur le marché, il s’agit un peu d’une invention de l’industrie cycliste, intimement liée à la démocratisation des freins à disques qui, eux, permettent une pratique sécuritaire sur toutes les conditions de terrain, qu’il pleuve ou qu’il neige. Cette modification structurelle a considérablement élargi le champ des possibles en matière de design de cadres, permettant de chausser de plus volumineux pneumatiques. Sans parler de l’arrivée du «sans chambre à air», ou tubeless, qui autorise une pression plus basse, cette dernière procurant une adhérence accrue.
Au-delà du marketing, et bien que sa pratique remonte à l’invention du vélo, celui de gravelle est pour plusieurs adeptes un moyen de fuir le trafic automobile pour partir à la découverte du territoire, peu importe l’état de la surface devant soi. C’est un véhicule plus polyvalent que le vélo de montagne ou de route, capable de manger de la misère et des kilomètres. Une sorte de bête de somme… en somme.
Parenthèse technique : il existe désormais une vaste gamme de vélos de gravelle. Certains sont presque identiques à des engins de route, possédant des angles de fourche agressifs et des haubans plutôt courts, ce qui procure une conduite plus nerveuse. À l’autre bout du spectre, vous trouverez des vélos d’aventure, capables de chausser d’encore plus gros pneus et d’être chargés comme des mules afin de partir à la découverte de l’arrière-pays en autonomie complète, avec tout l’attirail de camping requis. Ces vélos ne procurent pas du tout la même conduite, et si les premiers peuvent très bien servir à la fois de vélos de route et de gravelle, les seconds sont moins indiqués pour les sorties prolongées sur le bitume.
Si près, si loin : Saint-Nicolas
Comme mes amis et moi nous sommes presque tous procurés des vélos de ce genre il y a quelques années, nous avons entrepris de découvrir des routes qui n’étaient pas trop éloignées de la ville pour nous y amuser.
Le principal ingrédient qui contribue au plaisir de ce sport est d’avoir le sentiment d’accéder aux communautés visitées par la porte arrière : celles des rangs perdus, des routes désertées, où l’on peut rouler partout sans craindre les autos.
Un exemple? À l’extrémité ouest de la route Demers, à Saint-Nicolas, on trouve tout un réseau de rangs non pavés qui permettent d’expérimenter en alternant entre les surfaces goudronnées et «garnoteuses». Vous pouvez quadriller le territoire vers Sainte-Croix, entre l’autoroute 20 et la 132, en bifurquant à l’envi sur les chemins qui se présentent à vous.
À titre d’exemple, la route Demers devient route Terre-Rouge. On y quitte le pavage et, attention, le début est parfois accidenté. Prenez le temps d’analyser la surface. De là, on accède au… chemin Terre-Rouge. En allant vers le nord, celui-ci change de nom pour route de la Colline. Une belle grande ligne droite qui vous mène à la 132. Passage par Saint-Antoine-de-Tilly. Vous pouvez ensuite prendre la route des Rivières vers le nord. C’est reparti pour un peu de poussière et d’inconnu.
Puis, j’ai envie de vous dire : et ainsi de suite. L’idée, c’est d’explorer. Peur de vous perdre ou de gaspiller votre précieux temps? Téléchargez l’appli Strava. Payez quelques dollars pour accéder aux parcours et aux cartes. Puis, dans le secteur choisi, identifiez un segment qui parait être non pavé (vous pouvez vérifier sur Google Maps). Cliquez dessus, puis sur quelques-unes des personnes y ayant les meilleurs temps : vous aurez accès à leur sortie complète dans le secteur, que vous pouvez ensuite copier et emporter dans votre téléphone ou télécharger dans votre ordinateur de bord Garmin, Wahoo ou autre.
Mon morceau de garnotte favori du secteur est un peu plus à l’ouest, comme dirait un certain Tournesol. Le 2e Rang, dans Sainte-Croix, vous permet de rallier Issoudun, via le rang Demers (un autre), puis la route des Barons. On y navigue entre les terres arables, y croise parfois un tracteur, souvent un 4 roues, toujours, surtout, une immense et bienfaisante tranquillité.
Si le vélo de route est un moyen d’évasion efficace, celui de gravelle en est un de prospection. Au fil des derniers étés, j’ai pu, grâce à ce véhicule plus permissif, entrer dans la carte postale plutôt que de l’admirer. Chaque fois, j’ai eu le sentiment que nous ne faisons habituellement qu’effleurer le territoire qui se trouve tout près de nous. C’est le cas avec ces routes. On s’y sent au bout du monde tout en demeurant à quelques encablures de chez soi.