C’est une question complexe à laquelle on espère que la Commission du BAPE viendra à trouver une réponse. Mais il faudra chercher au-delà de la formule magique des 3RV (réduction à la source, réemploi, recyclage et valorisation). La Chaire en éco-conseil avait produit en 2008, à la demande de Recyc-Québec, une réflexion à ce sujet qui est toujours d’actualité et dont la Commission pourrait sans doute s’inspirer. Voyons un peu pourquoi.
Il faut d’abord comprendre comment et pourquoi quelque chose devient un déchet. Pensez-y, tout ce que vous mettez à la poubelle, vous l’avez acheté quelques heures, quelques jours ou quelques années auparavant. Donc, pour paraphraser Simone de Beauvoir, on ne naît pas déchet, on le devient! Et que retrouve-t-on dans la poubelle? Des emballages, des biens de consommation périmés ou obsolètes, composés de matières diverses qu’on mélange et qu’on met au bord du chemin pour que quelqu’un nous en débarrasse.
Il y a là deux éléments importants de l’équation : la fin de vie utile et le mélange. Le sac de croustilles est utile jusqu’à ce qu’on l’ait vidé. Il n’a pas été conçu pour une autre fonction et le fabricant vous l’a vendu pour que vous vous en débarrassiez. Peu importe les coûts de sa disposition, il vous appartient et il devient votre déchet. Encore un autre élément clé à considérer : la responsabilité de la gestion des matières résiduelles est toujours transférée à quelqu’un d’autre. Du fabricant au détaillant, du détaillant au consommateur et du consommateur à la municipalité. Et c’est un peu là que le bât blesse.
Le service des matières résiduelles, depuis le 19e siècle, est confié au niveau municipal. Il y a 50 ans, les choses n’étaient pas compliquées. Les services municipaux ramassaient les poubelles et leur contenu était brûlé en plein air au dépotoir, incinéré, immergé dans l’océan ou accumulé dans des carrières désaffectées. L’environnement en prenait pour son rhume! Heureusement, nous n’en sommes plus là, même si, dans les communautés nordiques, la loi oblige les gestionnaires à brûler les ordures en plein air une fois par semaine.
Les villes doivent aujourd’hui récupérer et trier les matières recyclables. Elles devront, à partir de l’an prochain, valoriser les déchets organiques par le compostage ou la biométhanisation. Pourquoi alors continue-t-on d’enfouir autant?
Le problème demande qu’on le considère avec une vision systémique. Or, les villes n’ont de pouvoir qu’en fin de parcours. Pour réduire à la source, il faut d’abord appliquer l’écoconception, ce qui est du ressort des manufacturiers, et l’achat responsable, qui appartient aux citoyens et aux gestionnaires des approvisionnements.
Les municipalités n’ont pas non plus de pouvoir en aval. Lorsqu’il s’agit de recycler, il faut des débouchés pour des produits qui n’ont pas été optimisés pour trouver leur voie dans l’économie circulaire. La machine à générer des ordures est structurelle et les villes n’y peuvent pas grand-chose.
Le gouvernement du Québec aura beau imposer des cibles, la réduction des résidus ultimes demande une pensée systémique et interpelle toute la chaîne de production. Passer la responsabilité au suivant n’est pas une option. Il faut de la cohérence, des outils de mesure adéquats, de la traçabilité et une taxation dissuasive à l’enfouissement. Espérons que la Commission en viendra aux mêmes conclusions.