Voyager dans le temps et l’espace avec les effets numériques

Robin Tremblay, professeur à l’école NAD-UQAC de Montréal

Ce texte a été écrit par Robin Tremblay, professeur à l’école NAD-UQAC de Montréal depuis sa fondation en 1992. Il se spécialise dans le réalisme en synthèse d’image et la création de décors numériques. Il a également œuvré au sein de l’industrie des effets visuels sur plus d’une cinquantaine de films et de nombreuses productions publicitaires.


Les effets visuels ont envahi l’espace cinématographique depuis des décennies et la tendance s’est accélérée avec l’arrivée des effets numériques. Ce sont ces effets qui ont donné vie à d’impressionnants dinosaures dans le film Le parc jurassique et nous a transportés dans un univers lointain avec la dernière trilogie de La Guerre des étoiles. Cette surabondance nous a habitués à anticiper ce type d’artifice : on sait très bien que le film Le Roi lion de Disney n’a pas utilisé de vrais animaux parlants ou même qu’un acteur a enfilé un costume de reptile géant pour le dernier Godzilla. En fait, ils sont nécessaires pour être en mesure de raconter l’histoire du film de façon convaincante. Il y a cependant une autre catégorie de ces effets, beaucoup plus subtile, qui se retrouve dans des productions où on ne s’y attendrait pas.

On parle ici des effets qui se retrouvent à l’arrière-plan et qu’on utilise pour recréer un lieu ou une époque. On peut être surpris d’apprendre que la populaire série du diffuseur de contenu Netflix, The Crown, utilise intensivement les décors numériques pour donner l’illusion des différentes époques représentées à travers les nombreux épisodes. Paradoxalement, ces effets, qu’on pourrait qualifier d’invisibles, sont parmi les plus anciens dans l’arsenal de la magie du cinéma. Dans un des tout premiers films à succès, Méliès, avec Le voyage dans la lune, avait déjà imaginé utiliser de faux décors de carton pour illustrer son histoire. Et c’était il y a plus de 100 ans !

Si on remonte un peu dans le temps, justement, pour comprendre l’évolution de ces effets, on doit parler du Matte Painting. Cette technique qui consistait à peindre sur une plaque de verre des portions des décors et de la placer devant la caméra pour filmer les acteurs et donner ainsi l’illusion qu’ils sont dans un autre endroit. Ou une autre époque. Cette méthode laborieuse limitait son usage à des plans impossibles à filmer autrement et était notamment inflexible, particulièrement pour son utilisation en tournage extérieur. Si on peignait un décor ensoleillé, il fallait que la météo soit en accord pour que l’effet fonctionne. ce qui allongeait les temps de production. Une autre approche qui a été appliquée en parallèle est l’utilisation de miniatures : une reproduction à échelle réduite de décors ou d’éléments du film qui n’existaient pas ou auraient été trop coûteux à utiliser. Également très lourde en exécution, la technique avait l’avantage d’être présente en réel, durant le tournage, et pouvait être éclairée différemment. Si le produit final avait moins de finesse que les matte paintings sur plaque de verre, le côté plus flexible et la possibilité de bouger la caméra dans une maquette en fait un outil dominant dans l’industrie des effets visuels au cinéma jusqu’à tout récemment.

Voici un aperçu de la manière dont est façonnée la réalité virtuelle.

Les avancées rapides des effets numériques et leur accessibilité ont donné naissance à une nouvelle industrie et de nouvelles expertises qui ont graduellement remplacé les techniques traditionnelles. Les coûts de production ont aussi diminué de façon proportionnelle, si bien que des effets de grande qualité, à la fois invisibles et convaincants, font maintenant partie de créations ayant des budgets plus modestes. C’est ainsi que diverses séries télévisuelles peuvent nous raconter des histoires qui font revivre d’autres époques, pour notre plus grand plaisir.

La technologie dans ce secteur n’en est pas à ses dernières surprises, toujours à la recherche de méthodes plus flexibles et plus réalistes. Une des dernières innovations dans ce domaine a combiné la technologie des engins de jeu vidéo pour recréer en temps réel des éléments de décors qui sont projetés sur des écrans OLED derrière les acteurs. La série Le Mandalorien du diffuseur Disney+ utilise avec succès cette technique qui révolutionne la façon dont on fabrique les décors numériques.

Il semble qu’il va être de plus en plus facile de nous faire voyager dans le temps et l’espace avec les possibilités que ces nouvelles technologies nous apportent.

Pour en discuter plus longuement avec Robin Tremblay, rendez-vous le mardi 30 mars à midi sur : uqac.zoom.us/my/quotidien