Un message qu’il avait réitéré le 30 août, alors que Le Soleil venait de faire état des réticences du ministère de la Justice à donner suite à sa requête de porter l’affaire en Cour d’appel.
«S’il y a une chose qui est claire pour moi, c’est qu’on doit aller de l’avant. Je maintiens qu’on doit aller de l’avant avec un tel recours. Il doit y avoir une clarification juridique» de la notion de «mort raisonnablement prévisible», avait confié le ministre québécois de la Santé et des Services sociaux à ce moment-là.
Or, le ministère de la Justice a officiellement décidé qu’il n’ira pas de l’avant, a appris Le Soleil. Il plaide que deux dossiers sont actuellement devant les tribunaux et qu’il n’est donc «pas approprié» pour le gouvernement du Québec «d’en saisir simultanément la Cour d’appel».
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Gaétan Barrette connaissait très bien ces deux dossiers lorsqu’il a réitéré sa demande à sa collègue Stéphanie Vallée à la fin août. Ce sont ceux de Nicole Gladu et de Jean Truchon, deux citoyens de Montréal.
À la mi-juin, le ministre de la Santé avait dit trouver «dommage» que des personnes malades se sentent obligées de s’adresser à la Cour supérieure pour contester la constitutionnalité de certains articles des lois canadienne et québécoise sur l’aide médicale à mourir. Il estimait que ce n’est pas à des citoyens malades de se lancer dans cette aventure judiciaire, mais à un gouvernement comme le sien.
Contacté par Le Soleil, mercredi, M. Barrette s’est contenté de dire qu’il a tout fait pour convaincre son gouvernement de se présenter lui-même devant la Cour d’appel. Et qu’il est aujourd’hui obligé de constater que ça ne sera pas le cas.
L’arrêt Carter
Des interlocuteurs du Soleil ont indiqué il y a quelque temps que l’opposition au sein du ministère de la Justice du Québec vient du fait que ses procureurs se trouveraient à devoir plaider l’inverse de ce qu’ils ont déjà fait valoir à propos de l’aide médicale à mourir, c’est-à-dire qu’elle n’a rien à voir avec le Code criminel, qu’elle fait partie du grand ensemble de soins à accorder aux malades — qu’elle n’est rien d’autre qu’un prolongement des soins médicaux.
Il faut savoir que si un tribunal, plutôt que de clarifier la portée de la disposition sur la «mort raisonnablement prévisible», la déclarait invalide, l’aide médicale à mourir au Canada serait de facto élargie. Selon certains, c’est ce que souhaiterait le ministre Gaétan Barrette.
La loi fédérale limite trop l’aide médicale à mourir, d’après ses détracteurs. Ne sachant trop ce que signifie précisément la notion de «mort raisonnablement prévisible», des médecins refusent des demandes qui auraient été acceptées si la loi fédérale avait été calquée sur l’arrêt Carter rendu par la Cour suprême du Canada en février 2015.
Au Québec, les médecins peuvent s’appuyer sur la loi québécoise, qui stipule qu’un malade doit être «en fin de vie». Ils agissent cependant dans le cadre d’une législation encore plus restrictive que celle d’Ottawa.
Derrière ce bras de fer sur l’opportunité de cogner ou non à la porte de la Cour d’appel se cachait la question de l’élargissement de l’aide médicale à mourir aux personnes atteintes de maladies graves et incurables, mais non nécessairement mortelles. Une question qui demeure ouverte.