Le milieu doit aller de l’avant

Les entreprises régionales ne doivent pas reculer devant la révolution industrielle 4.0, l’informatisation et l’automatisation. Si elles veulent continuer à faire face à la concurrence mondiale, l’industrie n’a pas le choix d’aller de l’avant et de foncer.


La Chambre de commerce et d’industrie Saguenay-Le Fjord, en collaboration avec la Société de la Vallée de l’aluminium (SVA) et Promotion Saguenay, a tenu une rencontre à l’OTL Gouverneur de Saguenay afin de sensibiliser les dirigeants à cette quatrième révolution industrielle.

Présidente d’ABB Canada, Nathalie Pilon croit qu’il faut se projeter vers l’avenir dans le milieu informatique, pour la petite et la grande entreprise, afin de pouvoir réussir dans le monde d’aujourd’hui.



Mme Pilon cite en exemple les dirigeants d’une mine en Suède qui ont repoussé les frontières en utilisant des camions sans conducteur pour le transport de la marchandise dans la mine. Des tables de contrôle, installées dans des bureaux situés à des centaines et des centaines de kilomètres de distance, veillent au bon fonctionnement en toute sécurité.

« Le message aujourd’hui, c’est qu’il faut entreprendre ce virage-là. Il faut aller de l’avant, sinon nous allons être en retard. Il faut rester compétitifs au Québec et c’est pour ça que j’insiste pour que l’on repousse les frontières. Nous ne pouvons ignorer ce qui se passe ailleurs dans le monde, car nos compétiteurs viennent de partout. »

« De plus, dans le contexte actuel de la pénurie de main-d’œuvre, il faut accélérer le processus d’automatisation et regarder la façon dont on peut utiliser les travailleurs pour s’adapter au futur », ajoute la présidente de l’entreprise spécialisée en technologie mondiale.

Mme Pilon précise que les dirigeants doivent être ouverts au changement et être ainsi moins réfractaires.



« Il n’y a pas de limite. Mais il faut y aller un morceau à la fois. Comme on dit, on ne peut pas manger l’éléphant d’un seul coup. Il faut y aller par tranche. »

Nathalie Pilon croit qu’il est possible de réussir cette nouvelle révolution industrielle même si les entreprises se trouvent loin de Montréal et autres grands centres et même si la fibre optique n’est pas encore en place dans tous les secteurs du Saguenay-Lac-Saint-Jean.

« Ça prend des réseaux plus autonomes dans les usines. Ça prend les bons outils. Il s’agit d’un enjeu et c’est la raison pour laquelle les gouvernements veulent aller de l’avant. Il faut faire des virages. »

« Pourquoi ne pas faire en région ce qui se fait en Afrique ? Ils ont utilisé le réseau satellitaire au lieu du réseau filaire. Ils ont sauté des étapes pour y arriver », ajoute Nathalie Pilon.

Celle-ci ajoute que les industries du Québec et des régions n’ont surtout pas le choix de prendre le virage si elles veulent survivre dans un monde très compétitif.

Gros changement

Les nouvelles technologies ne touchent pas que les secteurs de l’aluminium ou des mines. Responsable des services informatiques chez Nutrinor, Cathie Brassard explique les changements apportés dans la charcuterie afin de pouvoir améliorer le désossage des fesses de porc.



« Nous avons adapté notre méthode de désossage afin d’optimiser nos opérations, les rendre plus performantes et les axer sur les nouvelles technologies. Nous cherchions à améliorer notre production et à réduire le nombre de fesses de porc que l’on devait acheter déjà désossées afin de le faire nous-mêmes. »

« Avec les employés, nous avons été en mesure de mettre en place des espaces de travail adaptable, selon la grandeur ou s’il est gaucher ou droitier pour chaque travailleur », dit-elle.

Mme Brassard ajoute que les gants des désosseurs possèdent un lecteur permettant d’analyser les gestes réalisés.

« Ç’a permis une amélioration du traitement passant de 12 fesses à l’heure à 25-26. Certains en traitent même jusqu’à 40 », explique Mme Brassard.

Chez STAS, Pascal Côté précise que son entreprise vise à connecter la machinerie des alumineries au nuage (cloud) pour en faire une usine intelligente, malgré la lourdeur des appareils.

« Nous leur fournissons des machines intelligentes. Nous travaillons à intégrer des cerveaux qui permettront d’intégrer les algorithmes d’intelligence artificielle pour planifier la maintenance préventive ou la communication entre les machines. Ça nous permettrait d’y accéder à partir d’un portail ou de chez STAS, afin de faire les analyses et améliorer le flux de procédés », conclut Pascal Côté.

Carl Laberge (président de la Chambre de commerce et d’industrie Saguenay-Le Fjord) a discuté de l’importance de la technologie avec Pascal Côté (STAS), Cathie Brassard (Nutrinor) et Jean-Sébastien David (Arianne Phosphate).

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PLONGER TÊTE PREMIÈRE

La production à la mine Arianne Phosphate est encore loin de commencer, mais une chose est certaine, ses dirigeants ont l’intention de plonger tête première dans les nouvelles technologies informatiques afin de pouvoir optimiser la production.

Jean-Sébastien David est chef des opérations pour la minière, dont le minerai se trouve au lac à Paul, au nord du Lac-Saint-Jean. Dans ses plans, Arianne Phosphate prévoit produire annuellement trois millions de tonnes de concentré de phosphate sur une période de 26 ans. Le projet de la mine est d’une valeur de 1,9 milliard de dollars et devrait donner de l’emploi à 2000 personnes durant la construction et à environ 1000 emplois directs et indirects durant la production.

Même si la mine se trouvera à plus de 200 kilomètres de Saguenay, les dirigeants entendent installer leur centre de contrôle au siège social de l’entreprise, à Saguenay.

« Le milieu minier a une réputation plutôt conservatrice. Mais nous faisons face au même défi que dans les autres entreprises avec le manque de main-d’œuvre. Nous devons attirer les gens dans un secteur d’activité qui ne se trouve plus au temps de Fred Caillou et Arthur Laroche, de la carrière Miroc dans les Pierrafeu. Il faut rendre le travail sécuritaire et beaucoup plus attirant », indique M. David.

Il fait référence à la machinerie actuelle des mines qui est peu attirante pour les nouveaux travailleurs.

« En regardant ces foreuses de production, j’avoue que passer une journée là-dessus n’est pas le meilleur endroit au monde. Heureusement, nous sommes en mesure d’automatiser ces équipements aujourd’hui », de dire le chef des opérations d’Arianne Phosphate.

Actuellement, les dirigeants prévoient être en mesure de contrôler la machinerie à partir du siège social. Tout sera automatisé.

« Ce n’est pas de la science-fiction. Il existe des camions sans conducteur, sans cabine. Nous ne regardons pas cette technologie, mais nous visons le contrôle à distance des camions. Un seul travailleur pourrait contrôler deux camions dans la mine. »

« Comme nous partons de zéro et que tout est à construire, nous allons travailler à amener la technologie nécessaire immédiatement. Nous avions pensé y aller par étape, mais on a décidé d’y aller à fond. La technologie est là et il faut l’utiliser tout de suite », ajoute Jean-Sébastien David.

Ainsi, les dirigeants de la minière opteront pour la fibre optique plutôt qu’une tour à micro-onde, dont la fiabilité n’est pas toujours au rendez-vous. Le groupe régional Telnet implantera l’autoroute de la fibre optique à partir de Saint-Ludger-de-Milot afin d’assurer la sécurité du système et voir à éliminer le plus possible les problèmes reliés à la santé et la sécurité au travail.

M. David espère que l’utilisation de cette technologie permettra d’attirer des jeunes travailleurs qui voudront œuvrer dans le milieu informatique autre que la création de jeux vidéo.

« Il est évident que nous allons avoir besoin d’ouvriers informatiques, mais dans un tout autre style que des jeux vidéo. Ce que nous offrirons sera très intéressant. »

« Là, nous demanderons de conduire des camions de 250 tonnes à distance. Ça devrait être un défi intéressant et nous allons avoir besoin de travailleurs », précise le chef aux opérations.