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Et si la Chine réussissait?

CHRONIQUE / Pour espérer stabiliser le climat planétaire sous la barre d’une augmentation de deux degrés Celsius d’ici la fin du siècle, l’ensemble des activités humaines devront être carboneutres en 2050 et se maintenir carbonégatifs par la suite. Cela signifie, sinon la fin des carburants fossiles, un immense effort concerté nécessitant une transition vers les sources d’énergie renouvelables, un reboisement massif et le déploiement à grande échelle de technologies de captation du CO2 et de réduction à la source des autres gaz à effet de serre (GES). À côté de cela, la pandémie, c’est de la petite bière.


Malgré l’ampleur du défi, de nombreux pays, dont le Canada, se sont engagés, avec plus ou moins de sérieux il faut le dire, à atteindre la carboneutralité en 2050. De grandes multinationales et des secteurs industriels entiers ont fait de même. Quelques-uns ont été plus ambitieux, comme Microsoft qui s’est engagée à la carboneutralité dès 2030. Beaucoup de ces engagements vertueux peuvent être questionnables. Par exemple, une bonne partie des réductions d’émissions enregistrées en Europe a été le résultat de la délocalisation d’entreprises vers l’Asie. D’autre part, on sait que des engagements pris par un gouvernement démocratique peuvent être renversés par l’alternance du pouvoir à la faveur d’une élection. Mais, faute de mieux, il faut faire flèche de tout bois.

Le mois dernier, à l’occasion d’un discours aux Nations Unies, le président de la Chine, Xi Jinping, a surpris en annonçant que la République populaire, qui est le plus grand émetteur mondial de GES, serait carboneutre en 2060. La chose est significative et pourrait marquer un point tournant puisque la Chine émet plus de 28 % des émissions mondiales. Mais est-ce possible?



C’est la question que la revue Nature a posé à des experts et dont les résultats ont été rapportés dans son numéro du 19 octobre dernier.

Les modélisations confirment que ce sera possible, mais difficile. Deux grandes solutions techniques doivent être déployées : une sortie massive des carburants fossiles dans le secteur de la production d’électricité et des transports et la mise en place d’usines de captage et de séquestration de CO2 (CSC) pour les installations qui continuent d’émettre de ce gaz. En effet, il restera environ 16 % de la consommation du pays qui viendra des carburants fossiles en 2060. Il faudrait équiper en conséquence 850 Gigawatts (cela représente 23 fois la puissance électrique totale du Québec) de centrales électriques de dispositifs de captage et de stockage, alors que le pays ne dispose actuellement que d’une grande usine fonctionnelle.

Le secteur de l’électricité à faibles émissions est la clé du succès. Mais pour remplacer les centrales au charbon actuellement en fonction ou en construction sur les quatre prochaines décennies, il faudra multiplier par 16 la production d’électricité photovoltaïque (énergie solaire), par neuf les éoliennes, par six la puissance nucléaire et doubler la production d’hydroélectricité. Des travaux d’Hercule, sans compter qu’il y aura de la résistance du secteur des carburants fossiles. Comme les sources d’énergie éolienne et solaire sont intermittentes, le défi du stockage de l’énergie se pose inéluctablement. Toutefois, les experts croient que l’évolution technique des batteries va permettre d’en augmenter la capacité et d’en réduire les prix, ce qui rend la chose envisageable sur un horizon de 40 ans.

C’est donc possible, mais est-ce que ce sera fait? La gouvernance de ce pays est très différente de celle des démocraties industrialisées. Les directives du Parti communiste sont sans appel. Le gouvernement chinois doit présenter au printemps 2021 sa prochaine planification quinquennale. Si on y retrouve un ensemble d’actions cohérentes avec la promesse de Xi Jinping, il sera loisible d’y croire. On se croise les doigts! En effet, l’excuse classique des États-Unis pour ne rien faire tant que la Chine continue d’augmenter ses émissions ne tiendra plus. Si la Chine réussissait, on peut rêver que tous les autres s’y mettront aussi sérieusement.