Mois de l'autisme: quand la COVID-19 bouleverse son monde

Depuis le début de la crise, Valérie Jessica Laporte dresse des listes afin de parvenir à prendre des décisions. 

Les visages de l’autisme sont nombreux. Les TSA (troubles du spectre de l’autisme) se déclinent en une multitude de réalités. Une constante demeure toutefois ; le besoin de stabilité et par le fait même, d’une routine bien définie. En cette période où la COVID-19 et le confinement déstabilisent la planète entière, moment qui coïncide également avec le Mois de l’autisme, Le Progrès donne la parole à des personnes pour qui les habitudes quotidiennes ont une valeur bien différente.


Valérie Jessica Laporte, 42 ans

Ce n’est pas le virus lui-même qui inquiète Valérie Jessica Laporte, mais plutôt son effet sur les gens. Celle qui a reçu un diagnostic d’autisme léger à modéré il y a quelques années a vu tous ses repères disparaître avec l’arrivée de la COVID-19. 

« C’est comme s’il n’y avait plus rien de naturel. Je suis toujours en analyse de comment agir avec les gens. Tout ça est appris. Là, les gens ne sont plus les mêmes. Leur non verbal est différent. Ils sont stressés, angoissés et ça m’affecte beaucoup. Je ne sais plus comment agir. »

La routine de Valérie Jessica Laporte, qui a un travail et des enfants, est elle aussi grandement perturbée. « J’ai besoin d’une routine vraiment claire. Là, je ne fais pas ce que je devrais faire au bon moment. Les instructions ne sont pas claires. Ce qui est véhiculé est parfois différent d’un média à l’autre. Ça devient compliqué. »

Pour prendre ses décisions, elle dresse des listes. « Je penche du côté où le nombre de données est le plus élevé. »

Elle convient toutefois que le confinement peut correspondre à ce qu’une personne autiste peut apprécier. « On n’aime pas se faire toucher, on est souvent maniaque de la propreté et pour plusieurs, c’est beaucoup plus confortable à la maison ! »

Depuis le début de la crise, Valérie Jessica Laporte dresse des listes afin de parvenir à prendre des décisions. 

Noémie Tremblay, 22 ans

La COVID-19 a tout un impact sur la vie de Noémie. La jeune femme est active. Elle joue aux quilles, au soccer, elle fait de la danse, des arts plastiques, elle va à l’école et caresse le projet de s’installer dans son propre appartement supervisé bientôt. 

Avec l’apparition du coronavirus, celle qui a une déficience intellectuelle légère et un TSA non spécifié a vu son quotidien transformé et ses projets s’envoler. Une situation qui lui cause énormément d’anxiété. 

Au bout du fil, l’émotion l’envahit lorsque la journaliste aborde les effets de la COVID-19 sur sa vie. « J’ai beaucoup de peine. Je ne vois plus mes amis. C’est difficile. Je pleure beaucoup », confie-t-elle. 

Dany Otis, sa mère, confirme que la jeune femme gère mal tous ces bouleversements. « Elle se désorganise. Elle se referme sur elle-même. Elle a perdu toutes ses activités sociales. Les grosses déceptions s’accumulent. On essaie de lui expliquer la situation, mais pour elle, ce n’est pas concret. Elle fait énormément d’anxiété. »

Noémie Tremblay vit difficilement le confinement. La situation lui cause énormément d’anxiété. 

Lily et Megane Ruelland, 9 et 10 ans

Comme les deux fillettes éprouvent des difficultés à s’exprimer, c’est leur mère Catherine Mordret qui témoigne de leurs réactions face à la situation. 

Megane est autiste de niveau 2, elle a un TDAH et un trouble du langage. Sa cadette Lily a un trouble de la communication sociale, un TDAH important et un trouble sévère de l’opposition. En temps normal, elles fréquentent toutes deux une classe régulière, avec l’encadrement de spécialistes. 

« Je suis chanceuse puisque mes filles sont heureuses à la maison. L’extérieur ne leur dit pas grand-chose. Elles savent que quelque chose se passe, mais elles ne sont pas stressées avec ça. Ce qui complique les choses, c’est cette coupure avec les gens. »

La mère monoparentale se porte elle aussi plutôt bien, même si elle n’a plus accès aux services du CRDI, de la Société de l’autisme, à la zoothérapie pour ses filles et aux heures de classe qui lui procurent un peu de répit. 

« La fatigue est présente, mais je suis une personne foncièrement positive. Je sais qu’à un certain moment, j’aurai besoin de répit. C’est très exigeant, mais c’est aussi très riche. J’apprends à apprécier ces petits moments que je passe avec mes filles. »

Megane (à l’avant) et Lily aiment particulièrement jouer aux jeux vidéo. 

Myriam Gosselin, 22 ans

Depuis quelques semaines, le quotidien de Myriam Gosselin est complètement chamboulé. Celle qui fait du bénévolat dans une résidence privée pour personnes âgées ne peut plus s’y rendre. Elle ne fait plus de sorties. Sa vie est différente, mais celle qui compose avec un trouble envahissant du développement non spécifié s’en accommode plutôt bien. 

« J’en profite pour cuisiner, faire de l’informatique, de la lecture, regarder la télévision et faire des tâches dans la maison », énumère-t-elle. 

Myriam a rapidement dû quitter la résidence pour aînés où elle oeuvrait parce qu’il était difficile pour elle de se conformer aux nouvelles consignes de sécurité et d’hygiène. À la maison aussi, un travail a dû être fait afin de l’amener à changer ses habitudes et calmer l’inquiétude. 

« Ç’a pris quelques jours pour lui faire comprendre que ce qui se passe est grave, mais que si on écoute les consignes, ça va bien aller. C’est une phrase qu’on répète souvent à la maison », confirme sa mère, Sonia Lagacé

Myriam Gosselin profite du confinement pour apprendre à effectuer certaines tâches domestiques. 

Jacob Karivelil, 10 ans

Jacob a un TSA de niveau 1, ce qui signifie qu’il a un haut niveau de fonctionnement. Avec un encadrement et une routine bien établie, le confinement se passe plutôt bien pour lui, mais la COVID-19 a détruit ses repères et le temps commence à lui peser. 

« La coupure s’est faite rapidement. Au début il posait beaucoup de questions. Il s’ennuyait de son enseignante », explique sa mère Marie-Ève Lachance. 

Les nouvelles règles étaient aussi difficiles à instaurer. Une capsule destinée aux autistes publiée sur la page Facebook du Centre d’expertise en autisme Saccade a permis de lui faire assimiler ce qui lui semblait trop abstrait. 

« C’est là qu’il a tout compris. Ça nous a aidés à faire le déclic. »

Le temps qui passe rend les choses plus difficiles puisque le garçon s’ennuie, mais un nouvel élément fait maintenant partie de sa routine. Chaque jour, il écoute la conférence de François Legault. « Le monsieur qui donne des chiffres », comme il l’appelle, est fidèle au poste, réglé comme une horloge, et ça, c’est rassurant pour lui.

Jacob Karivelil passe beaucoup de temps sur sa trottinette depuis le début du confinement. La conférence quotidienne de François Legault fait aussi maintenant partie de sa routine. 

LES IMPACTS 

Selon Autisme Saguenay-Lac-Saint-Jean, pour certains, les consignes d’hygiène et de distanciation physique sont difficiles à comprendre.

La fin abrupte de la routine a pu provoquer de l’anxiété et de l’incompréhension pour plusieurs, entraînant une désorganisation. Pour d’autres, le confinement ne cause pas de problèmes, mais la perte des acquis au niveau social et cognitif sera plus grande. 

La fin du confinement pourrait également causer son lot d’incompréhensions, de stress et d’anxiété. 

« Lorsque le monde passera à autre chose, plusieurs personnes autistes auront des difficultés à comprendre. La maladie existera toujours, les mesures de distanciation sociale seront toujours encouragées bien que non obligatoires, et elles continueront à ne pas savoir pourquoi avant on s’isolait et maintenant on prend des risques. La fameuse courbe aura été aplatie, mais l’anxiété, elle continuera d’augmenter », affirme Guylaine Cauchon, directrice générale d’Autisme Saguenay-Lac-Saint-Jean.

Besoin d’aide ?

Certains parents peuvent se sentir démunis et tiraillés entre le besoin d’aide et le risque de faire entrer son enfant en contact avec des personnes pouvant être des vecteurs de contamination. De l’aide psychosociale et du dépannage d’urgence s’organisent présentement avec le CIUSS. Les familles doivent appeler leur CLSC pour obtenir l’information et l’accès à ce service.

Selon Autisme Saguenay-Lac-Saint-Jean, pour certains, les consignes d’hygiène et de distanciation physique sont difficiles à comprendre.

La fin abrupte de la routine a pu provoquer de l’anxiété et de l’incompréhension pour plusieurs, entraînant une désorganisation. Pour d’autres, le confinement ne cause pas de problèmes, mais la perte des acquis au niveau social et cognitif sera plus grande. 

La fin du confinement pourrait également causer son lot d’incompréhensions, de stress et d’anxiété. 

«Lorsque le monde passera à autre chose, plusieurs personnes autistes auront des difficultés à comprendre. La maladie existera toujours, les mesures de distanciation sociale seront toujours encouragées bien que non obligatoires, et elles continueront à ne pas savoir pourquoi avant on s’isolait et maintenant on prend des risques. La fameuse courbe aura été aplatie, mais l’anxiété, elle continuera d’augmenter», affirme Guylaine Cauchon, directrice générale d’Autisme Saguenay-Lac-Saint-Jean.  

Besoin d’aide? 

Certains parents peuvent se sentir démunis et tiraillés entre le besoin d’aide et le risque de faire entrer son enfant en contact avec des personnes pouvant être des vecteurs de contamination. De l’aide psychosociale et du dépannage d’urgence s’organisent présentement avec le CIUSS. Les familles doivent appeler leur CLSC pour obtenir l’information et l’accès à ce service.

L'AUTISME EN QUELQUES CHIFFRES

1,4%: Estimation de la prévalence de l’autisme chez la population québécoise

1,6%: Prévalence globale du TSA (trouble du spectre de l’autisme) chez la population de 5 à 17 ans au Québec en 2015 (1 sur 64)

1%: Pourcentage approximatif de la population du Saguenay-Lac-Saint-Jean avec un TSA

295 : nombre de familles membres d’Autisme Saguenay-Lac-Saint-Jean

Source: Autisme Saguenay-Lac-Saint-Jean