Des boulettes végétales à base de gourganes

Trois saveurs de galettes seront offertes d’ici quelques semaines.

Pour réduire son empreinte carbone ou pour le bien-être animal, de plus en plus de consommateurs se tournent vers les protéines d’origine végétale, si bien que la demande mondiale atteindra 10,8 milliards de dollars en 2024. Des entrepreneurs du Lac-Saint-Jean espèrent profiter de ce marché émergent en lançant une boulette végétale faite à base de gourganes. Mais pas question d’essayer de berner le consommateur en transformant la boulette pour qu’elle ressemble à de la viande.


Depuis quelques années, les protéines végétales sont de plus en plus présentes dans nos vies, depuis l’apparition des boulettes végétariennes de Beyond Meat et d’Impossible Foods. En lançant un produit à l’apparence de la viande, le produit a même convaincu de grandes chaînes comme A&W de se lancer dans les protéines végétales.

Au lieu de miser sur le quinoa, les pois ou les lentilles, Pierre-Yves Côté et Dominique Tremblay ont plutôt décidé de miser sur la gourgane pour séduire les amateurs de plus en plus nombreux de boulettes végétales, en lançant l’entreprise Aliments Boréals, qui commercialisera d’ici quelques semaines les produits Vivanda, offrant trois saveurs de boulettes végétales. « Avec nous, la différence, c’est qu’on n’essaiera pas de vendre de la fausse viande, note Dominique Tremblay. On n’a pas besoin d’ultratransformer les produits parce qu’on veut vendre des boulettes végétales naturelles. »



Dominique Tremblay, Pierre-Yves Côté et huit autres investisseurs injecteront 3 millions de dollars dans le projet.

Avec nous, la différence, c’est qu’on n’essaiera pas de vendre de la fausse viande. On n’a pas besoin d’ultratransformer les produits parce qu’on veut vendre des boulettes végétales naturelles.

« Ça fait plusieurs années que j’ai en tête de lancer un produit avec des protéines végétales », ajoute-t-il. Il y a deux ans, il s’est mis au travail pour développer une boulette végétale contenant une majorité de produits de la région. Pour se démarquer sur le marché, les entrepreneurs ont décidé de miser sur la fève des marais, mieux connue sous le nom de la gourgane dans la région.

Dominique Tremblay, qui a développé plus d’une vingtaine de produits à base de camerises, au cours des dernières années, avec son entreprise Camerises Mistouk, s’est associé à Pierre-Yves Côté dans cette aventure, un homme natif de Desbiens qui a été à la tête de Rocky Mountain Café, aux Philippines, pendant 10 ans. C’est l’esprit entrepreneurial et le désir de développer la région qui a uni les deux hommes pour réaliser ce projet. Huit autres investisseurs participent aussi au projet estimé à 3 millions de dollars à terme.

« On voulait miser sur un produit qui peut contribuer de manière significative au développement de la région », soutient Pierre-Yves Côté, qui est revenu s’établir dans la région en 2018. Maintenant âgé de 56 ans, ce dernier soutient que l’argent n’est pas sa seule motivation. « Je veux laisser un héritage socio-économique dans la communauté, en créant des opportunités d’affaires. Je veux que ce soit cool d’investir au Lac-Saint-Jean. »



Un succès mitigé pour la gourgane… jusqu’à maintenant

Jusqu’à maintenant, la gourgane n’a jamais atteint un succès commercial en dehors du Saguenay-Lac-Saint-Jean, où la légumineuse est surtout appréciée dans les soupes. « Campbell a lancé une soupe aux gourganes par le passé, mais le produit a été retiré des tablettes après six mois », soutient Pierre-Yves Côté.

Avec les boulettes végétales, ce dernier croit que l’histoire sera différente, car tout le monde mange des burgers et de plus en plus de clients sont à la recherche de protéines végétales pour réduire leur empreinte environnementale.

« Les clients de la classe moyenne qui cherchent des solutions pour manger moins de viande représentent un marché de milliards de dollars », remarque l’entrepreneur.

Les boulettes végétarienne sont 100% naturelles et elle ne contiennent pas de gluten ni d’additif chimique.

Selon une analyse de marché réalisée par Agriculture Canada sur les protéines d’origine végétale en mars 2019, « le marché des protéines de remplacement, notamment celui des protéines d’origine végétale, devrait jouir d’une croissance annuelle de 14 % d’ici 2024 et représenter à cette date un tiers du marché global des protéines ».

Trois saveurs

Aliments Boréals compte donc surfer sur cette tendance en lançant sa première gamme de produits, avec les boulettes végétales Vivenda. Dans un premier temps, trois saveurs seront disponibles, soit les galettes végétariennes aux légumes du jardin, aux champignons forestiers et épicés. L’ingrédient principal des galettes sera la gourgane, présente à près de 40 %, ainsi que la pomme de terre, de l’avoine, des graines de lin et du chanvre régional. Les légumes de la région seront mis en valeur, tout comme les épices boréales, par exemple, le poivre des dunes et le nard des pinèdes, et les champignons forestiers comme le champignon crabe.

On ne retrouvera aucun additif chimique dans les galettes et la fiche nutritionnelle sera la meilleure de l’industrie, soutient Pierre-Yves Côté. « Nos galettes sont riches en fibres et vitamines, mais encore plus importantes, elles sont riches en oméga-3, en vitamine B12, en fer et en potassium », dit-il, ajoutant que ce sont des nutriments parfois en carence chez les végétaliens.



Le look de la galette dans un burger.

Le produit sera disponible sur les tablettes au cours des prochaines semaines, mais même avant d’être disponible, les galettes Vivenda se sont déjà démarquées au concours SIAL Canada, terminant parmi les 10 finalistes. Le prix du produit n’est pas encore connu, mais il sera moins cher que les boulettes Beyond Meat, assurent les entrepreneurs en ajoutant que les clients auront deux fois plus de qualité pour moins chère.

Vers une usine en 2021

Dans un premier temps, les galettes seront produites sous licence par un sous-traitant. D’ici un an, Aliments Boréals compte construire sa propre usine, car l’entreprise voit grand. « On pense produire 500 000 boulettes en 2021, avant de faire passer la production à 2 millions en 2022 et 4 millions en 2023 », soutient Pierre-Yves Côté. En 2021 seulement, la production nécessitera un volume de 50 000 livres de gourgane, et à terme, en 2023, de plus de 536 000 livres de cette légumineuse.

L’usine de congélation de Normandin jouera un rôle clé pour permettre la croissance de l’entreprise. « Ça va nous permettre de mettre en place une grappe industrielle autour de la gourgane, en ayant accès à de la gourgane congelée à l’année », remarque M. Côté.

Un champ de gourganes.

Éloi Truchon, qui produit de la gourgane depuis 45 ans, voit d’un bon œil l’arrivée de transformateurs dans la région, tout en soutenant que des investissements majeurs seront nécessaires pour augmenter considérablement la production et la récolte de volumes importants, au cours des prochaines années.

Le projet de galette végétarienne n’est qu’un début pour Aliments Boréals, car les entrepreneurs ont déjà une quinzaine d’autres produits à base de gourgane en tête, pour exploiter le marché des protéines végétales.