Chronique|

Réfléchir à la liberté d’expression

Le professeur Khadiyatoulah Fall, titulaire de la Chaire d’enseignement et de recherche inter ethnique et interculturel de l’UQAC estime que le comité de réflexion sur la liberté académique est une belle occasion pour réléchir sur la liberté d’expression.

CHRONIQUE / Le professeur Khadiyatoulah Fall, titulaire de la Chaire d’enseignement et de recherche interethniques et interculturels (CERII) de l’Université du Québec à Chicoutimi (UQAC) considère que la création d’un comité chargé de proposer des façons de défendre la liberté académique au Québec est un moment extrêmement important pour réfléchir sur la liberté d’expression.


«La liberté d’expression est la mère de la démocratie, ça permet de réfléchir, d’exprimer des désaccords, d’émettre des idées et de les critiquer. Si ce n’est pas ça, on n’avance pas. La liberté d’expression conditionne toutes les autres libertés et le vivre ensemble», énonce le docteur en sciences du langage.

Consensus impossible

«En démocratie, le consensus est impossible. Il faut discuter et trouver des compromis pour aller plus loin. La création de ce comité est une occasion pour réfléchir sur la liberté académique, non seulement dans les universités, mais dans tous les milieux scolaires, au cégep et au secondaire, afin d’asseoir une culture de la liberté d’expression», fait-il valoir.



«Nous demandons à nos universités d’être ouvertes sur la société et de s’ancrer sur ce qui se vit en société. Cette réflexion est importante, car on ne peut pas se dérober devant un problème de société, il n’y a pas de sujet tabou dont on ne peut pas discuter», dit-il. Évidemment l’université n’est pas la place pour faire circuler des idées négationnistes, mais tous les sujets peuvent être discutés.

«La censure n’a pas sa place. L’université est un lieu de vivre ensemble où il y a des sensibilités différentes et la liberté académique doit être sensible à ça. On doit débattre en tenant compte des sensibilités. Le savoir, pour certains, a été vécu dans la douleur. On ne peut pas se débarrasser des mots pour régler des conflits et un problème de société», exprime le scientifique du langage.

Responsabilité nationale 

Khadiyatoulah Fall a confiance en cette démarche et se réjouit que la ministre de l’Éducation supérieure, Danielle McCann, ait confié la responsabilité de ce comité à Alexandre Cloutier, un représentant de l’UQAC. «C’est une responsabilité nationale que l’on confie à Alexandre Cloutier, tout comme on a confié à Gérard Bouchard de la Commission Bouchard-Taylor, de co-présider le débat national sur les accommodements raisonnables», fait-il valoir.

Alexandre Cloutier, vice-recteur aux partenariats et secrétaire général de l’UQAC présidera un comité national pour réféchir sur la protection de la liberté académique.

«Le Québec a toujours su être serein face à ses enjeux collectifs. Le Québec a toujours regardé ses problèmes de société à partir de ce que nous sommes. Les Américains ont leur histoire, les Français ont leur histoire et il ne faut pas les colporter au Québec. Il faut avoir cette réflexion sur la liberté d’expression à partir de notre vision et de notre histoire», estime le professeur.



«Cette réflexion sera non seulement un grand moment de débats, mais un grand moment d’écoute et d’ancrage, car la liberté d’expression n’est pas illimitée. Il y a des limites qu’il faut éviter des tester», considère l’universitaire qui souhaite des débats d’inclusion et de savoir.

Un sujet peu étudié

Selon Khadiyatoulah Fall, la liberté d’expression est un sujet qui n’a pas été beaucoup étudié. «La création de ce comité est un appel à la prise en charge des questions qui heurtent les sensibilités. Donner un cours sur le mot commençant par un N, sans le prononcer, c’est difficile», convient le professeur d’origine sénégalaise.

«L’important, ce n’est pas de se demander qu’est-ce que la liberté d’expression, mais de se demander qu’est-ce que devient aujourd’hui la liberté d’expression», considère Khadiyatoulah Fall.

Crée par suite des controverses de l’Université d’Ottawa, dont le congédiement de la professeure Verushka Lieutenant-Duval pour avoir prononcé le mot en N dans un cadre académique, ce comité d’experts réfléchira à comment il faut protéger la liberté académique et la liberté d’expression pour éviter que les professeurs se censurent de peur de se retrouver au coeur d’une controverse ou de se faire lyncher sur les réseaux sociaux.