Chronique|

La solution de Résolu

ÉDITORIAL / Comment s’expliquer qu’une entreprise d’envergure telle que Produits forestiers Résolu (PFR) peine à recruter des travailleurs pour ses scieries, ses usines de pâtes et papiers de même que pour ses opérations en forêt ? La multinationale a retrouvé le chemin de la rentabilité, elle offre des conditions de travail et des salaires plus que respectables, et son histoire est intimement liée à celle du Saguenay–Lac-Saint-Jean. La forêt est dans nos gênes, au moins autant que l’aluminium primaire, mais toute une génération de travailleurs semble bouder l’industrie, comme si la confiance s’était effritée. Et pourtant, rares sont les entreprises qui proposent autant d’occasions de carrière que PFR.

Afin de composer avec le manque de main-d’oeuvre, la direction de Résolu a choisi de se tourner vers les femmes et les communautés autochtones, plutôt que de miser sur l’immigration. En entrevue éditoriale, le président et chef de la direction, Yves Laflamme, explique qu’un jour, les travailleurs étrangers seront peut-être l’unique solution envisageable, mais pour l’instant, il est persuadé que son groupe peut affronter la pénurie de cette façon. Il y a lieu d’applaudir la stratégie déployée par Résolu, qui ouvre la porte à un modèle opérationnel inclusif, fidèle aux valeurs que doivent adopter toutes sociétés modernes.



Résolu compte notamment accompagner les jeunes dans leur cheminement professionnel, jusqu’à ce que ceux-ci soient en mesure d’occuper les postes disponibles. En ce sens, M. Laflamme rappelle que l’innovation ne se limite pas à la technologie ou aux produits. Elle doit aussi s’appliquer aux ressources humaines.

Ce qui nous ramène à la question principale : comment se fait-il qu’une multinationale comme Produits forestiers Résolu doive faire des pieds et des mains pour dénicher du personnel ? Il y a moins de dix ans, la papeterie d’Alma n’avait qu’à rendre publique une démarche d’embauches pour être inondée de curriculum vitae. Aujourd’hui, des pleines pages d’offres d’emploi sont insuffisantes pour séduire les travailleurs potentiels. Rien qu’au Québec, le déficit de travailleurs chez PFR se chiffre à 400, tous domaines confondus.

Un problème généralisé
Lorsque même Résolu a du mal à pourvoir des postes et doit revoir son modèle en profondeur, imaginez les défis auxquels sont confrontées les PME de la région, qui ne disposent ni des ressources financières ni d’une dimension comparable à celle du géant des pâtes et papiers.

En mars, le président de Béton préfabriqué du Lac, Robert Bouchard, y est allé d’un cri du coeur, en affirmant qu’il ne pouvait pas investir dans ses installations almatoises en raison d’un manque de personnel.



Le phénomène est identique dans bien d’autres entreprises, notamment chez certains restaurants et commerces qui doivent réduire les heures d’affaires, faute d’employés, voire fermer leurs portes définitivement.

Aux Serres Toundra de Saint-Félicien, où Produits forestiers Résolu est actionnaire, les dirigeants ont préconisé l’immigration pour pourvoir à leurs besoins. À l’heure actuelle, rappelle Yves Laflamme, pas moins de 55 % des employés de cette entreprise sont d’origine guatémaltèque. Sans leur présence, la production et la récolte de concombres seraient tout à fait impossibles. Dans cette perspective, comment espérer les trois phases d’expansion prévues initialement, lors de l’inauguration des serres jeannoises ?

La pénurie de main-d’oeuvre frappe fortement le Saguenay–Lac-Saint-Jean, comme bien d’autres régions du Québec, et menace son développement de manière très inquiétante.

Espérons que cet enjeu sera au coeur de la campagne électorale qui s’annonce au Québec et que des plans d’action seront élaborés par les différents partis afin de rectifier la situation. Mais en attendant, il est rafraîchissant de voir des multinationales comme Produits forestiers Résolu marquent le pas avec des initiatives aussi porteuses que celles qu’elles ont mises en place.