La pénurie de main-d'oeuvre menace le taux de diplomation

Pascal Lévesque, professionnel en intervention en persévérance scolaire au CRÉPAS et Michaël Gaudreault, enseignant et chercheur à ÉCOBES, confirment que les besoins en main-d’oeuvre menacent le taux de diplomation dans la région.

La pénurie de main-d’œuvre menace le taux de diplomation régional. Le besoin de personnel est tel que les employeurs tentent de recruter des jeunes avant même qu’ils ne complètent leur formation. Certains vont même jusqu’à user de stratégies afin de combler leurs besoins de personnel.


« En novembre dernier, un employeur a téléphoné dans une polyvalente pour demander la liste des décrocheurs potentiels, témoigne Pascal Lévesque, professionnel en intervention en persévérance scolaire au CRÉPAS. Des étudiants qui en sont à leur cinquième session de cégep se font offrir un emploi. Il leur manque une session pour obtenir leur diplôme technique. Ils font quoi après quand ils perdent leur travail ? »

La pénurie de main-d’œuvre et ses impacts préoccupent les intervenants du milieu scolaire. Line Chouinard, directrice adjointe au service des programmes et du développement pédagogique du Cégep de Chicoutimi, Michaël Gaudreault, enseignant et chercheur à ÉCOBES, Louis Legault, psychologue et directeur de l’ÉcolACTion, ainsi que Pascal Lévesque étaient réunis devant le Cercle de presse du Saguenay, mercredi, afin de parler de persévérance scolaire, sujet qui sera à l’honneur, du 11 au 15 février, dans le cadre des journées de la persévérance scolaire.



Les intervenants posent un même constat. La rareté de la main-d’œuvre qui sévit actuellement complique la situation pour les différentes instances scolaires.

« La persévérance scolaire, ce n’est pas un enjeu nouveau, mais le contexte est nouveau. Plus le marché du travail est bon, moins le taux de diplomation est bon. Le marché du travail a beaucoup d’attrait », souligne Line Chouinard.

L’impact de la pénurie de travailleurs se fait sentir partout.

Louis Legault, Line Chouinard, Pascal Lévesque et Michaël Gaudreault étaient réunis, mercredi matin, afin de parler de persévérance scolaire.

« Les entrepreneurs veulent venir rencontrer les jeunes au cégep. Les offres de parrainage sont aussi en croissance. On a plus de demandes d’employeurs que ce qu’on est capables de satisfaire. On sent concrètement, chaque jour, l’impact de la pénurie de main-d’œuvre », assure Line Chouinard.



La conciliation travail/étude est aussi difficile puisque les employeurs ont des besoins grandissants. Des étudiants qui travaillent sont à bout de souffle.

Des jeunes choisissent aussi d’intégrer le marché du travail avant l’obtention de leur diplôme, une situation qui pourrait avoir des conséquences sur leur avenir.

« La conciliation étude/travail est un enjeu particulièrement présent dans une période de pénurie de main-d’œuvre. C’est difficile de faire persévérer nos jeunes. Certains sont presque diplômés et partent travailler. Mais quand ils perdent leur emploi et que vient le temps de se replacer, c’est un problème », confirme Michaël Gaudreault, soulignant qu’il faut valoriser l’éducation comme parents, mais aussi comme communauté.

« On sait qu’une personne qui n’a pas de diplôme gagne moins, qu’elle est moins apte à se replacer en cas de perte d’emplois ou à obtenir une promotion. C’est préoccupant. La décision des employeurs de prendre des jeunes moins diplômés est une menace pour les jeunes et pour la région », renchérit Line Chouinard.

Cette dernière évoque trois pistes de solutions. « Il faut croire en la valeur du diplôme comme parent, comme individu et comme société. Il faut développer les maillages avec les entreprises, le parrainage et la conciliation travail/étude. Il faut aussi remettre le sujet à l’ordre du jour. »

Pascal Lévesque interpelle d’ailleurs directement les employeurs. « On demande aux employeurs de refaire le choix de la persévérance scolaire si on veut avoir une région qui se développe. La problématique ne sera pas passagère. Il faut trouver des solutions innovantes. »

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DIFFICULTÉS D'APPRENTISSAGE : LE TEMPS D'AGIR

« Ce n’est plus le temps de constater, c’est le temps d’agir. »

Louis Legault, psychologue et directeur de l’ÉcolACTion, est catégorique ; il est temps de trouver une façon d’aider davantage les enfants aux prises avec des difficultés d’apprentissage. Pour ce faire, il estime qu’il faut mettre en place une alternative, une école différente mieux adaptée à leurs besoins, qui pourrait leur permettre de se réaliser à leur plein potentiel. 

Plusieurs enfants sont aux prises avec des difficultés de lecture. Le nombre d’élèves qui composent avec un TDA avec ou sans H (trouble déficitaire de l’attention, avec ou sans hyperactivité) explose. 

« Dès la deuxième année du primaire, il est possible d’identifier les enfants qui ont des problématiques de lecture. C’est l’élément le plus annonciateur de difficultés scolaires. Ces problématiques les suivront probablement tout au long de leur parcours », déplore Louis Legault. 

« On est rendu à un tournant, à avoir une approche différente. Le système régulier ne convient pas à certains enfants. Pour eux, ça prendrait des approches différentes. Le système ne les favorise pas même si on est équipés pour les aider. Des écoles vont chercher les décrocheurs au niveau secondaire et réussissent de belles choses. Il faut un modèle qui permet de les garder au lieu d’aller les rechercher. Un garçon hyperactif au primaire peut devenir un excellent employé toujours prêt plus tard. »

« Au primaire, les garçons sont plus souvent hyperactifs. Quant aux filles, elles souffrent d’anxiété. Les problèmes sont différents », souligne Pascal Lévesque du CRÉPAS. 

Au cégep, le nombre d’étudiants avec TDAH a augmenté de 300 %. « Ces étudiants réussissent bien. Il faut travailler avec eux en amont », souligne Line Chouinard, directrice adjointe au service des programmes et du développement pédagogique au Cégep de Chicoutimi. 

À l’université, leur nombre grandissant a amené la mise en place de solutions. « Il y a des preneurs de notes, des étudiants peuvent enregistrer les cours et d’autres qui sont anxieux font leurs examens seuls dans un local, énumère Louis Legault, qui est aussi chargé de cours à l’université. Le milieu scolaire a fait un pas de géant. » Anne-Marie Gravel