Comment reconnaître et prévenir les complications du deuil?

Danielle Maltais

PAGE UQAC / Au Québec, depuis le mois de mars dernier, 37 120 décès sont attribuables à la COVID-19 ou à d’autres causes. En extrapolant à deux proches par défunt, ce qui est probablement sous-estimé, on compte donc plus de 75 000 personnes nouvellement endeuillées. Ces personnes n’ont pas pu, pour la plupart, accompagner leur proche durant leur fin de vie et mettre en place les rites funéraires qu’elles auraient souhaités.


Ce texte a été rédigé par Danielle Maltais et Jacques Cherblanc, professeurs au Département des sciences humaines et sociales de l’Université du Québec à Chicoutimi (UQAC).

Certains de ces endeuillés vivent un « deuil normal », qui se caractérise par des perturbations douloureuses, mais modérées de la vie quotidienne, au cours des premiers mois suivant la perte de leur être cher. Cette souffrance peut être très aiguë et intense, mais elle apparaît tout de même naturelle.



Toutefois, d’autres personnes éprouveront d’intenses difficultés à faire face au décès de leur proche, en ressentant une très grande tristesse qui perdurera dans le temps, et éprouveront des difficultés à fonctionner normalement. C’est ce qu’on nomme un « deuil compliqué ». Ces personnes éprouvent le sentiment que la personne défunte leur manque profondément, ressentent de la solitude ou un vide intense et ont l’impression que la vie sans cette personne n’a aucun but ni signification. Il est important de noter que tous ces sentiments, ressentis isolément, sont normaux et naturels au sein du processus du deuil. Ce qui ne l’est pas, c’est lorsqu’une personne présente simultanément une grande partie de ces caractéristiques et que cette souffrance s’étire sur une longue période.

Jacques Cherblanc

Vivre la perte d’un membre de son entourage qui est significatif, dans un contexte aussi traumatique et anxiogène que la pandémie actuelle, est fortement susceptible de nuire au processus de deuil de quiconque. Ce contexte n’est pas sans rappeler les traumatismes vécus par les personnes endeuillées lors des tragédies ou catastrophes qui ont eu cours au Québec au cours des dernières années, dont des tueries, des infanticides et des catastrophes naturelles ou technologiques.

Certains chercheurs de l’UQAC réfléchissent depuis plusieurs années sur les conséquences de tels événements sur la santé globale des individus – Danielle Maltais, Jacques Cherblanc, Eve Pouliot et Christiane-Bergeron Leclerc. Ils ont, entre autres, documenté les impacts des complications du deuil sur divers aspects de la vie des endeuillés lors d’une catastrophe ferroviaire. Des trajectoires de deuil assez complexes sont alors apparues et nous avons souhaité échanger avec d’autres chercheurs ayant réalisé des études sur le deuil et ses complications dans d’autres contextes sociaux ou culturels.

Lors d’un congrès de l’Acfas tenu il y a deux ans à Chicoutimi, nous avons ainsi invité des chercheurs internationaux à présenter le fruit de leurs travaux réalisés dans des contextes traumatiques ou anxiogènes : la mort d’un membre de sa famille lors d’un tremblement de terre, la perte de son chez-soi en tant que symbole de son identité personnelle et sociale, le décès d’un élève pour une enseignante, la perte d’un parent à la suite d’un accident de voiture, le décès d’un enfant en devenir (deuil périnatal) et les deuils répétés de parents souffrant d’infertilité.



Les constats et les réflexions réalisés lors de ce congrès ont démontré l’importance de porter de nouveaux regards sur un concept qui ne fait pas nécessairement l’unanimité au sein des milieux scientifiques et médicaux, soit celui des complications du deuil. Ces réflexions se sont peu à peu enrichies et ont finalement conduit à la publication, le 18 novembre 2020, d’un ouvrage sur la question : Maltais, Danielle et Cherblanc, Jacques (Dir.), Quand le deuil se complique : Variété des manifestations et modes de gestion des complications du deuil, Presses de l’Université du Québec, 2020, 256 pages.

Ainsi, dans le contexte actuel où des dizaines de milliers de personnes ont perdu soudainement un parent, un grand-parent, un frère, une soeur ou un ami, il est malheureusement à craindre que l’on se retrouve dans les prochains mois avec un grand nombre de personnes présentant un trouble du deuil prolongé. Il importe donc de réfléchir collectivement sur les interventions préventives et curatives à privilégier auprès des personnes qui ont perdu un être cher pendant la pandémie de COVID-19.

Ce sujet pourra être débattu lors du lancement virtuel de ce livre, le mercredi 25 novembre, à 12 h. Pour participer à ce lancement virtuel, rendez-vous dès 11 h 55 à l’adresse suivante : https://uqac.zoom.us/my/deuil. Vous pourrez alors échanger avec les auteurs de chaque chapitre de ce collectif et réfléchir avec eux aux complications du deuil.