C’est que celle qui est aujourd’hui assistante infirmière-chef à l’urgence de l’hôpital de Chicoutimi connaît trop bien les sacrifices demandés par la profession. Pendant des années, elle a jonglé avec des horaires de travail atypiques, en s’occupant de ses trois enfants et en complétant son baccalauréat en sciences infirmières.
Alors que Chantale Tremblay voyait des obstacles pour sa fille, Andréanne avait plutôt le regard rivé sur le modèle que sa mère lui offrait depuis sa tendre enfance. « J’ai une maman qui carbure à l’adrénaline et qui est passionnée par son métier », partage Andréanne Claveau.
Elle cherchait elle-même un métier qui lui procurerait de l’adrénaline et la placerait dans le feu de l’action. Après avoir mis de côté l’idée d’étudier en médecine, Andréanne a décidé de suivre les traces de sa mère.
Elle avait assisté, lorsqu’elle avait 13 ans, à la graduation de sa mère comme infirmière clinicienne. Une dizaine d’années plus tard, c’était au tour de Chantale Tremblay de voir sa fille lancer son mortier. « C’était un beau moment, vraiment. J’étais fière d’elle », se rappelle Chantale Tremblay avec émotion.
Toutes deux à l’urgence
Le duo mère-fille de La Baie a même été réuni au sein du même département, durant les premières années d’Andréanne dans la profession, à l’urgence de l’hôpital de Chicoutimi. Une situation qui a tout d’abord rendu Chantale Tremblay quelque peu mal à l’aise. Elle craignait les impressions de favoritisme, alors que sa fille se retrouvait sous son autorité, comme employée sur le plancher.
« Moi, je lui disais non. Je ne voulais pas qu’elle vienne à l’urgence. Puis, elle m’a dit : “Toi, Maman, c’est ta passion, et moi, je ne pourrai pas la vivre, tant que toi, tu vas être là. Je ne pourrai pas y aller.” », se rappelle-t-elle. C’est l’argument qui l’a fait flancher.
Les craintes sont finalement tombées, et tout « s’est super bien passé », rapporte Andréanne Claveau.
Pour la jeune femme, cela a été une nouvelle occasion d’apprendre de sa mère, son « modèle numéro 1 », en raison de son expérience dans différents départements. « C’est la référence numéro 1, et pas juste pour moi. Je pense que je parle au nom de bien des collègues de travail de l’urgence. »
À l’urgence, Andréanne s’est découvert une passion : la cardiologie. Elle est aujourd’hui infirmière en chirurgie cardiovasculaire et thoracique à l’hôpital de Chicoutimi. Mais surtout, actuellement, à 27 ans, elle est maman à temps plein d’une petite fille de 8 mois.
Pour Chantale Tremblay, cette expérience a été l’occasion de constater que sa fille avait choisi la bonne profession. « Je la regardais et j’étais remplie de fierté. Je la trouvais fine avec les patients », laisse tomber celle pour qui le travail d’infirmière est aussi une question de contacts humains.
Une vocation
C’est d’ailleurs cette passion, cette vocation, que les deux femmes évoquent lorsqu’il est question des années passées à exercer cette profession. Pas un mot sur le temps supplémentaire obligatoire, le manque de personnel et la surcharge de travail.
« Je pense que c’est la combinaison parfaite d’un métier : il y a le côté humain, le côté intellectuel et le côté adrénaline », exprime Andréanne Claveau.
« Être une bonne infirmière, renchérit Chantale Tremblay, ce n’est pas nécessairement de réussir toutes les techniques parfaitement. C’est de mettre une couverture chaude, de prendre la main de quelqu’un et de le rassurer. »
Un contact humain que la COVID-19 « est en train de nous retirer », et qu’elle espère retrouver au lendemain de la crise.
Être une bonne infirmière, renchérit Chantale Tremblay, ce n’est pas nécessairement de réussir toutes les techniques parfaitement. C’est de mettre une couverture chaude, de prendre la main de quelqu’un et de le rassurer.
+
LA COVID-19, LE PLUS GRAND DÉFI DE SA CARRIÈRE
Sans détour, Chantale Tremblay, assistante infirmière-chef à l’urgence de l’hôpital de Chicoutimi, affirme que la COVID-19 représente le plus grand défi qu’elle a rencontré dans sa carrière.
Au mois de mars, lorsque la crise a éclaté, l’infirmière de 54 ans s’est retrouvée malgré elle à la barre des changements à opérer sur le plancher à l’urgence de Chicoutimi, pendant trois semaines. Elle remplaçait alors sa supérieure infirmière-chef qui était en vacances et qui a dû s’isoler à son retour.
« Ç’a changé complètement notre façon de fonctionner », résume-t-elle.
Elle évoque la mise en place des consignes ministérielles changeantes, l’organisation du travail, la sécurité de ses collègues, le port du matériel de protection, la nouvelle division des lieux et les journées de travail de 12 heures.
« Il a tout fallu mettre ça en branle. C’est un gros travail et c’est en constante évolution », souligne celle qui a oeuvré dans différents départements, au cours de sa carrière aux soins intensifs et en cardiologie, en plus d’offrir de la formation, notamment.
« C’est un travail de tous les jours. On recommence et on essaie de trouver des façons de travailler qui sont plus appropriées, ajoute-t-elle. On est au front. On ne sait pas ce qui va arriver. Les symptômes sont toujours différents. C’est ça qui est inquiétant. »
Pour sa part, sa fille Andréanne Claveau, infirmière, également à l’hôpital de Chicoutimi, vit la crise de loin. En congé de maternité auprès de sa fille âgée aujourd’hui de 8 mois, elle avoue avoir quelques appréhensions quant à son retour au travail, prévu en août, en chirurgie cardiovasculaire et thoracique.
A-t-elle néanmoins eu envie d’écourter son congé de maternité dans le contexte actuel, elle qui carbure à l’adrénaline ? Mère et fille échangent alors un regard et étouffent un éclat de rire.
« Il a fallu que ma mère me parle, justement », laisse-t-elle tomber, un sourire en coin, lors de l’entrevue en visioconférence avec Le Progrès.
L’appel du devoir l’a amenée à considérer un retour hâtif, mais devant l’inconnu des impacts de la maladie sur les enfants en début de crise, sa mère l’avait alors incitée à demeurer à la maison et à profiter des moments de qualité avec sa fille.
Encore aujourd’hui, Andréanne Claveau n’exclut pas la possibilité de devancer son retour en poste si la situation le rend nécessaire dans la région.