Chronique|

Dave Morissette: l’art de se forger un inoubliable souvenir

Les partisans des Cataractes parlent encore de cette bagarre entre Raymond Saumier et Dave Morissette, qui a semble-t-il été l’étincelle dans ce triomphe surprise du printemps 1989.

CHRONIQUE / Le Nouvelliste vous propose de revisiter de façon ponctuelle de grands moments de l’histoire sportive de la région, à travers les mots des acteurs principaux. Pour le sixième volet de cette série, après avoir partagé les histoires des Martin Mondou, Martin Gélinas, Marie-Ève Nault et Simon Larose et Patrick Lalime, on profite des surprenantes séries actuelles des Cataractes pour offrir la parole à Dave Morissette, au cœur de l’une des plus grandes surprises dans l’histoire de la LHJMQ. Cette surprise réussie en 1989 avait fait couler beaucoup d’encre en Mauricie, puisqu’elle avait été réussie aux dépens... des Draveurs. Bonne lecture!


C’est fou ce que peut accomplir une bande de jeunes joueurs quand elle croit en elle.

Mon plus beau souvenir dans le hockey junior s’est produit au printemps 1989. Avec les Cataractes, on s’était qualifiés pour les séries au dernier match de l’année. On avait dû pousser fort dans les semaines qui avaient précédé ce fameux dernier match, ça avait unifié les gars pas à peu près.

Et là, tout le monde était motivé par cette confrontation au premier tour avec nos ennemis jurés, les Draveurs de Trois-Rivières. La meilleure équipe de la ligue. Une attaque dévastatrice. Toute l’année, dans les médias, il n’y en avait que pour les Draveurs. Voilà qu’on avait le privilège de se mesurer à cette grosse machine dirigée par Dany Dubé.

Jos Hardy était excellent pour motiver ses joueurs, pour donner un rôle à chacun. Nos vétérans étaient en mission, ils avaient les larmes aux yeux presque à chaque match tellement ils ne voulaient pas que leur stage junior se termine. Nous étions donc pompés au maximum quand la série s’est amorcée à Trois-Rivières.

L’étincelle

La première étincelle est venue du combat que j’ai livré à Raymond Saumier. C’était un dur de dur et le leader des Draveurs. Moi, j’étais juste une recrue de 16 ans qui avait peur de personne! On s’était battus ensemble en début de saison, Raymond avait eu facilement le dessus. Je n’avais pas placé un seul coup! Au cours de la saison, il n’avait pas voulu par contre me redonner une chance. Puis en fin de saison, il s’était proclamé le King de la ligue dans Le Nouvelliste. J’avais sauté sur l’occasion pour moi aussi faire une déclaration au Nouvelliste afin de le narguer.

Puis, avant le premier match, j’ai demandé à Jos de me placer sur la glace en même temps que lui. Il a accepté cette fois mon invitation. J’ai probablement été un peu chanceux: Raymond s’est séparé l’épaule pendant le combat, j’ai donc gagné le duel haut la main. Tout le monde a grandi de deux pouces dans notre équipe!

Dave Morissette a disputé trois saisons à Shawinigan après avoir été un premier choix, amassant 26 buts, 46 passes, et passé 791 minutes au cachot. Il a par la suite connu une longue carrière chez les pros, endossant notamment l’uniforme du Canadien de Montréal. Aujourd’hui, il est l’animateur vedette de la chaîne TVA Sports

Il est toutefois injuste de dire que ce fut le point tournant. À mes yeux, c’est bien plus que ça. Ça commence par les performances de Dominic Roussel entre les poteaux. À la date limite des transactions, les Draveurs nous l’avaient échangé contre Enrico Ciccone. Roussel s’est transformé en mur durant cette série. C’est là que j’ai compris à quel point un gardien pouvait avoir un impact dans une équipe.

Notre capitaine Stéphane Carrier avait fait lui aussi tout un boulot. On n’avait qu’à le suivre, il était tellement dédié. Les Draveurs avaient fini le premier match avec trois blessés, dont Raymond et Enrico. De notre bord, cette victoire avait fait du bien au moral des troupes. Mais c’est vraiment au deuxième match, que nous avons aussi gagné, qu’on s’est aperçu que nous pouvions réellement remporter cette série. On n’avait plus de complexes face aux Draveurs. Ils n’étaient plus si puissants à nos yeux. Quand tu comprends que les gars en face de toi ont le même âge, sont équipés de la même façon et qu’ils vont eux aussi faire des erreurs, rien n’est impossible.

Une ville derrière son équipe

Je me souviens aussi très bien de l’ambiance qui régnait en ville durant ces deux semaines-là. Les partisans étaient tellement contents, on s’en faisait parler partout. Dans le junior, cet appui peut faire une différence. Tu as une motivation de plus pour te défoncer. J’étais blessé au poignet durant cette série mais il n’y avait personne pour m’empêcher de jouer. Les 25 joueurs poussaient dans la même direction, avaient hâte d’aller à l’aréna. Ce ne sont pas dans tous les groupes de joueurs que tu ressens un engagement aussi puissant. Cette année-là, chez les Cataractes, c’était spécial.

On a finalement balayé les Draveurs. Les battre était déjà une grosse surprise. Imagine, un balayage! Ç’a peut-être joué contre nous par la suite dans notre série contre Laval, on avait laissé pas mal d’émotions dans cette série.

Mais bon, ça n’enlève rien à l’exploit que nous avons réussi à signer en groupe. Encore aujourd’hui, 30 ans plus tard, on s’en parle entre anciens. Et quand je veux taquiner Dany (Dubé), je ramène ce printemps-là sur le tapis! C’est à cet âge que tu vas te définir comme personne pour le futur. On jouait pour l’honneur, on allait tous à la guerre ensemble et cette unité nous a permis de se forger un souvenir inoubliable. Je n’ai pas gagné de Coupe du Président ou de Coupe Memorial dans le junior, mais j’ai appris que rien n’est impossible quand 25 gars décident de mettre leurs tripes sur la table.

Go Cats Go!

C’est probablement grâce à cette série que je suis autant attaché à la Mauricie. Je passe tous mes Noëls à Shawinigan, j’ai marié une fille de Cap-de-la-Madeleine. Ma journée de congé la semaine passée, je l’ai passé chez le doc Tousignant.

Je suis évidemment de loin le printemps actuel des Cataractes. Ce qu’ils ont fait jusqu’à maintenant est très impressionnant. La seule chose que je peux dire, c’est que s’ils complètent la surprise face aux Huskies, tous ceux qui vont avoir participé à cet exploit vont s’en souvenir toute leur vie!

Propos recueillis par Steve Turcotte