Échappée à vélo en bord de Saint-Laurent

Le Bic

D’un simple cours d’eau aux allures de rivière, le fleuve Saint-Laurent prend au fil du courant l’apparence d’un océan. Vélo Mag vous invite à le (re)découvrir.


1. Baguenauder sur les berges des canaux du Suroît

Le Suroît est ce territoire du sud du Québec qu’on a malheureusement tendance à traverser sans le voir lorsqu’on se dirige vers l’Ontario. Grave erreur : la région au relief plat compte près de 200 km de trajets cyclables, dont une bonne partie en site protégé. Les joyaux de ce vaste réseau sont sans conteste les canaux de Beauharnois et de Soulanges, qui ont servi de voie d’évitement des rapides de Montréal jusqu’au milieu du siècle dernier. Des pistes cyclables longues respectivement de 25 km et 35 km permettent de tutoyer ces ouvrages creusés à main d’homme. De la halte Au fil de l’eau, à proximité de la centrale de Beauharnois, il est possible de se tricoter un itinéraire d’environ 70 bornes majoritairement sur piste cyclable. Celui-ci est agrémenté d’une traversée en navette fluviale ainsi que de nombreuses aires de pique-nique et haltes d’interprétation où mettre pied à terre.

Saviez-vous que…

Le toponyme Suroît renvoie à un vent du sud-ouest dont le nom provient du mot normand surouet. Le nordet, ce vent du nord annonciateur de temps frisquet, est son opposé.

2. Se déplacer à vau-l’eau sur les îles de Berthier

Ne vous laissez pas décourager par la halte routière qui jouxte l’autoroute 40, monstre de vulgarité derrière lequel se cache le Berthierville pur jus. On se stationne dans la vieille portion de la petite ville avant d’enfourcher sa monture et d’aller à la découverte des rangs des îles aux Castors, Dupas et Saint-Ignace. Vous y attend, dans un premier segment de cette randonnée d’approximativement 80 km, une tapisserie lacustre qu’on dirait tout droit sortie du Survenant, composée de chenaux, de pâturages et de chalets rustiques. Le second segment, plus pastoral, débute après avoir emprunté un bateau passeur ralliant Saint-Barthélemy à partir de l’île Dupas. Au menu : des chemins peu fréquentés, dont certains à flanc de coteau, bordés de maisons antiques. Un arrêt à la chapelle des Cuthbert, le plus ancien temple protestant au Québec, s’impose sur le retour.

Vendez votre mère pour…

Les beignes aux patates de Berthier, qu’on se procure frais à la beignerie artisanale Délices d’antan, à faible distance de la rivière Bayonne.

Charlevoix

3. Filer sur le chemin du Roy

Rouler les quelque 115 km séparant Québec de Trois-Rivières est, avec raison, un véritable pèlerinage pour plusieurs bouffeurs de bitume de la province. Pour bénéficier de la la brise estivale, on vous conseille de vous élancer du secteur trifluvien de Cap-de-la-Madeleine en direction de « l’accent d’Amérique ». Tout au long de la journée, vous pédalerez sur le pittoresque chemin du Roy tout en prenant soin de vous arrêter sur les quais et les parvis d’église des villages tricentenaires qui le bordent. Le parcours se fait à peine plus accidenté à l’approche de Donnacona, ce qui confère des points de vue uniques sur le fleuve Saint-Laurent, le réel fil conducteur de cette aventure qu’on vous suggère de conclure dans le Vieux-Cap-Rouge, au pied de l’ahurissant tracel (francisation du terme anglais trestle, qui désigne chacun des chevalets sur lesquels repose le pont). Quelle coïncidence : une succursale de Chocolats favoris s’y trouve justement !

Suivez un conseil d’ami…

Quittez dès que possible de l’achalandée route 138 afin de goûter à ce que le chemin du Roy a de mieux à offrir.



Ste-Famille à l'ïle d'Orléans

4. Parcourir l’île d’Orléans en long et en large

Le tour complet de l’« Isle de Bacchus » par le chemin Royal, long d’environ 70 km, est une équipée indéniablement intéressante, mais dont on se lasse rapidement. Revisitez-la en optant pour une découverte des chemins de traverse qui sectionnent de part en part ce bout de terre. Deux de ceux-ci ont pour nom routes du Mitan et des Prêtres et mettent à l’honneur le caractère résolument agricole de l’île d’Orléans – on la qualifiait déjà de grenier et de jardin potager de Québec à l’époque de la Nouvelle-France. Un rapide crochet par la pointe Argentenay, à laquelle on accède par une rue en cul-de-sac du côté de Saint-François-de-l’Île-d’Orléans, vaut aussi le détour ; on comprend pourquoi la compagnie française Huttopia voulait y installer un de ses populaires villages, avant de se faire fermer la porte au nez par la population locale : c’est paisible à souhait.

Ne repartez pas sans…

Un morceau de Paillasson, un fromage dont les origines remontent à 1635, au comptoir des Fromages de l’isle d’Orléans. À déguster après l’avoir rôti à la poêle. Menoum.

Le Route du fleuve, qui relie Baie-Saint-Paul à La Malbaie, porte bien son nom. Elle offre des vues imprenables sur le majestueux cours d’eau.

6. Découvrir les aboiteaux du Bas-du-Fleuve

À peine met-on les roues dans la région du Bas-Saint-Laurent que, déjà, on ne se peut plus. Devant La Pocatière se déploie un petit trésor de piste cyclable, celle de la Grande-Anse, reliant Saint-Roch-des-Aulnaies à Rivière-Ouelle. Des stationnements s’étendent de part et d’autre de cet itinéraire de 15 km. La particularité de ce trajet : il est construit à même des aboiteaux, des digues qui empêchent l’inondation des terres lors des grandes marées. Grâce à leur savant jeu de trappes, les agriculteurs de cette étendue de pays peuvent cultiver leurs champs sans se retrouver les pieds dans les eaux du fleuve Saint-Laurent, qui avoisinent d’ailleurs la piste. Par forts vents – phénomène fréquent dans le coin –, on voit l’estuaire se déchaîner à seulement quelques mètres de soi. Une expérience qui force l’humilité.

Savourez…

Les couchers de soleil sur la terrasse extérieure du Bistro OK de Saint-Jean-Port-Joli, à un jet de pierre du parc nautique. Profitez-en pour monter à l’étage tremper vos lèvres dans l’une des treize bières en fût de Ras L’Bock, la microbrasserie du coin, qui y tient un pub.

7. Caboter jusqu’au bout du monde

À partir du hameau de L’Anse-Pleureuse, la 132 redevient ce qu’elle n’est plus depuis les portes de la Gaspésie : une route somme toute peu passante. Les chauffards pressés de gagner Gaspé préfèrent en effet bifurquer sur la 198, via Murdochville, vous laissant tout le loisir de pédaler la côte nord de la péninsule sans vous faire pétarader dans les oreilles. Ça tombe bien : cette section de 110 km de la plus touristique des routes du Québec, aux sinuosités accrochées à flanc de falaise, est un délice sur deux roues. Dès le hameau de Manche-d’Épée, ça ne lâche pas : monte, descend, file à toute allure au beau milieu d’une carte postale évoquant les paysages d’Irlande, recommence. C’est costaud, c’est enivrant et c’est certainement un des plus beaux circuits asphaltés au Québec. Au village de Rivière-au-Renard, saisissez l’occasion de flâner autour du parc national Forillon, notre bout du monde.

Séjournez…

Dans l’une des chambres du gîte Chez Joe, géré par Évasion Nature Petite-Vallée. L’entreprise propose également la location de trois résidences touristiques pour grands groupes.

Une campagne incite les Québécois à se réapproprier les ressources comestibles du fleuve, #Mange ton Saint-Laurent.

8. Quitter la grand’terre pour les îles de la Madeleine

Bonne nouvelle : les touristes seront les bienvenus aux Îles-de-la-Madeleine cet été ! Certes, leur nombre sera limité en partie, mais peu importe – les Québécois pourront « prendre l’erre » sur ce fragment de la province échoué en plein cœur du golfe du Saint-Laurent. Outre le dépaysement assuré, on s’y rend pour la gastronomie madelinienne fortement inspirée de la mer (ne manquez pas le pot-en-pot), l’accueil chaleureux des insulaires (« on n’a pas l’heure, on a le temps ») et, bien sûr, les 300 km de plages (ce qui dépasse le nombre de kilomètres de route). Les richesses de l’archipel en forme d’hameçon ne se dévoilent jamais mieux qu’à qui est au guidon d’un vélo, cependant il faut être prêt à composer avec les caprices d’Éole. À bon entendeur…

Louez…

Une bécane dodue auprès de la boutique Le Pédalier et élancez-vous à la découverte des grèves des îles de la Madeleine. L’expérience d’une vie, vraiment.

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#Mange ton Saint-Laurent

Une campagne incite les Québécois à se réapproprier les ressources comestibles du Saint-Laurent. Des grands chefs et des comédiens collaborent à cette promotion des produits d’ici. Allez faire un tout sur le site, on vous promet des belles dégustations. Mangernotresaintlaurent.com

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Au top cinq des questions que l’on me pose lorsqu’on me présente comme «cycliste», il y a, au tout premier rang : «Fais-tu le Grand Défi Pierre Lavoie?» (non, jamais) et, quelque part parmi les quatre autres : «Est-ce que c’est l’fun le tour de l’île?» Ce à quoi je répondrais : pas vraiment, non. Mais il y a du fun à y avoir, à condition d’éviter ses nombreux périls.

Le pont est un beach party

Premier conseil : allez-y en auto. Malgré toute mon expérience, ma conduite assurée et mes compétences sur des surfaces instables, le trottoir du pont de l’île est pour moi un cauchemar. Je mettrais bien la faute à la saison hâtive pour expliquer la présence de sable (parfois plus de 10 cm d’épaisseur) sur ledit trottoir, mais j’ai souvenir de plusieurs passages au milieu de l’été et l’endroit avait aussi l’air d’avoir été aménagé pour accueillir un beach party. Quant à rouler sur la voie pavée : n’y songez pas. Je l’ai fait quelques fois, ce qui m’a permis de garder mon répertoire d’injures homophobes à jour et de meubler ma biographie cycliste de quelques traumatismes supplémentaires (frôlements volontaires, queues de poisson, freinages brusques injustifiés, enfumage par un fardier, etc.).



Premier conseil : allez-y en auto.

Levez la grand-voile

Second conseil : si, au terme de cette chronique qui a pour principal objet de vous en dissuader, vous décidez quand même de faire le tour de l’île à vélo, prenez garde au vent et stationnez-vous à un endroit où vous l’aurez dans le dos sur le retour, le plus longtemps possible. Un vent de face sur une fin de parcours est démoralisant et il est sans pitié sur cette route où l’on y est presque toujours exposé. Si vous vous stationnez près du pont ou que vous ignorez mon premier conseil et vous y rendez à vélo, choisissez un jour où le vent vient de l’Est. Vous souffrirez à l’aller, mais volerez au retour comme si vous aviez hissé la grand-voile.

Second conseil : prenez garde au vent et stationnez-vous à un endroit où vous l’aurez dans le dos sur le retour.

Savoir-vivre à géométrie variable

La route ici est étroite, en état parfois discutable et elle est souvent exempte d’accotement (celui-ci n’étant pas nécessairement praticable, s’il existe). Et des autos, il y en a. Même un jeudi après-midi, dans le bout de Sainte-Pétronille, Saint-Laurent et à Saint-Pierre, il y a un monde fou. Ça roule vite, ça roule pressé, et tant pis pour la courtoisie. Spéciale dédicace au gentil cultivateur à Saint-Laurent qui, alors que nous descendions une côte à 55 km/h, a décidé de nous barrer la route à la dernière seconde pour mieux stationner son camion de reculons. J’aimerais dire que ce genre de mésaventure est exceptionnelle sur l’île.

Je mentirais.

Dernier conseil : peu importe comment vous y allez, ne mettez pas les pieds sur l’île la fin de semaine.

Une petite boucle de rêve

L’ennui, avec le tour de l’île d’Orléans, c’est qu’en empruntant ce parcours, on rate ce qui est peut-être le plus bel endroit de toute la région de Québec : la route du Mitan.

Comme le secteur le plus tranquille et, à mon humble avis, le plus beau, se trouve à l’extrémité est de l’île, je suggère de laisser la voiture à Sainte-Famille, puis de gravir la route du Mitan pour en absorber le paysage. On se croirait soudainement au milieu de nulle part. Entre les boisés, les terres ondulantes et le ciel : le temps, ici, s’arrêtera pour vous, c’est promis. Vous pourrez rouler au milieu de la rue la plupart du temps sans gêner personne. Huit kilomètres de pur bonheur. À Saint-Jean, de l’autre côté, arrêtez-vous à La Boulange pour un café et une pâtisserie, puis revenez en passant par l’Est.

C’est le coin le plus pittoresque et qui paraît en décalage avec la frénésie de l’Ouest. Ça sent la mer. On y frôle le fleuve par moments et y croise quantité de petites routes qui mènent aux maisons au bord de l’eau. Vous pouvez presque toucher au Cap-Tourmente en face. Puis, au retour, arrêt de votre choix au réputé casse-croûte chez Mag, au Vignoble du Mitan, au pub du même nom ou à la boulangerie Blouin. Vous aurez roulé 32 km (environ la moitié du tour complet), mais vous aurez évité le trafic et pourrez toujours vous arrêter chez Monna et filles ou à Sainte-Pétronille avec votre voiture.

Mais, c’est mon dernier conseil, et peut-être le plus important : peu importe comment vous y allez, ne mettez pas les pieds sur l’île la fin de semaine. L’objectif étant de s’y reposer, vous aurez la certitude, par un beau dimanche où la moitié de la ville a eu la même idée que vous, d’échouer lamentablement.