Le calvaire des chiennes reproductrices

CHRONIQUE / En octobre 2018, Sam (nom fictif) se rendait dans un réputé élevage du Québec pour adopter une chienne reproductrice de 6 ans retirée de l’élevage.


« Normalement, je donne mes reproductrices quand elles deviennent stériles, mais pour elle, je demande un montant, car j’ai dû débourser pour la faire stériliser après une complication lors de la mise bas », confie l’éleveur, qui demandait 300 $ pour la bête.

La chienne, qui pesait 25 livres, était en surpoids et avait passé sa vie en cage. « Elle était sale, elle puait, elle n’avait jamais joué et appris les notions de propreté », raconte Sam. Lors des premiers jours dans sa nouvelle maison, Cannelle (nom fictif) mangeait ses excréments et tournait continuellement en rond. « Quand je lui ai montré un jouet, elle en a eu peur », se remémore son sauveur.



Sam, qui avait de l’expérience avec les chiens, a rapidement appris à Cannelle à jouer, à courir et à faire ses besoins dehors. L’homme doit constamment rassurer sa chienne, qu’il adore, car elle est très réactive aux bruits environnants, « Quand je suis allé la chercher, j’entendais la musique à tue-tête dans le chenil extérieur, sans doute pour éviter que les chiens entendent des bruits et jappent », réfléchit Sam.

Cannelle est brillante et apprend très vite. « Même si elle a 6 ans, elle joue comme un chiot. Mais elle est très maladroite. Elle tombe et se cogne partout », souligne Sam. Quotidiennement, Cannelle a droit à des promenades extérieures, parfois même en liberté dans la forêt.

Dans cet élevage dit familial, les reproducteurs sont gardés dans une bâtisse extérieure de la maison. Les femelles entrent dans la maison seulement pour mettre bas et y reste jusqu’à ce que les petits soient sevrés. Sur le site Internet, on dit que les bébés, vendus en moyenne 1000 $, viennent au monde et grandissent dans la maison. Les chiots sont vaccinés, vermifugés, examinés par un vétérinaire et garantis deux ans contre toute malformation congénitale ou héréditaire. Les éleveurs disent même offrir un support en tout temps aux adoptants et réserver de belles retraites à leurs reproductrices en choisissant des familles sérieuses.

« Tout semble beau, et ils ont tous les certificats pour qu’on puisse croire que l’élevage est en règle, mais dans la réalité, c’est une grosse business pour faire de l’argent. Ils ont une vingtaine de reproductrices », poursuit celui qui est fier d’avoir sauvé Cannelle de son calvaire.



La nouvelle famille de Cannelle a décidé de ne plus utiliser de cage. Cinq mois plus tard, la chienne est en liberté dans la maison et semble reconnaissante de sa nouvelle vie. Elle s’est bien adaptée. Elle a perdu un peu de poids, découvre la vie et commence même à avoir des muscles. « Si les gens adoptent une chienne reproductrice à la retraite en pensant avoir un animal éduqué, ce n’est pas toujours le cas », conclut Sam.

Malade

Cette autre histoire remonte à 2015. Marie (nom fictif) était en formation en comportement canin dans une école du Québec. Les formateurs faisaient affaire avec ce qu’ils appelaient « un des meilleurs éleveurs de chiens du Québec ».

Pendant leur formation, les élèves avaient la chance d’évaluer et d’entraîner des chiens adultes et des chiots provenant de cet éleveur. Marie était tombée sous le charme d’une petite chienne reproductrice qui devait prendre sa retraite. On va se le dire, côté tempérament, elle était plus que parfaite, en plus d’être bien éduquée. Par contre, sa santé était très négligée. Elle faisait des otites chroniques et avait des problèmes de peau. Son ventre était couvert de bosses dures au niveau des mamelles.

La dame s’inquiétait à savoir si toutes ces problématiques de santé ne risquaient pas d’avoir été transmises à ses petits. Selon l’éleveur, une bonne alimentation et des shampoings réguliers auraient contrôlé tout ça. Un autre qui se prend pour un vétérinaire !

Quiconque la voulait pouvait même partir avec. Sinon, c’était l’euthanasie qui l’attendait. En plus de jouer sur les sentiments des adoptants potentiels, l’éleveur se foutait bien du destin de sa chienne. C’est incroyable de voir qu’un éleveur ait si peu de reconnaissance envers une bête ayant généré plusieurs milliers de dollars dans son entreprise. Mais c’était un sujet légèrement tabou puisque l’école voulait garder ce privilège de recevoir à l’occasion de mignons petits chiots à évaluer.

Marie aurait aimé accueillir cette chienne chez elle et prendre en main sa santé. Sauf qu’elle avait déjà trois chiens, dont un qui avait des problèmes de santé reliés au vieillissement, et elle n’avait pas les moyens de prendre un quatrième chien nécessitant autant de soins vétérinaires.