Un psychiatre dénonce le retour de «l’asile»

On a appris la semaine dernière que l’urgence psychiatrique de l’Hôpital du Saint-Sacrement fermera ses portes en novembre, et que la quarantaine de lits en psychiatrie de l’établissement du chemin Sainte-Foy disparaîtront dans la prochaine année.

Un psychiatre croit que le Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux (CIUSSS) de la Capitale-Nationale est en train de faire renaître «l’asile» qu’on croyait être du passé.


En entrevue au Soleil, le DHubert Wallot a rappelé qu’au cours des dernières années, des hôpitaux généraux ont vu disparaître progressivement leurs départements de psychiatrie. C’est le cas de l’Hôtel-Dieu de Québec et des hôpitaux Saint-François-d’Assise, Jeffery-Hale et Enfant-Jésus, qui n’ont plus de lits courte durée en psychiatrie. Un peu plus de la moitié des lits (24 sur 44) de l’Enfant-Jésus ont été transférés — temporairement, nous dit le CIUSSS — à l’Institut universitaire de santé mentale de Québec (IUSMQ), l’ancien asile Saint-Michel-Archange (devenu Robert-Giffard par la suite). Les 20 autres, comme ceux de l’Hôtel-Dieu, de Saint-François-d’Assise et du Jeffery Hale, ont été coupés.

On a également appris la semaine dernière que l’urgence psychiatrique de l’Hôpital du Saint-Sacrement fermera ses portes en novembre, et que la quarantaine de lits en psychiatrie de l’établissement du chemin Sainte-Foy disparaîtront dans la prochaine année. Le CIUSSS de la Capitale-Nationale veut conserver seulement deux urgences psychiatriques, l’une à l’ouest, au CHUL, et l’autre à l’est, à l’Hôpital de l’Enfant-Jésus.

Selon le DHubert Wallot, «on est en train de défaire ce qu’on avait fait à la suite du rapport Bédard», qui recommandait en 1962 de doter tous les hôpitaux généraux de plus de 200 lits de leur propre service de psychiatrie en interne et en externe.

«L’idée, c’était de favoriser l’interaction entre les médecins [les psychiatres et les autres, dont les généralistes], de déstigmatiser les lieux de traitement de psychiatrie, de les décentraliser», rappelle le Dr Wallot.

Le psychiatre constate par ailleurs qu’après la réforme Barrette et le transfert des services de santé mentale au CIUSSS de la Capitale-Nationale, des équipes de santé mentale ont migré des CLSC vers les lieux physiques de l’ancien asile Saint-Michel-Archange. Selon lui, avec cette concentration croissante de la psychiatrie autour de l’IUSMQ, on est en train de recréer un «ghetto». 

Le Dr Wallot quittera Québec, où il suit des patients par l’entremise du programme des troubles psychotiques de l’IUSMQ, pour aller faire une pratique plus diversifiée à Rivière-du-Loup. 

Un ensemble de facteurs l’a poussé à partir. Il trouve que le CIUSSS, une organisation «mammouth», embrasse trop large, que sa taille ne favorise pas «la discussion ouverte». Il déplore que les co-chefs des départements de psychiatrie soient essentiellement sans pouvoir, que «les décisions viennent d’en haut», de gens qui ne voient pas la réalité «terrain». Il n’a d’ailleurs toujours pas digéré la fermeture, en 2016, des lits de crise du Centre de traitement et de réadaptation (CTR) de Nemours, sans qu’aucun psychiatre clinicien n’ait été consulté. Des lits qui permettaient d’éviter l’urgence psychiatrique et l’hospitalisation, rappelle-t-il.

«L’atmosphère est difficile. Les gens que je rencontre ne sont pas parfaitement heureux», constate le DWallot, selon qui il est essentiel de ramener les organisations comme le CIUSSS «à une taille humaine» et de consulter davantage les psychiatres sur le terrain. 

Le CIUSSS se défend

Au CIUSSS de la Capitale-Nationale, on se défend de vouloir recréer l’asile. Au contraire, les fermetures de lits en psychiatrie sont faites dans un souci de conformer aux bonnes pratiques en dispensant de meilleurs services dans la communauté pour éviter des hospitalisations, répète-t-on, tout en assurant que l’idée n’est pas d’économiser, mais bien de transférer les ressources, dont les psychiatres (qui sont en nombre insuffisant), à l’extérieur de l’hôpital. 

Une position qui fait sourciller des psychiatres, qui doutent que les services dans la communauté soient suffisamment organisés et intégrés pour éviter les hospitalisations. À preuve, les taux de réadmission ont augmenté au cours des dernières années, note l’un d’eux. Et les psychiatres reçoivent régulièrement des mémos au sujet de l’achalandage «exceptionnel» dans les urgences psychiatriques.

«Comme de nombreux patients sont admis dans les urgences psychiatriques en attente d’un lit d’hospitalisation sur une unité de psychiatrie, nous sollicitons votre collaboration et votre diligence pour libérer les lits d’hospitalisation dans le respect des besoins cliniques à la clientèle», peut-on lire dans un mémo envoyé lundi par les cochefs du département de psychiatrie du CIUSSS de la Capitale-Nationale, les Drs Yvan Gauthier et François Rousseau.

Le CIUSSS, qui a actuellement 337 lits en psychiatrie et qui suit dans la communauté environ 7000 personnes en santé mentale, explique que l’objectif, c’est de garder les lits pour les patients qui en ont «vraiment besoin». Avant de fermer des urgences et des lits, «c’est clair qu’on met les services en place», assure une porte-parole, Mélanie Otis.