Chronique|

Un modèle inspirant

La Ville de Québec veut se donner les moyens d’adopter les bons comportements en matière de développement durable.

CHRONIQUE / Jeudi dernier, le maire de Québec, Régis Labeaume, lançait officiellement une consultation publique sur son projet de Stratégie de développement durable à l’horizon 2030 arrimée au Programme de développement durable des Nations Unies et à ses 17 Objectifs de développement durable (ODD). Ce projet de stratégie et un plan d’action devraient être finalisés en juin prochain. Bien que les municipalités du Québec ne soient pas soumises à la Loi sur le développement durable adoptée en 2006 par le gouvernement du Québec, la Ville de Québec s’est donné les moyens d’aller beaucoup plus loin. La démarche de la Ville a été accompagnée par l’équipe de la Chaire en éco-conseil de l’Université du Québec à Chicoutimi (UQAC) et représente une première application dans un contexte municipal de l’analyse systémique de durabilité qu’il convient de souligner pour son exemplarité.


L’analyse systémique de durabilité est un champ de recherche qui a été développé à l’UQAC dans le cadre d’un partenariat avec l’Organisation internationale de la Francophonie, entre 2014 et 2018. L’équipe de la Chaire en éco-conseil, qui travaillait depuis 1991 à concevoir des outils pour analyser, concevoir, évaluer et bonifier des projets de développement durable a pu, avec la coopération de l’Institut de la Francophonie pour le développement durable, élargir la portée de ses outils aux politiques, stratégies, plans et programmes, permettant ainsi aux gouvernements, institutions et entreprises d’opérationnaliser les ODD.

La démarche de la Ville de Québec a été systémique à plusieurs égards. D’abord, l’ensemble des services de l’organisation municipale ont été interpellés et formés pour s’approprier le langage des ODD et la grille de priorisation des cibles des ODD. En parallèle, 85 documents de politiques, plans et stratégies existantes à la Ville ont été analysés pour réaliser un diagnostic de l’ensemble des cibles des ODD pour lesquelles la Ville a déjà des acquis. Les ODD comportent 169 cibles, dont 107 s’appliquent au niveau municipal. Québec touchait peu ou prou à 76 de ces cibles, ce qui est une première constatation intéressante. Les cibles ont ensuite été priorisées en fonction de trois critères : l’importance, la performance et la compétence.

Cette analyse a été réalisée par près de 200 employés de la Ville. Même si cette analyse a révélé que la performance n’était pas satisfaisante pour 72 de ces cibles, dont 35 sont jugées d’importance élevée, et comme la Ville n’a pas nécessairement les compétences nécessaires pour gérer les situations jugées insatisfaisantes, il ne reste que 25 cibles prioritaires sur lesquelles elle peut agir. L’étape suivante est de collecter, auprès des employés, des partenaires et des citoyens, des propositions d’actions réalistes pour améliorer la performance et préparer un plan d’action à court, moyen et long terme auquel les acteurs politiques seront invités à adhérer.

L’exercice a permis de se donner une vision: « En 2030, la population de Québec forme une communauté engagée, solidaire et inclusive. Elle profite d’un environnement sain et résilient face aux changements climatiques et recueille les fruits d’une économie juste, verte et prospère. » Les défis collectifs pour y arriver sont la cohésion sociale, la santé globale, la décarbonisation, la résilience et la transition. Chacun rejoint des cibles dans plusieurs ODD. Une analyse des forces et faiblesses, enjeux et opportunités complète le portrait.

Déjà plus de 200 pistes d’action ont été identifiées par les employés et les partenaires de la Ville et la consultation lancée le 25 février devrait permettre d’en recueillir des dizaines d’autres qui seront ensuite analysées et associées aux cibles des ODD auxquelles elles participent. Dorénavant, toutes les actions et stratégies de la Ville seront analysées de cette façon, ce qui contribuera à briser les silos, à profiter des synergies, à améliorer la transparence, la reddition de comptes et la communication entre la Ville, ses citoyens, ses partenaires et les gouvernements supérieurs. Tout cela dans un cadre internationalement reconnu.

L’expérience de Québec est unique, mais elle pourra devenir exemplaire pour toutes les villes au Québec et ailleurs dans le monde qui voudront adopter une telle démarche systémique. En effet, l’équipe de la Chaire en éco-conseil a fait en parallèle une analyse du processus et publié le 26 février un article scientifique dans la revue Sustainability3 que chacun peut se procurer en libre accès. Maires et conseillers, à vous de jouer, la voie est tracée !