C’est quoi ton lieu préféré?
Aaaaah. Des lieux que j’aime, sérieusement, il y en a tellement, genre 15 à la douzaine, c’est juste malade.
C’est la faute à ma mère. Parce que c’est toujours la faute de nos parents, c’est bien connu, mais surtout parce que quand j’étais floune, elle nous embarquait dans sa vielle Datsun et nous trimballait dans tous les petits rangs de la région. On se retrouvait souvent dans le fond de culs-de-sac, on ramassait des mûres, on volait des pommes, des fois on se perdait, mais j’imagine qu’on s’est toujours retrouvé.
C’était magique.
Depuis, nécessairement, je continue à chercher de la magie, pis la plupart du temps, au gré des rangs.
Le Haut-Saint-François, c’est un lieu pour se perdre. Un lieu de perdition peut-être même un peu, ce qui n’est pas à dédaigner.
Loin des flaflas, on se perd dans les rangs du Haut, sans hâte, et souvent sans but, à l’écart des routes principales dans la mesure du possible, dans la douceur, la simplicité des paysages et des villages, dans la chaleur et l’énergie des gens.
Les gens.
En cette époque de tiraillements et de divisions multiples, alors que nos rapports à l’autre et à la bienveillance s’effritent un peu dans le grichage des réseaux, j’ai besoin, – et je ne suis sûrement pas la seule – viscéralement besoin que ce que l’humain a de plus beau reprenne sa place dans le paysage.
Dans tous les paysages.
J’ai besoin de gens lumineux, généreux, accueillants et créatifs qui incarnent les lieux, les aiment, les partagent.
Les lieux, ces temps-ci, ce sont avant tout les gens. (Parfois aussi l’absence de ceux-ci, mais ça, ma foi, on y reviendra.)
Là, je suis attablée chez le Cuisinier déchaîné, à la microbrasserie 11 comtés, deux bâtiments de bois séparés, mais unis par une terrasse en gros bois, en conversations bruyantes, en rires qui s’étirent, en accueil et en service sympathiques.
C’est un lieu rural, beau, agréable, terriblement bon. C’est avant tout le rêve de jeunes gens audacieux de rester dans leur coin de pays, mais de le partager aussi, de le mettre en valeur.
C’est le lieu d’Émilie, Julie, Mathieu, Sébastien, Martin, Yannick, le lieu de leurs familles et de leurs amis, des amis des amis, votre lieu quand vous le voulez aussi.
Ici, il n’y a pas de point de vue sur le fleuve, les montagnes ou une vallée d’oliviers, mais il y a des tables qui se modulent pour veiller tard et un carré de sable, ça dit tout.
Ça dit que tu peux y débarquer en famille, avec les enfants, les amis, les collègues, l’amoureux.se, pis qu’on va te recevoir avec le sourire pis l’envie que tu passes un beau, bon et long moment.
Ça dit que c’est une place où tu peux boire une rousse de campagne sur le bord du feu pendant que les enfants jouent dans le carré de sable, relaxes, sans qu’on vous pousse vers la porte. Ça dit que que tu peux te mettre «cute» pour venir fêter quelque chose, mais que tu peux débarquer avec ta «chienne carreautée» après ta journée d’ouvrage ou quand la soirée s’annonce un peu fraîche.
Ça parle de rassemblement.
On rassemble depuis l’ouverture, il y a un an, lorsque la gang de la micro a distribué des plants de houblon aux gens du Haut, parce qu’un jour on brassera une bière complètement locale, en mettant le grain, la flore, les petits fruits et le territoire en valeur.
Dans sa cabane juste à côté, d’où il a vue sur les cuves de brassage, le Cuisinier déchaîné et son équipe font aussi appel au territoire.
Tout aussi déchaîné dans ses bottes de maraîcher que devant ses fourneaux de cuisinier, Yannick Côté s’amuse avec ses légumes de saison, mais aussi avec les produits du monde autour, charcuteries de Scotstown, cerf rouge du Sabot d’Or, poulet de la ferme Ducharme, bœuf de la ferme d’Orée, fromage de chèvre de chez Caitya, truite des Bobines, tout est bon, frais, sans pétage de broue.
On sert plutôt la broue au verre, à la pinte ou sur un plateau de dégustation où se côtoient lager, stout, ale sure de blé, rouge des comtés, blanche multigrains, rousse et pale ale de campagne, des bières à déguster sur place ou à ramener à la maison en cannettes ou en cruchon.
Ça permet de rapporter un bout du Haut chez soi quand on n’y habite pas.
Parce que, bien évidemment, cette énergie des 11 comtés a dévalé les rangs jusque dans les MRC autour et bien au-delà des Cantons-de-l’Est, ramenant chaque fin de semaine son lot de curieux, de bons vivants et de goûteux de la vie. Parfois, personne ne se connaît, mais on dirait que tout le monde se connaît.
Ce n’est pas spectaculaire, mais c’est heureux, très heureux.
Et assez magique.
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Et tant qu'à...
Si vous poussez votre voiture, votre moto, votre vélo ou votre cheval jusqu’à Cookshire-Eaton pour la poutine sauce à la bière ou le duo poke bowl et blanche de campagne, je vous invite à poursuivre votre excursion un moment encore.
Partez vers Sawyerville, Saint-Isidore-de-Clifton, Bury, Dudswell, Newport, Scotstown ou La Patrie par les petits chemins de terre. Évitez l’asphale, même si ça demande un peu de créativité, un gps ou du flair. (Si vous voulez, je peux même vous prêter ma mère…)
Essayez de zigzaguer ainsi au moins jusqu’au Canton de Lingwick, union heureuse de Sainte-Marguerite et de Gould, village de joyeux lurons qui sont recevants sans bon sens.
On y va pour le Marché de la p’tite école avec bière, bouffe et ateliers divers le vendredi soir, pour l’ambiance, le menu écossais et la gentillesse de Daniel à La Ruée vers Gould, pour le pont couvert magnifique en tout temps, et tout particulièrement pour la Nuit du pont couvert qui te brasse la vie, en août, cette année les 24-25.
C’est là que ça se passe si t’as envie de planter ta tente, te baigner dans la rivière, te gaver de musique, de bière et de poésie, voir des shows dans le pont couvert, regarder les étoiles étendu dans l’herbe et rencontrer du monde heureux.
Parce qu’un lieu, je le répète, c’est souvent les gens.