C'était un samedi. Avec les enfants, j'accompagnais ma blonde à l'anniversaire d'une copine de longue date qui célébrait ses quarante ans.
Un superbe chalet dans Lanaudière, planqué dans la forêt d'automne, sur le bord d'une rivière. En arrivant, mes filles sont descendues au sous-sol rejoindre les autres flos. Dix secondes plus tard, elles jouaient avec leurs nouveaux amigos et on ne les a pas revues de la soirée.
C'était un peu plus compliqué pour nous, les adultes. On est était entourés d'une bonne vingtaine d'étrangers, venus d'un peu partout au Québec et même de la Floride pour souligner les quatre décennies de la fêtée.
Toute la soirée, j'ai donc fait du «small talk» avec des inconnus dont je n'avais pas retenu les prénoms. Finalement, j'ai beaucoup jasé et beaucoup ri avec eux. Et je les ai trouvés tous très sympathiques.
Le lendemain, en conduisant vers Québec, je repensais à la soirée et à aux gens que j'ai connus. C'est là que le DOUTE m'a rattrapé.
Peut-être qu'ils m'ont trouvé emmerdant finalement... Peut-être que j'ai trop posé de questions (déformation professionnelle)... ? Peut-être que j'aurais pas dû célébrer aussi fort quand mon équipe a gagné aux mimes? Finalement, ils ne m'ont peut-être pas aimé...
C'est comme ça chaque fois que je rencontre des gens. La plupart du temps, je les trouve très aimables. Mais je crains que ce ne soit pas réciproque.
Cette semaine, j'ai été rassuré d'apprendre que j'étais loin d'être le seul à douter.
Dans une étude publiée en septembre dans la revue scientifique Psychological science, la psychologue sociale Erica J. Boothby, de l'Université Cornell, aux États-Unis, et ses collègues ont constaté que les gens s'inquiètent effectivement beaucoup de mal paraître aux yeux des gens qu'ils rencontrent.
Mais les chercheurs sont allés plus loin : ils ont voulu voir si c'était vrai. Dans une série de cinq expériences, ils ont demandé à des inconnus de converser. Ensuite, ils ont demandé à chaque interlocuteur : pis, comment penses-tu qu'il t'as trouvé ? Et ils ont vérifié si la perception correspondait à la réalité.
Leur conclusion ? Les gens vous haïssent bien plus que vous le pensez.
Ben non, c't'une blague! C'est le contraire : les gens que vous venez de rencontrer vous ont sûrement trouvé bien plus sympathique que vous le pensez.
Voyez ce que les chercheurs écrivent : «Nous avons constaté que suite aux interactions, les personnes sous-estimaient systématiquement à quel point leurs partenaires de conversation les aimaient et appréciaient leur compagnie.»
C'est pareil pour les gars et les filles, peu importe la durée de la conversation. En anglais, les chercheurs ont surnommé ce phénomène le «liking gap», qu'on pourrait traduire machinalement par «fossé d'appréciation».
Le problème de ce fossé, ce n'est pas tant qu'il existe. C'est que non seulement il nous stresse sur le coup, mais il peut nous empêcher de se faire de nouveaux amis.
Quand on suppose que quelqu'un ne nous aime pas la face, on est moins susceptible de tendre des perches pour développer de nouvelles relations.
Mais la question reste : pourquoi les gens se déprécient-ils autant lors d'une première rencontre ?
Parce qu'ils ne voient pas les signaux positifs, trop occupés à se demander s'ils trop ci ou pas assez ça.
«Ils semblent trop attachés à leurs propres préoccupations quant à ce qu’ils devraient dire ou ont dit pour que les autres les aiment», explique Margaret S. Clark, coauteur de l'étude dans une entrevue publiée sur le site de l'Université Yale.
Il y a aussi une part d'autoprotection là-dedans, poursuit Mme Clark. «Nous sommes pessimistes et nous ne voulons pas présumer que les autres nous aiment avant de savoir si c'est vraiment vrai.»
Vous le savez maintenant : c'est vrai. Les nouveaux venus dans votre vie vous trouvent pas mal plus sympas que vous pensez.
Morale de l'histoire: on devrait être plus optimistes après les becs ou la poignée de main d'au revoir. Le doute peut aller se faire foutre.